44. La maturité affective suppose
que l'on ait conscience de la place centrale de l'amour dans l'existence
humaine. En réalité, comme je l'ai écrit dans l'encyclique Redemptor hominis,
«l'homme ne peut vivre sans amour. Il demeure pour lui-même un être
incompréhensible, sa vie est privée de sens s'il ne reçoit pas la révélation de
l'amour, s'il ne rencontre pas l'amour, s'il n'en fait pas l'expérience et s'il
ne le fait pas sien, s'il n'y participe pas fortement»(129).
Il s'agit d'un
amour qui englobe la personne entière, dans ses dimensions et ses composantes
physiques, psychiques et spirituelles, et qui se traduit dans la «signification
nuptiale» du corps humain, grâce auquel la personne se donne à l'autre et
l'accueille. C'est à la compréhension et à la réalisation de cette «vérité» de
l'amour humain que tend l'éducation sexuelle correctement comprise. On note
aujourd'hui une situation sociale et culturelle diffuse «qui
"banalise" en grande partie la sexualité humaine, en l'interprétant
et en la vivant de façon réductrice et appauvrie, en la reliant uniquement au
corps et au plaisir égoïste»(130). Les situations mêmes des familles d'où
proviennent les vocations sacerdotales présentent souvent à cet égard des
carences notables et parfois de graves déséquilibres.
Dans ce
contexte, il devient plus difficile mais aussi plus urgent d'assurer une éducation
de la sexualité qui soit vraiment et pleinement personnelle et qui ouvre à
l'estime et à l'amour de la chasteté, «vertu qui développe la maturité
authentique de la personne, en la rendant capable de respecter et de promouvoir
la "signification nuptiale" du corps»(131).
Or l'éducation
à l'amour responsable et la maturation affective de la personne sont absolument
nécessaires à celui qui, comme le prêtre, est appelé au célibat, c'est-à-dire à
offrir, avec la grâce de l'Esprit et par la libre réponse de sa volonté propre,
la totalité de son amour et de sa sollicitude à Jésus Christ et à l'Église. En
vue de l'engagement au célibat, la maturité affective doit savoir inclure dans
les rapports humains de sereine amitié et de profonde fraternité un amour ardent,
vif et personnel pour Jésus Christ. Comme l'ont écrit les Pères synodaux,
«l'amour du Christ, prolongé par une offrande de soi universelle, est de la
plus haute importance pour susciter la maturité affective. C'est ainsi que le
candidat appelé au célibat trouvera dans la maturité affective un ferme appui
pour vivre la chasteté dans la fidélité et la joie(132).
Le charisme du
célibat, même authentique et éprouvé, laisse intactes les inclinations de
l'affectivité et les pulsions de l'instinct: aussi les candidats au sacerdoce
ont-ils besoin d'une maturité affective, qui les rende capables de prudence, de
renoncement à tout ce qui peut la compromettre, de vigilance corporelle et
spirituelle, d'estime et de respect dans les relations interpersonnelles entre
hommes et femmes. Une aide précieuse peut être apportée par une éducation
adaptée à la véritable amitié, à l'image des liens de fraternelle affection que
le Christ lui-même a vécus pendant son existence (cf. Jn 11, 5).
La maturité
humaine et en particulier la maturité affective exigent une formation limpide
et forte à la liberté qui prend les traits d'une obéissance convaincue et
cordiale à la «vérité» de son être propre, au «sens» de son existence,
c'est-à-dire au don sincère de soi, comme route et contenu fondamental de
l'authentique réalisation de soi(133). Ainsi comprise, la liberté exige que la
personne soit vraiment maîtresse d'elle-même, décidée à combattre et à
surmonter les diverses formes d'égoïsme et d'individualisme qui menacent la vie
de chacun, prompte à s'ouvrir aux autres, généreuse dans le dévouement et le
service du prochain. Cela est important pour la réponse à donner à la vocation,
spécialement la vocation au sacerdoce, pour la fidélité à celle-ci et aux
engagements qui lui sont liés, surtout dans les moments difficiles. La vie
communautaire du séminaire peut apporter une aide en vue de cette progression
de l'éducation vers une liberté mûre et responsable(134).
L'éducation de
la conscience morale est intimement liée à la formation à la liberté
responsable. La conscience morale sollicite, du plus profond du «moi»,
l'obéissance aux obligations morales; en même temps, elle révèle la
signification profonde de cette obéissance, réponse consciente et libre, donc
motivée par l'amour, aux demandes de Dieu et de son amour. «La maturité humaine
du prêtre - écrivent les Pères synodaux - doit inclure spécialement la
formation de sa conscience. En effet, pour que le candidat puisse fidèlement
satisfaire à ses obligations envers Dieu et l'Église et sagement guider la
conscience des fidèles, il doit s'habituer à écouter la voix de Dieu qui lui
parle au coeur et adhérer avec amour et fermeté à sa volonté»(135).
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