2. Un témoignage de communion et de solidarité
Si la confrontation avec l'individualisme nous vient de la culture
contemporaine, l'Eglise de Vatican II influence le dynamisme de notre vie
communautaire en l'invitant à devenir ce qu'elle est au fond d'elle
même: une communion dans l'Esprit. En dépit de tous les
obstacles, notre humanité moderne est en quête d'unité. Le
peuple de Dieu y participe par sa recherche pour vivre dans les
réalisations concrètes de notre temps l'expérience de la
première communauté de Jérusalem (Ac 2,42-47). Si
l'attrait indéniable du religieux est à l'origine de tant de
groupes et de sectes, la poussée vers la communion dont l'Esprit est la
source et la force, ne cesse de créer des communautés
ecclésiales de base, de nouveaux mouvements ecclésiaux aux formes
les plus diverses. Dans un monde assoiffé d'unité et pourtant
meurtri par la haine et le meurtre, les divisions et les déchirements,
la communion semble bien lointaine et, humainement parlant, seulement un beau
rêve. C'est pourquoi la vie communautaire devient le témoignage
d'une communion possible dans le Christ, là où elle semble
impossible aux seules forces humaines. La vie communautaire ne consiste pas
seulement à réunir des serviteurs de la mission du Christ. Elle
est elle-même partie intégrante de la mission en tant que
témoignage de la communion, lorsque des personnalités que rien ne
destinait à vivre ensemble donnent au commandement nouveau de l'amour de
ne pas rester une belle parole du Christ, mais de se réaliser dans
l'existence humaine. "La vie communautaire porte elle-même un
témoignage multiple aux yeux de nos contemporains, surtout lorsqu'elle
développe l'amour fraternel et l'unité par laquelle tous peuvent
reconnaître que nous sommes des disciples du Christ" (NC 316,2).
Il va sans dire qu'une vie communautaire de cette envergure
évangélique est bien plus que le simple partage d'un même
toit, d'une même table et d'un même règlement. Il y a
là une exigence qui, pour plusieurs d'entre nous, s'avère
plutôt neuve, mais que les générations montantes portent
dans leur cœur et espèrent bien trouver dans une vie
consacrée à la suite de Celui qui rassemblait autour de lui les
apôtres et les disciples. Sans un partage de notre foi, de nos raisons de
vivre et de travailler comme compagnons de Jésus, de nos
expériences profondes dans la rencontre avec Celui qui nous envoie, il
n'y aura pas de témoignage.
Plusieurs de nos
communautés rendent déjà un témoignage
indéniable par le simple fait que des jésuites appartenant
à des nations, des cultures, des langues et des ethnies
différentes vivent ensemble, surtout lorsque cela se manifeste dans des
régions où cette diversité a provoqué des
coexistences difficiles, voire même explosives.
Un
témoignage moins facile à donner, d'après les lettres
"ex officio", est celui d'un style de vie communautaire qui parle
explicitement de simplicité et de compassion, de solidarité et de
gratuité du don, et de préférence d'amour pour les pauvres
de la part du Christ. Pourtant, "à ceux parmi lesquels nous devons
habiter" (NC 327), nous avons aussi à témoigner ensemble du
Christ pauvre, de son amour pour les pauvres.
Il n'est pas
tellement dans nos habitudes de vouloir explicitement témoigner par
notre vie communautaire. Mais si nous vivons pleinement comme "une
communauté apostolique qui a pour souci le service que (nous sommes)
tenus de donner aux hommes, en raison même de (notre) vocation" (NC
315), nous témoignerons de cette communion dans l'Esprit, humainement si
peu réalisable mais tout à fait possible par "une
étroite mise en commun de la vie et des biens au centre de laquelle est
l'Eucharistie" (NC 315).
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