A. Le Concile Vatican II
Dans la perspective de "Révolution et Contre-Révolution", le
succès des succès remporté par le communisme post-stalinien souriant a été le
silence énigmatique, déconcertant et atterrant, apocalyptiquement tragique du
Concile Vatican II au sujet du communisme.
Ce Concile s'est voulu pastoral et non dogmatique. Il n'a pas eu
effectivement de portée dogmatique. Mais en outre, son omission à propos du
communisme peut le faire passer à l'Histoire comme le Concile a-pastoral.
Comment cela ?
Que le lecteur se figure un immense troupeau languissant dans des champs
pauvres et arides, attaqué de toutes parts par des essaims d'abeilles, de
guêpes et des oiseaux de proie.
Les bergers se mettent à irriguer la prairie et à éloigner les essaims. -
Cette activité peut-elle être qualifiée de pastorale ? - En théorie,
certainement. Pourtant, dans l'hypothèse où le troupeau serait attaqué en même
temps par des meutes de loups voraces dont beaucoup se cacheraient sous des
peaux d'agneaux, et où les pasteurs omettraient complètement de débusquer les
loups pour les mettre en fuite, tout en luttant contre les insectes et les
oiseaux, leur oeuvre pourrait-elle être qualifiée de pastorale, autrement dit,
de propre à de bons et fidèles pasteurs ?
En d'autres termes, ont-ils agi comme de véritables Pasteurs ceux qui, au
Concile Vatican II, ont voulu chasser les adversaires "mineurs" et
ont laissé toute liberté de mouvement - par leur silence - à l'adversaire
"majeur" ?
Avec les tactiques " aggiornate " - dont le moins qu'on puisse
dire, d'ailleurs, est qu'elles sont contestables en théorie et se montrent
ruineuses en pratique - le Concile Vatican II a tenté, disons, de chasser les
abeilles, les guêpes et les oiseaux de proie. Son silence sur le communisme a
laissé toute liberté aux loups. L'oeuvre de ce concile ne peut être inscrite ni
dans l'Histoire, ni dans le Livre de Vie, comme effectivement pastorale.
C'est dur à dire. Mais l'évidence des faits désigne en ce sens le Concile
Vatican II comme l'une des plus grandes calamités, sinon la plus grande, de
l'histoire de l'Eglise 76. Depuis lors, la " fumée de Satan "
a pénétré dans l'Eglise dans des proportions inimaginables et elle se dilate
jour après jour, avec la terrible force d'expansion des gaz. Au scandale
d'innombrables âmes, le Corps Mystique du Christ est entré dans le sinistre
processus de ce qui ressemble à une autodémolition.
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Commentaire de 1992:
Calamités surprenantes dans la phase post-conciliaire de l'Eglise
Le témoignage de Paul VI dans l'allocution "Resistite fortes in
fide", du 29 juin 1972, est d'une importance historique fondamentale en ce
qui concerne les calamités de la phase post-conciliaire dans l'Eglise. Voici la
version de la Poliglotte Vaticane: "Se référant à la situation de l'Eglise
aujourd'hui, le Saint Père affirme avoir la sensation que "par certaine
fissure, la fumée de Satan est entrée dans le temple de Dieu". Il existe -
rapporte la Poliglotte - le doute, l'incertitude, la complexité des problèmes,
l'inquiétude, l'insatisfaction, le choc. On n'a plus confiance dans l'Eglise;
on fait confiance au premier prophète profane [étranger à l'Eglise] qui vient
nous parler, à travers un journal ou un mouvement social, afin de courir
derrière lui et de lui demander s'il a la formule de la véritable vie. Et nous
ne nous rendons pas compte que nous la possédons déjà et que nous en sommes
maîtres. Le doute est entré dans nos consciences, et il est entré par des
fenêtres qui devaient être ouvertes à la lumière. (...)
"Dans l'Eglise règne aussi cet état d'incertitude. On croyait qu'après
le Concile viendrait un jour ensoleillé pour l'histoire de l'Eglise. Est venu,
au contraire, un jour chargé de nuages, de tempête, d'obscurité, de recherche,
d'incertitude. Nous préchons l'oecuménisme et nous nous éloignons de plus en
plus les uns des autres. Nous cherchons à creuser des abîmes au lieu de les
combler.
"Comment cela est-il arrivé ? Le Pape confie aux personnes présentes
son idée: qu'il y a eu intervention d'un pouvoir opposé. Son nom est diable,
cet être mystérieux auquel Saint Pierre fait aussi allusion dans son
Epître" 77.
Quelques années auparavant, le 7 décembre 1968, ce même Pape avait déclaré,
dans une allocution aux étudiants du séminaire lombard : "L'Eglise
traverse aujourd'hui un moment d'inquiétude. Certains pratiquent l'autocritique,
on dirait même l'autodémolition. C'est comme une perturbation intérieure, aigüe
et complexe, que personne n'attendait après le Concile. On pensait à une
floraison, à une diffusion sereine des concepts muris dans la grande assemblée
conciliaire. Il y a encore, dans l'Eglise, cet aspect, celui de la floraison.
Mais étant donné que "bonum ex integra causa, malum ex quocumque
defectu", on fixe davantage son attention sur l'aspect douloureux.
L'Eglise est frappée aussi par ceux qui en font partie" 78.
Sa Sainteté Jean-Paul II a lui-aussi traçé un panorama sombre de la
situation de l'Eglise: "Il est nécessaire d'admettre avec réalisme, et
avec une sensibilité profonde et émue, que les chrétiens aujourd'hui se sentent
en grande partie perdus, confus, perplexes et même désillusionnés : on a
diffusé avec prodigalité des idées contrastant avec la Vérité révélée et
enseignée depuis toujours ; on a diffusé de véritables hérésies dans le domaine
dogmatique et moral, créant des doutes, des confusions et des rébellions ; on a
altéré même la liturgie ; immergés dans le "relativisme" intellectuel
et moral et par conséquent dans le "permissivisme", les chrétiens
sont tentés par l'athéisme, par l'agnosticisme, par l'illuminisme vaguement
moraliste, par un christianisme sociologique, sans dogme défini et sans morale
objective" 79.
Plus tard, le cardinal Joseph Ratzinger, Préfet de la Sacrée Congrégation
pour la Doctrine et la Foi s'est exprimé de façon similaire : "Les
résultats qui ont suivi le Concile paraissent cruellement opposés aux attentes
de tous, à commencer par le pape Jean XXIII puis Paul VI. (...) Les Papes et
les Pères conciliaires espéraient une nouvelle unité catholique et on s'est
acheminé au contraire vers une dissension qui - pour utiliser les mots de Paul
VI - a semblé passer de l'autocritique à l'autodémolition. On espérait un
nouvel enthousiasme; à sa place, on a fini par tomber trop souvent dans la
tiédeur et le découragement. On espérait un saut en avant; et nous nous trouvons
en fait devant un processus de décadence progressive (...)." Il conclut:
"On déclare clairement qu'une réforme réelle de l'Eglise présuppose un
abandon sans équivoque des chemins erronés qui ont conduit à des conséquences
indéniablement négatives" 80.
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Suite du texte de 1976 :
L'Histoire raconte les innombrables drames que l'Eglise a vécus dans les
vingt siècles de son existence. Des oppositions ont germé du dehors, et du dehors
ont cherché à la détruire. Des tumeurs formées en son sein, mais retranchées
par elle, se sont acharnées de l'extérieur à l'anéantir.
- Quand, pourtant, l'Histoire a-t-elle vu, avant nos jours, une tentative
de démolition de l'Eglise, non plus faite cette fois par un adversaire, mais
qualifiée d'"autodémolition" dans une déclaration de source éminente
et de répercussion mondiale ?81
Une
immense débâcle en a résulté pour l'Eglise et pour ce qui subsiste de la
Civilisation chrétienne. L'"Ostpolitik vaticane, par exemple, et la
gigantesque infiltration du communisme dans les milieux catholiques sont des
effets de toutes ces calamités. Et ils constituent autant de succès de
l'offensive psychologique de la IIIe Révolution contre l'Eglise.
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Commentaire de 1992:
L'"Ostpolitik" vaticane: des effets qui surprennent aussi
En lisant aujourd'hui ces lignes sur l' "Ospolitik", on pourrait
se demander si l'énorme transformation intervenue en Russie ne résulterait pas
d'un jeu "génial" de la Hiérarchie ecclésiastique. Le Vatican, se
basant sur des informations de la meilleure source, aurait prévu que le
communisme, corrodé par les crises internes, allait commencer à s'autodémolir.
Et pour inciter le quartier-général mondial de l'athéisme matérialiste à
pratiquer cette autodémolition, l'Eglise catholique, située à l'autre pôle du
panorama idéologique, aurait simulé sa propre autodémolition. La persécution
qu'elle subissait alors de la part du communisme se serait très sensiblement
atténuée: entre moribonds, certaines connivences seraient concevables. La
flexibilité de l'Eglise aurait entraîné ainsi la flexibilité du monde
communiste.
A cela il conviendrait de répondre que si la Sainte Hiérarchie savait que le
communisme se trouvait dans des conditions d'indigence et de ruine telles qu'il
allait être obligé de s'autodémolir, elle devait dénoncer cette situation et
convoquer tous les peuples de l'Occident à préparer le chemin pour
l'assainissement de la Russie et du monde dès la chute du communisme. Elle ne
pouvait se taire et laisser le phénomène se produire en marge de l'influence
catholique ainsi que de la coopération généreuse et zélée des gouvernements
occidentaux. Car c'est seulement en faisant cette dénonciation qu'il aurait été
possible d'éviter la situation provoquée actuellement par l'écroulement
soviétique: une impasse où tout est misère et imbroglio.
Il est faux de toutes façons que l'autodémolition de l'Eglise ait avancé
l'autodémolition du communisme, à moins que l'on suppose l'existence d'un
traité occulte entre les deux parties, une sorte de pacte suicidaire, un traité
dont le moins que l'on puisse dire est qu'il manque de légitimité et d'utilité
pour le monde catholique ; ceci sans mentionner tout ce que cette pure
hypothèse contient d'offensant pour les papes sous les pontificats desquels se
serait effectuée cette double euthanasie.
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Suite du texte de 1976 :
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