Le
discernement évangélique
10. La
situation complexe actuelle, évoquée par quelques aperçus rapides et à titre
d'exemples, doit être non seulement connue mais aussi et surtout interprétée.
Ainsi seulement, on pourra répondre de façon adéquate à la question
fondamentale: «Comment former des prêtres qui soient vraiment à la hauteur des
circonstances actuelles, capables d'évangéliser le monde d'aujourd'hui?»(15)
La connaissance
de la situation est importante. Un simple relevé des données ne suffit pas; il
faut une enquête «scientifique» qui permette de préciser le contour d'un cadre
concret des circonstances socio-culturelles et ecclésiales.
L'interprétation
de la situation est encore plus importante. Elle est requise par l'ambivalence
et parfois par le caractère contradictoire de la situation qui, à la manière du
champ de l'Évangile dans lequel sont semés et poussent ensemble le bon grain et
l'ivraie (cf. Mt 13, 24-30), révèlent comme profondément enchevêtrés entre eux
des difficultés et des potentialités, des éléments négatifs et des raisons
d'espérer, des obstacles et des ouvertures.
La lecture
interprétative, qui sache distinguer entre le bien et le mal, entre les signes
d'espérance et les menaces, n'est pas toujours facile. Dans la formation des
prêtres, il ne s'agit pas simplement d'accueillir les facteurs positifs et de
les opposer aux négatifs. Mais il importe de soumettre ces mêmes facteurs
positifs à un discernement attentif, pour ne pas les isoler l'un de l'autre et
ne pas les mettre en opposition entre eux, comme s'ils étaient des absolus en
opposition. Il en est de même pour les facteurs négatifs: il ne faut pas les
rejeter en bloc et sans distinction, parce qu'en chacun d'eux peut se cacher
une valeur qui attend d'être libérée et rendue à sa vérité totale.
Pour le
croyant, l'interprétation de la situation historique se fait à partir du
principe d'intelligence et du critère des choix d'action qui en découlent, qui
se trouvent dans une exigence nouvelle et originale, le discernement
évangélique; cette interprétation naît dans la force et la lumière de
l'Évangile, de l'Évangile vivant et personnel qui est Jésus Christ, et grâce au
don de l'Esprit Saint. Ainsi, dans la situation historique et ses aléas, le
discernement évangélique recueille non une simple «donnée» dont il faut prendre
acte avec précision et face à laquelle il est possible de rester indifférent ou
passif, mais plutôt un «devoir», un défi pour la liberté responsable, soit de
la personne seule soit de la communauté. C'est un défi lié à un «appel» que
Dieu fait retentir dans la situation historique elle-même: aussi, en elle et
par elle, Dieu appelle l'Église en premier lieu et le croyant à faire en sorte
que «l'Évangile de la vocation et du sacerdoce» exprime la pérennité de la
vérité dans les circonstances changeantes de la vie. Il faut appliquer aussi à
la formation des prêtres les paroles du Concile Vatican II: «L'Église a le
devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps et de les interpréter à
la lumière de l'Évangile, de telle sorte qu'elle puisse répondre, d'une manière
adaptée à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de
la vie présente et future et sur leurs relations réciproques. Il importe donc
de connaître et de comprendre ce monde dans lequel nous vivons, ses attentes,
ses aspirations, son caractère souvent dramatique»(16).
Ce discernement
évangélique s'appuie sur la confiance en l'amour de Jésus Christ qui, toujours
et inlassablement, prend soin de son Église (cf. Ep 5,29), Lui qui est Seigneur
et Maître, clef de voûte, centre et fin de toute l'histoire humaine(17); il est
éclairé et affermi par l'Esprit Saint, qui suscite en tout temps et en tout
lieu l'obéissance de la foi, le joyeux courage de suivre Jésus, le don de la
sagesse qui juge tout et n'est jugée par personne (cf. 1 Co 2,15); il repose
sur la fidélité du Père à ses promesses.
Ainsi, l'Église
se sent capable d'affronter les difficultés et les défis de cette nouvelle
période de l'histoire. Elle peut aussi assurer pour le présent et pour l'avenir
la formation de prêtres qui soient des ministres fervents et convaincus pour la
«nouvelle évangélisation», des serviteurs fidèles et généreux de Jésus Christ
et des hommes.
Ne nous cachons
pas les difficultés. Elles ne sont ni rares ni légères. Pour les vaincre, nous
avons notre espérance, notre foi en l'indéfectible amour du Christ, et notre
certitude du caractère irremplaçable du ministère sacerdotal pour la vie de
l'Église et du monde.
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