Adaptations
entre développement économique et progrès social
Tandis
que les économies des divers pays se développent rapidement, avec
un rythme encore plus rapide depuis la dernière guerre, il Nous
paraît opportun d'attirer l'attention sur un principe fondamental. Le
progrès social doit accompagner et rejoindre le développement
économique, de telle sorte que toutes les catégories sociales
aient leur part des produits accrus, Il faut donc veiller avec attention, et
s'employer efficacement, à ce que les déséquilibres
économiques et sociaux n'augmentent pas, mais s'atténuent dans la
mesure du possible.
«
L'économie nationale elle aussi, observe à bon droit Notre
Prédécesseur Pie XII, de même qu'elle est le fruit de
l'activité d'hommes qui travaillent unis dans la communauté
politique, ne tend pas non plus à autre chose qu'à assurer sans
interruption les conditions matérielles dans lesquelles, pourra se
développer pleinement la vie individuelle des citoyens. Là
où cela sera obtenu, et de façon durable, un peuple sera, en
vérité, économiquement riche, parce que le bien-être
général, et par conséquent le droit personnel de tous
à l'usage des biens terrestres, se trouve ainsi réalisé
conformément au plan voulu par le Créateur. » (27)
D'où
il suit que la richesse économique d'un Peuple ne résulte pas
seulement de l'abondance globale des biens, mais aussi et plus encore de leur
distribution effective suivant la justice, en vue d'assurer
l'épanouissement Personnel des membres de la communauté : car
telle est la véritable fin de l'économie nationale.
Nous ne
saurions ici négliger le fait que de nos jours les grandes et moyennes
entreprises obtiennent fréquemment, en de nombreuses économies,
une capacité de production rapidement et considérablement accrue,
grâce à l'autofinancement. En ce cas, Nous estimons pouvoir
affirmer que l'entreprise doit reconnaître un titre de crédit aux
travailleurs qu'elle emploie, surtout s'ils reçoivent une
rémunération qui ne dépasse pas le salaire minimum.
Nous
rappelons à ce sujet le Principe exprimé par Notre
Prédécesseur Pie XI dans l’encyclique Quadragesimo anno : « Il
serait donc radicalement faux de voir soit dans le seul capital, soit dans le
seul travail, la cause unique de tout ce que produit leur effort combiné
; c'est bien injustement que l'une des parties, contestant à l'autre
toute efficacité, en revendiquerait pour soi tout le fruit. » (28).
Il peut
être satisfait à cette exigence de justice en bien des
manières que suggère l'expérience. L'une d'elles, et des
plus désirables, consiste à faire en sorte que les travailleurs
arrivent à participer à la propriété des
entreprises, dans les formes et les mesures les plus convenables. Aussi bien,
de nos jours plus qu'au temps de Notre Prédécesseur, « il faut
donc tout mettre en œuvre afin que, dans l'avenir du moins, la part des
biens qui s'accumule aux mains des capitalistes soit réduite à
une plus équitable mesure et qu'il s'en répande une suffisante
abondance parmi les ouvriers » (29).
Il Nous
faut en outre rappeler que l'équilibre entre la
rémunération du travail et le revenu doit être atteint en
harmonie avec les exigences du bien commun, soit de la communauté
nationale, soit de la famille humaine dans son ensemble.
Il faut
considérer les exigences du bien commun sur le plan national : donner un
emploi au plus grand nombre possible de travailleurs ; éviter la
formation de catégories privilégiées, même parmi ces
derniers ; maintenir une proportion équitable entre salaires et prix ;
donner accès aux biens et services au plus grand nombre possible de
citoyens ; éliminer ou réduire les déséquilibres
entre secteurs : agriculture, industrie, services ; équilibrer expansion
économique et développement des services publics essentiels ;
adapter, dans la mesure du possible, les structures de production aux
progrès des sciences et des techniques ; tempérer le niveau de
vie amélioré des générations présentes par
l'intention de préparer un avenir meilleur aux générations
futures.
Le bien
commun a en outre des exigences sur le plan mondial : éviter toute forme
de concurrence déloyale entre les économies des divers pays ;
favoriser, par des ententes fécondes, la collaboration entre
économies nationales ; collaborer au développement
économique des communautés politiques moins avancées.
Il va de
soi que ces exigences du bien commun, national ou mondial, entrent aussi en
considération quand il s'agit de fixer la part de revenu à
attribuer sous forme de profits aux responsables de la direction des
entreprises, et sous forme d'intérêts ou dividendes à ceux
qui fournissent les capitaux.
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