30. De la pauvreté évangélique, les
Pères synodaux ont donné une description plus concise et plus profonde que
jamais, la présentant comme «soumission de tous les biens au Bien suprême de
Dieu et de son Royaume»(81). En réalité, seul celui qui contemple et vit le
mystère de Dieu comme Bien unique et suprême, comme vraie et définitive
richesse, peut comprendre et réaliser la pauvreté. Elle n'est certainement pas
mépris et refus des biens matériels, mais elle est usage libre de ces biens, et
en même temps joyeux renoncement à ceux-ci dans une grande disponibilité intérieure,
pour Dieu et pour ses desseins.
La pauvreté du
prêtre, en raison de sa configuration sacramentelle au Christ Tête et Pasteur,
revêt des connotations pastorales précises. C'est à elles que les Pères
synodaux se sont arrêtés, reprenant et développant l'enseignement
conciliaire(82). Ils écrivent entre autres: «Les prêtres, à l'exemple du
Christ, qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre par amour pour nous (cf. 2
Co 8, 9), doivent considérer les pauvres et les plus faibles comme leur étant
confiés d'une manière spéciale, et doivent être capables de donner un
témoignage de pauvreté par une vie simple et austère, étant déjà habitués à
renoncer généreusement aux choses superflues (Optatam totius, n. 9; C.I.C.,
can. 282)».(83)
Il est vrai que
«l'ouvrier mérite son salaire» (Lc 10, 7), et que «le Seigneur a prescrit à
ceux qui annoncent l'Évangile de vivre de l'Évangile»(1 Co 9, 14); mais il est
vrai aussi que ce droit de l'apôtre ne peut être confondu avec une quelconque
pré tention de subordonner le service de l'Évangile et de l'Église aux
avantages et aux intérêts qui peuvent en dériver. Seule la pauvreté assure au
prêtre la disponibilité nécessaire pour être envoyé là où son action est plus
utile et urgente, même au prix d'un sacrifice personnel. C'est la condition
préalable de la docilité de l'apôtre à l'Esprit, qui le rend prêt à «aller»
sans bagage et sans lien, suivant seulement la volonté du Maître (cf. Lc 9,
57-62; Mc 10, 17-22).
Personnellement
intégré dans la vie de la communauté dont il est responsable, le prêtre doit
présenter le témoignage d'une totale «transparence» dans l'administration des
biens de la communauté. Il ne les traitera jamais comme s'ils étaient un
patrimoine personnel, mais comme ce dont il doit rendre compte à Dieu et à ses
frères, surtout aux pauvres. Et la conscience d'appartenir à un presbyterium
unique engagera le prêtre à favoriser soit une plus équitable répartition des
biens entre confrères, soit un certain usage commun de ces biens (cf. Ac 2,
42-45).
La liberté
intérieure, nourrie et conservée grâce à la pauvreté évangélique, rend le
prêtre capable de se tenir du côté des plus faibles, de se faire solidaire de
leurs efforts pour l'instauration d'une société plus juste, d'être plus
sensible et plus capable de compréhension et de discernement des phénomènes
touchant l'aspect économique et social de la vie, ainsi que de promouvoir le
choix préférentiel des pauvres. Sans exclure personne de l'annonce et du don du
salut, le prêtre sait être attentif aux petits, aux pécheurs, à tous les
marginaux, selon le modèle donné par Jésus dans le déroulement de son ministère
prophétique et sacerdotal (cf. Lc 4, 18).
On n'oubliera
pas la signification prophétique de la pauvreté sacerdotale, spécialement
urgente dans les sociétés d'opulence et de consommation: «Le prêtre vraiment
pauvre est certainement un signe concret de la séparation, du renoncement et
non de la soumission à la tyrannie du monde contemporain qui met toute sa
confiance dans l'argent et dans la sécurité matérielle».(84)
Sur la Croix,
Jésus Christ porte à sa perfection sa charité pastorale, dans un dépouillement
extrême, extérieur et intérieur; il est le modèle et la source des vertus
d'obéissance, de chasteté et de pauvreté que le prêtre est appelé à vivre comme
expression de son amour pastoral pour ses frères. Selon ce que Paul écrit aux
chrétiens de Philippes, le prêtre doit avoir les «mêmes sentiments» que Jésus,
se dépouillant de son propre «moi» pour trouver dans la charité obéissante,
chaste et pauvre, la voie royale de l'union avec Dieu et de l'unité avec ses
frères (cf. Ph 2, 5).
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