2. Les slogans de la Révolution
Ces obstacles sont aussi parfois les slogans révolutionnaires acceptés
comme dogmes, ce qui n'est pas rare, même dans les meilleurs milieux.
A - "La Contre-Révolution est stérile parce qu'elle est
anachronique"
Le plus opiniâtre et le plus nuisible de ces slogans consiste à affirmer
qu'à notre époque la Contre-Révolution ne peut plus réussir parce qu'elle est contraire
à l'esprit du temps. L'Histoire, dit-on, ne fait pas marche arrière.
D'après ce singulier principe, la religion catholique n'existerait pas. Car
l'on ne peut nier que l'Evangile fût radicalement contraire au milieu dans
lequel Notre Seigneur Jésus-Christ et les apôtres le prêchèrent. Et l'Espagne
catholique, germano-romaine, n'existerait pas non plus. Car rien ne ressemble
plus à une résurrection et donc - dans une certaine mesure - à un retour au
passé que le plein rétablissement de la grandeur chrétienne de l'Espagne au
terme des huit siècles qui vont de Covadonga à la chute de Grenade. La
Renaissance elle-même, si chère aux révolutionnaires, fut, du moins sous divers
aspects, un retour au naturalisme culturel et artistique fossilisé plus de mille
ans auparavant.
L'Histoire comporte donc des va-et-vient, soit dans les voies du bien, soit
dans les voies du mal.
D'ailleurs il faut être circonspect lorsque la Révolution considère que quelque
chose correspond à l'esprit du temps. Car souvent il s'agit d'une vieillerie
des temps païens, qu'elle veut réintroduire.
Qu'y a-t-il de nouveau par exemple dans le divorce ou le nudisme, la
tyrannie ou la démagogie, si répandus dans le monde antique ?
Pourquoi le défenseur du divorce serait-il moderne et celui de
l'indissolubilité anachronique ?
Pour la Révolution le concept de "moderne" se résume ainsi : tout
ce qui donne libre cours à l'orgueil et à l'égalitarisme ainsi qu'à la soif des
plaisirs et au libéralisme.
B - "La Contre-Révolution est stérile parce qu'elle est
essentiellement négative"
Autre slogan : la Contre-Révolution, par son nom même, se définit comme
quelque chose de négatif et donc de stérile. Simple jeu de mots. Car l'esprit
humain, partant du fait que la négation d'une négation aboutit à une
affirmation, exprime d'une manière négative beaucoup de ses concepts les plus
positifs : in-faillibilité, in-dépendance, in-nocence, etc. Lutter pour l'un de
ces trois objectifs serait du négativisme, uniquement à cause de la formulation
négative sous laquelle ils se présentent ? Le Concile du Vatican, quand il a
défini l'infaillibilité pontificale, a-t-il fait une oeuvre négative ? Et
l'Immaculée Conception est-elle une prérogative négative de la Mère de Dieu ?
Si l'on entend par négatif, selon le langage courant, quelque chose qui
consiste à nier, à attaquer et à tenir les yeux continuellement tournés vers
l'adversaire, il faut dire que la Contre-Révolution, sans être seulement une
négation, contient en son essence quelque chose de fondamentalement et
sainement négatif. Elle constitue, comme nous l'avons dit, un mouvement dirigé
contre un autre mouvement et il serait incompréhensible que, dans une lutte, un
adversaire n'ait pas les yeux fixés sur l'autre et n'ait pas avec lui une
attitude de polémique, d'attaque et de contre-attaque.
C - "L'argumentation contre-révolutionnaire est polémique et
nuisible"
Le troisième slogan consiste à critiquer les oeuvres intellectuelles des
contre-révolutionnaires pour leur caractère négatif et polémique, qui les amène
à trop insister sur la réfutation de l'erreur, au lieu de faire un exposé
limpide et serein de la vérité. Elles seraient donc nuisibles, car elles
irriteraient et éloigneraient l'adversaire. Exception faite d'excès possibles,
ce cachet apparemment négatif a une profonde raison d'être. Selon ce qui a été
dit dans ce travail, la doctrine de la Révolution était contenue dans les
négations de Luther et des premiers révolutionnaires, mais ne devint explicite
que très lentement au cours des siècles. De telle sorte que, dès le début, les
auteurs contre-révolutionnaires ont très légitimement perçu, dans les énoncés
révolutionnaires, quelque chose qui dépassait la formule elle-même. A chaque
étape du processus révolutionnaire il faut beaucoup plus considérer la
mentalité de la Révolution que la simple idéologie énoncée dans cette étape.
Pour faire du travail profond, efficace et entièrement objectif, il est donc
nécessaire d'accompagner pas à pas le déroulement de la Révolution, en un
pénible effort de mise au clair des éléments implicites du processus
révolutionnaire. C'est l'unique moyen de parvenir à attaquer la Révolution
comme elle doit l'être. Tout cela a obligé les contre-révolutionnaires à tenir
constamment les yeux fixés sur la Révolution, en pensant et en affirmant leurs
thèses en fonction de ses erreurs. Dans ce dur travail intellectuel, les
doctrines de vérité et d'ordre, existant dans le dépôt sacré du Magistère de
l'Église, sont, pour le contre-révolutionnaire, un trésor dont il tire du neuf
et du vieux 45 pour réfuter la Révolution, à mesure qu'il voit plus
profondément dans ses ténébreux abîmes.
Ainsi en plusieurs de ses aspects - et parmi les plus importants -, le
travail contre-révolutionnaire est sainement négatif et polémique. C'est
d'ailleurs pour des raisons à peu près semblables que la
plupart du temps le Magistère Ecclésiastique définit les
vérités en fonction des hérésies, au fur et à mesure que celles-ci apparaissent
au cours de l'Histoire, et les énonce comme une condamnation des erreurs qui
leur sont opposées. En agissant ainsi, l'Église n'a jamais craint de faire du
mal aux âmes.
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