L'icône du Christ
transfiguré
14. Le fondement
évangélique de la vie consacrée est à chercher dans
le rapport spécial que Jésus, au cours de son existence
terrestre, établit avec certains de ses disciples, qu'il invita non
seulement à accueillir le Royaume de Dieu dans leur vie, mais aussi
à mettre leur existence au service de cette cause, en quittant tout et
en imitant de près sa forme de vie.
Cette existence
« christiforme », proposée à tant de baptisés au long de
l'histoire, ne peut être vécue que sur la base d'une vocation
spéciale et en vertu d'un don particulier de l'Esprit. En elle, la consécration
baptismale est amenée à donner une réponse radicale par la
sequela Christi, grâce à la pratique des conseils
évangéliques, dont le premier et le plus grand est le lien
sacré de la chasteté pour le Royaume des cieux.Cette forme de la sequela
Christi, dont l'origine est toujours l'initiative du Père, a donc
une connotation essentiellement christologique et pneumatologique; cela lui
permet d'exprimer de manière particulièrement vive le
caractère trinitaire de la vie chrétienne, en quelque
sorte anticipation de l'accomplissement eschatologique vers lequel tend
toute l'Église. Dans
l'Évangile, nombreux sont les gestes et les paroles du Christ qui
éclairent le sens de cette vocation spéciale. Toutefois, pour en
saisir les traits essentiels dans une vision d'ensemble, il est
particulièrement utile de fixer le regard sur le visage rayonnant du
Christ dans le mystère de la Transfiguration. C'est à cette «
icône » que se réfère toute une tradition spirituelle
ancienne, qui relie la vie contemplative à la prière de
Jésus « sur la montagne ».ut similiter secedamus » — « Il partit
à l'écart seul sur la montagne pour prier, en nous donnant
l'exemple de cette mise à l'écart pour que nous allions de
même à l'écart » (Conlat. 10, 6: SC 54, pp. 80-81); S.
Jérôme: « Et
Christum quæras
in solitudine et ores solus in monte cum Iesu » – « Recherche le Christ dans
la solitude et prie seul sur la montagne avec Jésus » (Ep. ad
Paulinum 58, 4, 2: PL 22, 582); Guillaume de Saint-Thierry: «
[Vita solitaria] ab ipso Domino familiarissime celebrata, ab eius discipulis
ipso præsente concupita: cuius transfigurationis gloriam cum vidissent
qui cum eo in monte sancto erant, continuo Petrus...optimum sibi iudicavit in
hoc semper esse » — « [La vie solitaire] a été
pratiquée très souvent par le Seigneur lui-même, et
désirée par ses disciples même en sa présence; ceux
qui étaient avec lui sur la montagne sainte ayant vu la gloire de sa
transfiguration, Pierre jugea immédiatement... que le mieux était
pour lui de demeurer toujours en ce lieu » (Ad fratres de Monte Dei
11-12: SC 223, pp. 150-153).] En
outre, les dimensions « actives » de la vie consacrée peuvent
elles-mêmes y amener aussi dans une certaine mesure, puisque la
Transfiguration n'est pas seulement une révélation de la gloire
du Christ, mais une préparation à accepter sa Croix. Elle suppose une «
ascension de la montagne » et une « descente de la montagne »: les disciples
qui ont joui de l'intimité du Maître, un moment enveloppés
par la splendeur de la vie trinitaire et par la communion des saints, sont
comme emportés dans l'éternité. Puis ils sont soudain
ramenés à la réalité quotidienne; ils ne voient
plus que « Jésus seul » dans l'humilité de la nature humaine et
ils sont invités à retourner dans la vallée, pour partager
ses efforts dans la réalisation du dessein de Dieu et pour prendre avec
courage le chemin de la Croix.
|