SECONDE PARTIE
PRÉCISIONS ET DÉVELOPPEMENTS
APPORTÉS AUX ENSEIGNEMENTS DE RERUM NOVARUM
Initiative
personnelle et intervention des pouvoirs publics en matière
économique
Qu'il
soit entendu avant toute chose que le monde économique résulte de
l'initiative Personnelle des particuliers, qu'ils agissent individuellement ou
associés de manières diverses à la poursuite
d'intérêts communs.
Toutefois,
en vertu des raisons déjà admises par Nos
Prédécesseurs, les pouvoirs publics doivent, d'autre part,
exercer leur présence active en vue de dûment promouvoir le
développement de la production, en fonction du progrès social et
au bénéfice de tous les citoyens. Leur action a un
caractère d'orientation, de stimulant, de suppléance et d'intégration.
Elle doit être inspirée par le principe de subsidiarité (24),
formulé par Pie XI dans l'encyclique Quadragesimo anno : « Il
n'en reste pas moins indiscutable qu'on ne saurait ni changer ni
ébranler ce principe si grave de philosophie sociale ; de même
qu'on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la
communauté, les attributions dont ils sont capables de s'acquitter de
leur seule initiative et par leurs propres moyens. Ainsi ce serait commettre
une injustice, en même temps que troubler d'une manière très
dommageable l'ordre social, que de retirer aux groupements d'ordre
inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste
et d'un rang plus élevé, les fonctions qu'ils sont en mesure de
remplir eux-mêmes. L'objet naturel de toute intervention en
matière sociale est d'aider les membres du corps social, et non pas de
les détruire ni de les absorber. » (25).
Il est
vrai que de nos jours le développement des sciences et des techniques de
production offre aux pouvoirs publics de plus amples possibilités de
réduire les déséquilibres entre les divers secteurs de
production, entre les différentes zones à l'intérieur des
communautés politiques, entre les divers pays sur le plan mondial. Il
permet aussi de limiter les oscillations dans les alternances de la conjoncture
économique, de faire front aux phénomènes de chômage
massif, avec la perspective de résultats positifs. En
conséquence, les pouvoirs publics, responsables du bien commun, ne
peuvent manquer de se sentir engagés à exercer dans le domaine
économique une action aux formes multiples, plus vaste, plus profonde,
plus organique ; à s'adapter aussi, dans ce but, aux structures, aux
compétences, aux moyens, aux méthodes.
Mais il
faut toujours rappeler ce principe : la présence de l'Etat dans le
domaine économique, si vaste et pénétrante qu'elle soit,
n'a pas pour but de réduire de plus en plus la sphère de
liberté de l'initiative personnelle des particuliers, tout au contraire
elle a pour objet d'assurer à ce champ d'action la plus vaste ampleur
possible, grâce à la protection effective, pour tous et pour
chacun, des droits essentiels de la personne humaine. Et il faut retenir parmi ceux-ci le droit qui
appartient à chaque personne humaine d'être et demeurer
normalement première responsable de son entretien et de celui de sa
famille, Cela comporte que, dans tout système économique, soit
permis et facilité le libre exercice des activités productrices.
Au reste,
le développement même de l'histoire fait apparaître chaque
jour plus clairement qu'une vie commune ordonnée et féconde n'est
possible qu'avec l'apport dans le domaine économique, tant des
particuliers que des pouvoirs publics, apport simultané,
réalisé dans la concorde, en des proportions qui répondent
aux exigences du bien commun, eu égard aux situations changeantes et aux
vicissitudes humaines.
Au fait,
l'expérience enseigne que là où fait défaut
l'initiative personnelle des individus surgit la tyrannie politique, mais
languissent aussi les secteurs économiques orientés surtout
à produire la gamme indéfinie des biens de consommation et services
satisfaisant en plus des besoins matériels les exigences de l'esprit :
biens et services qui engagent de façon spéciale le génie
créateur des individus. Tandis que là où vient à
manquer l'action requise de l'Etat, apparaît un désordre
inguérissable, l'exploitation des faibles par les forts moins
scrupuleux, qui croissent en toute terre et en tout temps, comme l'ivraie dans
le froment.
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