1. La Contre-Révolution et les organisations de caractère social
De nombreux organismes destinés à résoudre la question sociale opèrent dans
la société temporelle ; leur but suprême est, directement ou indirectement,
celui de la Contre-Révolution, c'est-à-dire l'instauration du Règne de Notre
Seigneur Jésus-Christ. En raison de cette communauté d'intentions56, il
est nécessaire d'étudier les relations entre la Contre-Révolution et ces
organismes.
A - Oeuvres de charité, service social, assistance sociale, associations de
patrons, d'ouvriers, etc.
* a. Dans la mesure où ces oeuvres normalisent la vie économique et
sociale, elles entravent le développement du processus révolutionnaire. Et, en
cela, elles sont ipso facto des auxiliaires précieux de la Contre-Révolution,
même si ce n'est que d'une manière implicite et indirecte.
* b. Toutefois, il convient pour cela de rappeler quelques vérités qu'il
n'est pas rare, malheureusement, de trouver voilées chez ceux qui se
consacrent, avec dévouement, à ces oeuvres :
- Il est certain que celles-ci peuvent soulager et en certains cas
supprimer les misères matérielles à l'origine de bien des révoltes dans les
masses. Mais l'esprit de Révolution n'est pas issu surtout de la misère. Sa racine
est morale et donc religieuse57. Aussi doit-on encourager, dans les
oeuvres en question, la formation religieuse et morale dans la mesure où la
nature propre à chacune le justifie, en ayant soin tout spécialement de
prémunir les âmes contre le virus révolutionnaire, si actif de nos jours.
- L'Eglise, Mère compatissante, stimule tout ce qui peut soulager les
misères humaines. Elle ne nourrit pas l'illusion de pouvoir les éliminer toutes.
Et elle prêche une sainte acceptation de la maladie, de la pauvreté et des
autres privations.
- Il est certain que, dans ces oeuvres, des occasions précieuses permettent
de créer un climat de compréhension et de charité entre patrons et ouvriers. On
peut favoriser par là une démobilisation des esprits déjà prêts à la lutte des
classes. Mais ce serait une erreur de supposer que la bonté désarme toujours la
méchanceté humaine. Les bienfaits innombrables de Notre Seigneur durant sa vie
terrestre eux-mêmes ne parvinrent pas à Lui épargner la haine que Lui vouaient
les méchants. Bien que dans la lutte contre la Révolution il faille de
préférence guider et éclairer les esprits amicalement, il est pourtant clair
qu'un combat direct et formel contre ses différentes formes - le communisme par
exemple - mené par tous les moyens justes et légaux, est licite et en général
indispensable.
- Il faut particulièrement remarquer que ces oeuvres doivent inspirer à
leurs bénéficiaires ou associés une véritable reconnaissance pour les faveurs
reçues, ou quand il ne s'agit pas de faveurs mais d'actes de justice, une
réelle estime pour la rectitude morale qui inspire ces actes.
- Dans les paragraphes précédents, nous avons eu surtout présent à l'esprit
l'ouvrier. Il faut souligner que le contre-révolutionnaire n'est pas
systématiquemment favorable à l'une ou l'autre classe sociale. Défenseur très
actif du droit de propriété, il doit cependant rappeler aux classes supérieures
qu'il ne leur suffit pas de combattre la Révolution dans les domaines où
celle-ci s'attaque à leurs avantages, tout en la favorisant paradoxalement -
comme on le voit si souvent - par la parole ou par l'exemple, dans tous
les autres domaines, comme la vie de famille, les plages, les piscines et autres
divertissements, la vie intellectuelle, les arts, etc. Une classe ouvrière qui
suit leur exemple et accepte leurs idées révolutionnaires sera forcément
utilisée par la Révolution contre les élites
"semi-contrerévolutionnaires".
- Il sera également nuisible à l'aristocratie et à la bourgeoisie de se
vulgariser dans les manières et l'habillement pour désarmer la Révolution. Une
autorité sociale qui se dégrade est, elle aussi, compararable au sel qui ne
sale pas. Il ne lui reste plus qu'à être jetée à la rue pour être foulée aux
pieds par les passants58. Dans la plupart des cas, ce sera fait par des
multitudes pleines de mépris.
- Tout en se maintenant avec dignité et énergie dans leur situation, les
classes supérieures doivent maintenir avec les autres un contact direct et
bienveillant. La charité et la justice pratiquées à distance ne suffisent pas
pour établir entre les classes des relations d'amour véritablement chrétien.
- Les propriétaires doivent surtout se souvenir que le grand nombre de
personnes disposées à défendre la propriété privée (conçue, naturellement,
comme un droit individuel doublé d'une fonction sociale) contre le communisme,
résulte du principe selon lequel la propriété est désirée par Dieu et
intrinsèquement conforme à la Loi naturelle. Or ce principe se rapporte aussi
bien à la propriété du patron qu'à celle de l'ouvrier. Par conséquent le
principe même de la lutte contre le communisme doit amener le patron à
respecter le droit que possède l'ouvrier de recevoir un salaire juste,
correspondant à ses besoins et à ceux de sa famille. Il convient de rappeler
ceci pour souligner que la Contre-Révolution n'a pas seulement à défendre la
propriété patronale, mais celle des deux classes. Elle ne lutte pas pour des
intérêts de groupes ou de catégories sociales, mais pour des principes.
B - Lutte contre le communisme
Nous faisons référence dans ce sous-titre aux organisations qui ne se
consacrent pas principalement à l'édification d'un bon ordre social, mais au
combat contre le communisme. Pour des motifs déjà exposés dans ce travail, nous
considérons ce genre d'organisation comme légitime et souvent même
indispensable. Il est évident que nous ne voulons pas identifier ainsi la
Contre-Révolution avec les abus auxquels l'action de certains de ces organismes
peut avoir donné lieu, dans l'un ou l'autre pays.
Cependant l'efficacité contre-révolutionnaire de ces organismes peut être
considérablement accrue si leurs membres, tout en se maintenant sur leur
terrain spécialisé, ne perdent jamais de vue quelques vérités essentielles :
- Seule une réfutation intelligente du communisme est efficace. La simple
répétition de slogans est insuffisante, même lorsque ces slogans sont
intelligents et habiles.
- Cette réfutation, dans les milieux cultivés, doit être dirigée contre les
bases philosophiques les plus profondes du communisme. Il est important de
souligner son caractère essentiel de secte philosophique qui tire de ses
principes une conception particulière de l'homme, de la société, de l'Etat, de
l'histoire, de la culture, etc.; exactement comme l'Eglise tire de la
Révélation et de la Loi Morale tous les principes de la civilisation et de la
culture catholiques. Entre le communisme, secte qui renferme en soi la
plénitude de la Révolution, et l'Eglise, il n'y a donc pas de conciliation
possible.
- Les multitudes ignorent le communisme dit scientifique et ce n'est pas la
doctrine de Marx qui attire les masses. Auprès du grand public, une action
idéologique anticommuniste doit s'attaquer à un état d'esprit très répandu; si
répandu que les adversaires même du communisme ont souvent honte de s'y
opposer. Cet état d'esprit provient de l'idée, plus ou moins consciente, que
toute inégalité est une injustice et que l'on doit supprimer les fortunes
moyennes comme les grandes, car s'il n'y avait pas de riches, il n'y aurait pas
non plus de pauvres. C'est, comme l'on voit, le résidu de certaines écoles
socialistes du XIXe siècle, parfumé d'un certain sentimentalisme romantique. De
là naît une mentalité qui, tout en se prétendant anticommuniste, se
qualifie souvent de socialiste. Cette mentalité, de plus en plus puissante en
Occident, constitue un danger beaucoup plus grand que l'enseignement même du
marxisme. Elle nous amène lentement sur une pente de concessions qui pourront,
à l'extrême, transformer en républiques communistes les nations en deçà du
rideau de fer. Ces concessions, dans lesquelles on peut entrevoir une tendance
à l'égalitarisme économique et au dirigisme, se font de plus en plus remarquer
dans tous les domaines. L'activité privée est chaque fois plus étroitement
circonscrite. Les impôts sur les successions sont si lourds que, dans certains
cas, le fisc est le principal héritier. Les interventions officielles en
matière de change, d'exportation et d'importation placent dans la dépendance de
l'Etat tous les intérêts industriels, commerciaux et bancaires. L'Etat
intervient en tout : dans les salaires, dans les loyers, dans les prix. Il
possède des industries, des banques, des universités, des journaux, des radios,
des chaînes de télévision, etc. Tandis que le dirigisme égalitaire transforme
ainsi l'économie, l'immoralité et le libéralisme détruisent la famille et
préparent ce que l'on a coutume d'appeler l'amour libre.
Sans un combat spécifique contre cette mentalité, l'Occident dans cinquante
ou cent ans serait communiste même si un cataclysme engloutissait la Russie et
la Chine.
- Le droit de propriété est si sacré que l'Eglise ne pourrait reconnaître
la légitimité d'une organisation sociale qui lui donnerait toute liberté et
même appui, mais dans laquelle tous les biens seraient collectifs.
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