74. Dans l'Église «communion», la
formation permanente aide le prêtre à développer cette conscience que son
ministère est ordonné en fin de compte à réunir la famille de Dieu dans une
fraternité animée par la charité et à la conduire au Père par le Christ dans
l'Esprit Saint(222).
Le prêtre doit
croître dans la conscience de la profonde communion qui le relie au peuple de
Dieu; il n'est pas seulement «devant» l'Église mais d'abord et avant tout
«dans» l'Église. Il est frère parmi ses frères. Revêtu par le baptême de la
dignité et de la liberté des enfants de Dieu dans le Fils unique, le prêtre est
membre du même et unique corps du Christ (cf. Ep 4,16). La conscience de cette
communion pousse à susciter et à développer la coresponsabilité dans une même
et unique mission de salut en valorisant avec empressement et de bon coeur tous
les charismes et les fonctions que l'Esprit répartit aux croyants pour la
construction de l'Église. C'est d'abord et avant tout dans l'accomplissement du
ministère pastoral, ordonné par sa nature au bien du peuple de Dieu, que le
prêtre doit vivre et témoigner de sa profonde communion avec tous. Comme
l'écrivait Paul VI, «il faut se faire les frères des hommes du fait même que
nous voulons être leurs pasteurs, leurs pères et leurs maîtres. Le climat du
dialogue, c'est l'amitié. Bien plus, c'est le service»(223).
De façon plus
spécifique, le prêtre est appelé à développer la conscience d'être membre de
l'Église particulière à laquelle il est incardiné, c'est-à-dire intégré par un
lien à la fois juridique, spirituel et pastoral. Une telle conscience suppose
et développe l'amour particulier pour sa propre Église. En réalité, celle-ci
est l'objet vivant et permanent de la charité pastorale qui doit guider la vie
du prêtre. La charité pastorale le conduit, en effet, à partager l'histoire et
l'expérience de vie de son Église particulière, avec ses richesses et ses
fragilités, ses difficultés et ses espérances, et à travailler pour elle en vue
de sa croissance. Ayant beaucoup reçu de son Église particulière et participant
activement à son édification, chaque prêtre, uni à ses confrères, prolonge
l'activité pastorale de ses prédécesseurs. C'est une exigence naturelle de la
charité pastorale à l'égard de son Église particulière et de son avenir
ministériel qui engage le prêtre à se soucier de se trouver, en quelque sorte,
un successeur dans le sacerdoce.
Le prêtre doit
grandir aussi dans la conscience de la commu nion qui subsiste entre les
diverses Églises particulières, une communion enracinée dans leur être même
d'Églises qui vivent localement l'unique et universelle Église du Christ. Une
telle conscience de la communion inter-ecclésiale favorisera «l'échange des
dons», en commençant par ces dons vivants et personnels que sont les prêtres
eux-mêmes. D'où la disponibilité, mieux encore l'engagement généreux pour
réaliser une distribution équitable du clergé(224). Parmi ces Églises
particulières, il faut rappeler celles qui, «privées de la liberté, ne peuvent
pas avoir leurs propres vocations», comme aussi «les Églises récemment sorties
de la persécution et ces Églises pauvres qui, depuis longtemps et de la part de
plusieurs, ont reçu de l'aide dans un esprit fraternel et en reçoivent
encore»(225).
Au sein de la
communion ecclésiale, le prêtre est appelé en particulier à croître, par sa
formation permanente, comme membre du presbyterium uni à l'évêque. Le
presbyterium en toute vérité est un mystère; il est en effet une réalité
surnaturelle, car il s'enracine dans le sacrement de l'Ordre. Voilà sa source
et son origine, le «lieu» de sa naissance et de sa croissance. En effet, «les
prêtres par le sacrement de l'Ordre sont rattachés par un lien personnel et
indissoluble au Christ unique prêtre. L'ordination leur est conférée comme
individus, mais il sont insérés dans la communion du presbyterium ensemble avec
l'évêque (Lumen gentium, n. 28; Presbyterorum ordinis, nn. 7-8)»(226).
Cette origine
sacramentelle se reflète et se prolonge dans l'exercice du ministère
presbytéral: du mystère au ministère. «L'unité des prêtres avec l'évêque et
entre eux ne s'ajoute pas comme de l'extérieur à la nature distincte de leur
service, mais elle en exprime l'essence, à savoir la mission du Christ prêtre à
l'égard du peuple rassemblé dans l'unité de la Sainte Trinité»(227). Par cette
unité presbytérale, vécue dans l'esprit de la charité pastorale, les prêtres
sont témoins de Jésus Christ qui a prié le Père «pour que tous soient un» (Jn
17, 21).
La physionomie
du presbyterium est donc celle d'une vraie famille et d'une fraternité dont les
liens ne sont ni de la chair ni du sang, mais de la grâce de l'Ordre. Cette
grâce assume et élève les rapports humains, psychologiques, affectifs, amicaux
et spirituels entre prêtres; elle se manifeste partout et se révèle
concrètement dans les formes les plus variées d'entraide spiri tuelle et aussi
matérielle. La fraternité presbytérale n'exclut personne; elle peut et doit
avoir cependant ses préférences dans le sens de l'option évangélique pour qui a
le plus besoin d'aide ou d'encouragement. Une telle fraternité «accorde une
attention spéciale aux jeunes prêtres, entretient un dialogue cordial et
fraternel avec ceux d'âge moyen ou avancé ainsi qu'avec ceux qui pour diverses
raisons vivent des difficultés. Quant aux prêtres qui ont quitté le ministère
ou qui n'y sont plus fidèles, non seulement elle ne les abandonne pas, mais
elle les suit avec une attention encore plus fraternelle»(228).
Les prêtres
religieux résidant et travaillant dans une Église particulière font aussi
partie, à un titre différent, de l'unique presbyterium. Leur présence constitue
un enrichissement pour tous les prêtres. Leurs divers charismes particuliers,
tout en invitant les prêtres à progresser dans la compréhension du sacerdoce,
contribuent à stimuler et à accompagner leur formation permanente. Le don de la
vie religieuse dans la communauté diocésaine, quand il va de pair avec l'estime
sincère et le respect de la particularité de chaque Institut et de chaque
tradition spirituelle, élargit l'horizon du témoignage chrétien et contribue de
diverses façons à enrichir la spiritualité sacerdotale. Il joue surtout ce rôle
en ce qui touche le rapport adéquat et l'influence réciproque entre les valeurs
de l'Église particulière et celles de l'ensemble du peuple de Dieu. De leur
côté, les religieux seront attentifs à maintenir un esprit de vraie communion
ecclésiale, une participation cordiale à la marche du diocèse et aux options
pastorales de l'évêque, en offrant volontiers leur propre charisme pour l'édification
de tous dans la charité(229).
Enfin, c'est
dans le contexte de l'Église communion et du presbyterium qu'on peut le mieux
faire face au problème de la solitude du prêtre qui a retenu l'attention des
Pères synodaux. Il existe une solitude qui fait partie de l'expérience de tous
et qui est absolument normale. Mais il existe aussi une solitude engendrée par
toutes sortes de difficultés et qui, à son tour, provoque d'autres problèmes.
En ce sens, «la participation active au presbyterium diocésain, les contacts
réguliers avec l'évêque et les autres prêtres, la collaboration mutuelle, la
vie commune ou fraternelle entre prêtres, ainsi que l'amitié et les rapports
cordiaux avec les laïcs engagés activement dans les paroisses sont des moyens
très utiles pour surmonter les effets de la solitude que parfois le prêtre peut
expérimenter»(230).
La solitude ne
crée pas seulement des difficultés; elle présente aussi des avantages pour la
vie du prêtre. «Acceptée dans un esprit d'oblation et de recherche dans l'intimité
avec le Seigneur Jésus Christ, la solitude peut favoriser l'oraison et l'étude,
comme elle peut aussi aider la sanctification et la croissance humaine»(231).
Sans oublier qu'une certaine forme de solitude est nécessaire pour la formation
permanente. Jésus savait souvent se retirer pour prier dans la solitude (cf. Mt
14,23). La capacité de supporter une solitude bienfaisante est une condition
indispensable au maintien de la vie intérieure. Il s'agit d'une solitude
habitée par la présence du Seigneur qui, dans la lumière de l'Esprit, nous met
en contact avec le Père. En ce sens, il est nécessaire de faire silence et de
rechercher des espaces et des temps de «désert» pour la formation permanente
intellectuelle, spirituelle et pastorale. En ce sens également, on peut
affirmer que celui qui ne sait pas bien vivre sa solitude n'est pas capable de
communion vraie et fraternelle.
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