QUATRIÈME PARTIE
RENOUER DES LIENS DE VIE EN COMMUN DANS LA
VÉRITÉ,
LA JUSTICE ET L'AMOUR
Idéologies
tronquées ou erronées
Après
tant de progrès scientifiques, et même à cause d'eux, le
problème reste encore de relations sociales plus humainement
équilibrées tant à l'intérieur de chaque
communauté politique que sur le plan international.
A cette
fin, diverses idéologies ont été de nos jours
élaborées et diffusées ; quelques-unes se sont
déjà dissoutes, comme brume au soleil ; d'autres ont subi et
subissent des retouches substantielles ; d'autres enfin ont perdu beaucoup et
perdent chaque jour davantage leur attirance sur les esprits. La raison en est
que ces idéologies ne considèrent de l'homme que certains
aspects, et souvent, les moins profonds. De plus, elles ne tiennent pas compte
des inévitables imperfections de l'homme, comme la maladie et la
souffrance, imperfections que les systèmes sociaux et
économiques, même les plus poussés, ne réussissent
pas à éliminer. Il
y a enfin l'exigence spirituelle, profonde et insatiable, qui s'exprime partout
et toujours, même quand elle est écrasée avec violence ou
habilement étouffée.
L'erreur la plus radicale de
l'époque moderne est bien celle de juger l'exigence religieuse de
l'esprit humain comme une expression du sentiment ou de l'imagination, ou bien
comme un produit de contingences historiques, qu'il faut éliminer comme
un élément anachronique et un obstacle au progrès humain. Les hommes, au
contraire, se révèlent justement dans cette exigence ce qu'ils
sont en réalité : des êtres créés par Dieu
pour Dieu, comme écrit saint Augustin : « Tu nous as faits pour toi,
Seigneur, et notre cœur est inquiet tant qu'il ne repose pas en toi. » (46)
Quel que
soit le progrès technique et économique, il n'y aura donc dans le
monde ni justice ni paix tant que les hommes ne retrouveront pas le sens de
leur dignité de créatures et de fils de Dieu, première et
dernière raison d'être de toute la création. L'homme
séparé de Dieu devient inhumain envers lui-même et envers
les autres, car des rapports bien ordonnés entre les hommes supposent
des rapports bien ordonnés de la conscience personnelle avec Dieu,
source de vérité, de justice et d'amour.
Il est
vrai que la persécution, qui depuis des dizaines d'années
sévit sur de nombreux pays, même d'antique civilisation
chrétienne, sur tant de Nos frères et de Nos fils, à Nous
pour cela spécialement chers, met toujours mieux en évidence la
digne supériorité des persécutés et la barbarie
raffinée des persécuteurs ; ce qui ne donne peut-être pas
encore des fruits visibles de repentir, mais induit beaucoup d'hommes à
réfléchir.
Il n'en
reste pas moins que l'aspect plus sinistrement typique de l'époque
moderne se trouve dans la tentative absurde de vouloir bâtir un ordre
temporel solide et fécond en dehors de Dieu, unique fondement sur lequel
il puisse subsister, et de vouloir proclamer la grandeur de l'homme en le
coupant de la source dont cette grandeur jaillit et où elle s'alimente ;
en réprimant, et si possible en éteignant, ses aspirations vers
Dieu. Mais l'expérience de tous les jours continue à attester, au
milieu des désillusions les plus amères, et souvent en langage de
sang, ce qu'affirme le Livre inspiré : « Si ce n'est pas Dieu qui bâtit
la maison, c’est en vain que travaillent ceux qui la construisent. » (47)
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