Vénérables
frères et chers fils, Salut et bénédiction apostolique
MÈRE ET
ÉDUCATRICE de tous les peuples, l'Eglise universelle a été
instituée par Jésus-Christ pour que tous les hommes au long des
siècles trouvent en son sein et dans son amour la plénitude d'une
vie plus élevée et la garantie de leur salut.
A cette Eglise,
« colonne et fondement de vérité » (1), son saint
fondateur a confié une double tâche : engendrer des fils, les
éduquer et les diriger, en veillant avec une providence maternelle sur
la vie des individus et des peuples, dont elle a toujours respecté et
protégé avec soin la dignité.
Le
christianisme, en effet, rejoint la terre au ciel, en tant qu'il prend l'homme
dans sa réalité concrète, esprit et matière,
intelligence et volonté, et l'invite à élever sa
pensée des conditions changeantes de la vie terrestre vers les cimes de
la vie éternelle, dans un accomplissement sans fin de bonheur et de paix.
Bien que le
rôle de la sainte Eglise soit d'abord de sanctifier les âmes et de
les faire participer au bien de l'ordre surnaturel, elle est cependant
soucieuse des exigences de la vie quotidienne des hommes, en ce qui regarde
leur subsistance et leurs conditions de vie, mais aussi la
prospérité et la civilisation dans ses multiples aspects et aux
différentes époques.
Réalisant
tout cela, la sainte Eglise met en pratique le commandement de son Fondateur,
le Christ, qui fait allusion surtout au salut éternel de l'homme
lorsqu'il dit : « Je suis la Voie, la Vérité et la Vie » (2),
et : « Je suis la Lumière du monde » (3), mais qui ailleurs,
regardant la foule affamée, s'écrie gémissant : « J'ai
compassion de cette foule » (4) ; donnant ainsi la preuve qu'il se
préoccupe également des exigences terrestres des peuples. Par ses
paroles, mais aussi par les exemples de sa vie, le divin Rédempteur
manifesta ce souci quand, pour apaiser la faim de la foule, il multiplia
plusieurs fois le pain d'une façon miraculeuse. Et par ce pain
donné en nourriture du corps, il voulut annoncer cette nourriture
céleste des âmes qu'il allait donner aux hommes la veille de sa
Passion.
Rien
d'étonnant donc à ce que l'Eglise catholique, à
l'imitation et au commandement du Christ, pendant deux mille ans, de
l'institution des diacres antiques jusqu'à nos jours, ait constamment
tenu très haut le flambeau de la charité, par ses commandements,
mais aussi par ses innombrables exemples ; cette charité, en harmonisant
les préceptes de l'amour mutuel et leur pratique, réalise
admirablement le commandement de ce double don, qui résume la doctrine
et l'action sociale de l'Eglise.
C'est donc
comme un témoin remarquable de la doctrine et de l'action exercée
par l'Eglise au long des siècles que l'on peut, sans aucun doute,
considérer l'immortelle encyclique Rerum novarum (5),
promulguée il y a soixante-dix ans par Notre Prédécesseur
de vénérée mémoire Léon XIII, pour
énoncer les principes grâce auxquels on pourrait résoudre
d'une manière chrétienne la question ouvrière.
Rarement comme
alors la parole d’un Pape, eut une résonance aussi universelle par la :
profondeur et l'ampleur des sujets traités non moins que par leur
puissance de choc. En réalité ces orientations et ces rappels de
doctrine eurent une telle importance que jamais ils ne pourront tomber dans
l'oubli. Une voie nouvelle s'ouvrit à l'action de l'Eglise. Le Pasteur
suprême, faisant siennes les souffrances, les plaintes et les aspirations
des humbles et des opprimés, une fois de plus se dressa comme le
protecteur de leurs droits.
Et aujourd'hui,
même après un temps si long, l'actualité de ce message est
encore réelle. Elle l'est dans les documents des Papes qui ont
succédé à Léon XIII, et qui, dans leur enseignement
social, se réclament continuellement de l'encyclique léonine,
tantôt pour y prendre leur inspiration, tantôt pour en
éclairer la portée, toujours pour fournir encouragement à
l'action des catholiques ; elle l'est également dans l'organisation
même des peuples. Voilà la preuve que les principes approfondis
avec soin, les directives historiques et les monitions paternelles contenues
dans la magistrale encyclique de Notre Prédécesseur conservent
encore aujourd'hui leur valeur et même suggèrent des normes nouvelles
et actuelles grâce auxquelles les hommes soient à même de
mesurer le contenu de la question sociale, comme elle se présente
aujourd'hui, et se décident à prendre leurs
responsabilités.
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