D. L'opposition des esprits banals
Les autres feront à ce sujet ce qu'ont toujours fait les esprits banals et
peu hardis. Ils souriront et taxeront d'impossibles de pareilles
transformations, parce que celles-ci sont de nature à modifier leurs habitudes
mentales, qu'elles se heurtent au bon sens, et qu'aux hommes banals, le bon
sens paraît l'unique voie normale de l'histoire. Ils souriront incrédules et
optimistes devant ces perspectives, comme Léon X lui-même a souri à propos
d'une vulgaire "querelle de moines", seule chose qu'il ait su
discerner dans la Ie Révolution naissante ; ou comme le fénelonien Louis XVI a
souri devant les premières effervescences de la IIe Révolution, qui lui étaient
présentées dans les splendides salons de ses palais, enveloppées parfois du son
argentin du clavecin, ou reluisant discrètement dans les ambiances et les
scènes bucoliques du "Hameau" de son épouse. Comme sourient encore
aujourd'hui de nombreux hauts représentants, et même parmi les plus élevés, de
l'Eglise et de la société temporelle en Occident, optimistes et sceptiques
devant les manèges du communisme post-stalinien souriant ou devant les
convulsions qui annoncent la IVe Révolution.
Si un jour la IIIe ou la IVe Révolution s'empare de la vie temporelle de
l'humanité, assistée dans la sphère spirituelle par le progressisme
oecuménique, elle le devra davantage à l'incurie et à la collaboration de ces
riants et optimistes prophètes du "bon sens", qu'à toute la hargne
des troupes révolutionnaires et de leurs services de propagande.
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Commentaire de 1992:
L'opposition des "prophètes du bons sens"
Prophètes étranges dont les prophéties consistent à déclarer invariablement
qu'il "n'arrivera rien" !
Ces différentes formes d'optimisme ont fini par contraster de telle manière
avec les faits qui se sont écoulés depuis les éditions précédentes de
"Révolution et Contre-Révolution" que, pour survivre, les adeptes de
ces théories se sont raccrochés à une fausse espérance, une pure hypothèse :
les derniers événements de l'Est européen auraient entraîné la disparition
définitive du communisme, et donc du processus révolutionnaire dont celui-ci
était, il y a peu de temps encore, le fer de lance. Sur ces espérances, voir
dans cette édition les ajouts du chapitre II de cette IIIe partie.
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Suite du texte de 1976 :
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