Estimation
Il est
clair que la « socialisation », ainsi comprise, apporte beaucoup d'avantages.
En fait, elle permet d'obtenir la satisfaction de nombreux droits personnels,
en particulier ceux qu'on appelle économiques et sociaux. Par exemple,
le droit aux moyens indispensables à un entretien vraiment humain, aux
soins médicaux, à une instruction de base plus
élevée, à une formation professionnelle plus
adéquate, au logement, au travail, à un repos convenable,
à la récréation, En outre, grâce à une
organisation de plus en plus parfaite des moyens modernes de diffusion de la
pensée — presse, cinéma, radio, télévision — il est
loisible à toute personne de participer aux vicissitudes humaines sur un
rayon mondial.
Par
contre, la « socialisation » multiplie les méthodes d'organisation, et
rend de plus en plus minutieuse la réglementation juridique des rapports
humains, en tous domaines. Elle réduit en conséquence le rayon
d'action libre des individus. Elle utilise des moyens, emploie des méthodes,
crée des ambiances qui rendent difficile pour chacun une pensée
indépendante des influences extérieures, une action d'initiative
propre, l'exercice de sa responsabilité, l'affirmation et
l'enrichissement de sa personne. Faut-il conclure que la « socialisation »,
croissant en amplitude et profondeur, transformera nécessairement les
hommes en automates ? A cette question, il faut répondre
négativement.
Il ne faut pas considérer la
« socialisation » comme le résultat de forces naturelles mues par un
déterminisme. Elle est, au contraire, comme nous l'avons noté,
œuvre des hommes, êtres conscients, libres, portés par nature
à agir comme responsables, même s'ils sont tenus, dans leur
action, à reconnaître et respecter les lois du développement
économique et du progrès social, s'ils ne Peuvent se soustraire
entièrement à la pression de l'ambiance.
Aussi bien, concluons-Nous que la «
socialisation » peut et doit être réalisée de
manière à en tirer les avantages qu'elle comporte, et conjurer ou
comprimer ses effets négatifs.
Dans ce
but, il est requis que les hommes investis d'autorité publique soient
animés par une saine conception du bien commun. Celui-ci comporte
l'ensemble des conditions sociales qui permettent et favorisent dans les hommes
le développement intégral de leur personnalité. Nous
estimons, en outre, nécessaire que les corps intermédiaires et
les initiatives sociales diverses, par lesquelles surtout s'exprime et se
réalise la « socialisation », jouissent d'une autonomie efficace devant
les pouvoirs publics, qu'ils poursuivent leurs intérêts
spécifiques en rapports de collaboration loyale entre eux et de
subordination aux exigences du bien commun.
Il n'est
pas moins nécessaire que ces corps sociaux se présentent en forme
de vraie communauté ; cela signifie que leurs membres seront
considérés et traités comme des personnes, stimulés
à participer activement à leur vie.
Les
organisations de la société contemporaine se développent
et l'ordre s'y réalise de plus en plus, grâce à un
équilibre renouvelé : exigence d'une part de collaboration
autonome apportée par tous, individus et groupes ; d'autre part,
coordination en temps opportun et orientation venue des pouvoirs publics.
Si la «
socialisation » s'exerçait dans le domaine moral suivant les lignes
indiquées, elle ne comporterait pas par nature de périls graves
d'étouffement aux dépens des particuliers. Elle favoriserait, au contraire, le
développement en eux des qualités propres à la personne,
Elle réorganiserait même la vie commune, telle que Notre
Prédécesseur Pie XI la préconisait dans l'encyclique Quadragesimo
anno (26) comme condition indispensable en vue de
satisfaire les exigences de la justice sociale.
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