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Peter Hans Kolvenbach
Sur la vie communautaire

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  • 4. Amis dans le Seigneur, membres de la Compagnie
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4. Amis dans le Seigneur, membres de la Compagnie

Si dans notre vie communautaire domine le souci de devenir des serviteurs de la mission du Christ, que peut-elle encore signifier pour les relations entre nous? Nous ne sommes pas des fonctionnaires ou des volontaires d'une organisation multinationale, ni non plus des hôtes plus ou moins payants de nos maisons. La dernière congrégation générale écarte même le terme de compagnons de travail (CG 34, 545): pour elle, nous sommes comme des amis dans le Seigneur.

Cette expression, qui se trouve sous la plume de Maître Ignace, selon toute vraisemblance, une seule fois et bien avant la fondation de la Compagnie de Jésus, a été proposée à toutes les communautés de la Compagnie pour savoir dans quelle mesure elles s'y reconnaissaient.

D'après les lettres "ex officio", la réaction n'a nullement été unanime. Des différences d'âge et de sensibilité culturelle expliquent sans doute à la fois pourquoi un nombre important de Jésuites partagent la pudeur de Maître Ignace à l'égard du mot "ami", même s'il vivait lui-même une authentique amitié avec ses compagnons, et pourquoi tant d'autres se reconnaissent parfaitement dans les paroles de la dernière congrégation générale constatant que des amitiés solides avec des frères jésuites "peuvent non seulement soutenir une vie de chasteté, mais peuvent aussi approfondir la relation affective avec Dieu que comporte la chasteté" (CG 34, 260). Tous semblent être d'accord pour dire que la vie communautaire suppose une fraternité exigeante. Mais on se demande comment traduire cette exigence sans qu'une affection, voire une intimité vienne faire obstacle au profond amour personnel de Jésus et de sa mission qui est absolument prioritaire dans notre vie communautaire (CG 34, 537a).

Malgré des connotations militaires et politiques qui risquaient de les faire mal comprendre, Maître Ignace et les premiers jésuites exprimaient leur vie communautaire au moyen de deux mots, encore en usage aujourd'hui: "Compagnie de Jésus", "Societas Iesu". Ignace savait apprécier la camaraderie sous les armes où il avait découvert de véritables compagnons. C'est à l'un d'eux qu'il se confessa avant la bataille de Pampelune. Pour lui, un compagnon était quelqu'un sur qui il savait pouvoir compter: "Lorsqu'il aurait faim, il attendrait de lui une aide, et lorsqu'il tomberait, il l'aiderait à se relever", déclare Ignace lui-même (Récit, 35). Beaucoup plus tard, les premiers jésuites font l'expérience de devenir des compagnons de Jésus dans l'esprit d'une "sequela Christi" dans la peine, pour le suivre dans la gloire (Ex 95). C'est après la délibération romaine de 1539, où les compagnons expriment unanimement leur désir d'être "devinctos et colligatos in uno corpore", qu'apparaît le mot "societas" pour exprimer leur désir d'union, et en conséquence la possibilité de s'appeler "socii Iesu". Maître Ignace lui-même souhaite que le mot "compagnie" évoque la vision de la Storta, où par la volonté du Père (NC 314) nous sommes unis ensemble à la mission de son Fils (FN 2,133). Plus tard, le Père Laynez lit dans le mot "societas" toute la richesse biblique de la "koinonia" (FN 2,154).

Si "Compagnie" et "Societas" font fortune, il n'en est pas de même, aux premiers siècles de notre fondation, pour les mots "compagnon" et "socius". Pour parler de nos relations fraternelles, les constitutions écartent toute image qui pourrait évoquer la vie familiale. Fidèle à cette exigence ignatienne, la dernière congrégation générale avoue que le jésuite est devenu un homme sans famille (CG 34, 243) et qu'une vie communautaire ne peut remplacer une femme et des enfants (CG 34, 248).

Ce n'est pas à ce niveau familial que se situent nos liens les uns avec les autres, et la vie communautaire la plus heureuse n'évacuera pas un sentiment de solitude que seule la familiarité avec le Seigneur peut combler. Dans les Constitutions, Maître Ignace se contente d'expressions qui signifient notre coresponsabilité pour la mission de la Compagnie. Les jésuites sont "membres du corps de la Compagnie", "personnes de la Compagnie", "ceux de la Compagnie", ou tout simplement "nous".

Par ces expressions plutôt sobres, Maître Ignace met la responsabilité de l'union du corps apostolique universel et de ses communautés locales en nos mains, car cette union est toujours à faire et à refaire, à l'aide du don eucharistique et du pardon sacramentel dans le Christ. Rien ne nous empêche alors de nous appeler "frères" ou "compagnons", et même "amis". Il suffit que ces appellations désignent pour nous, comme pour Maître Ignace, les diverses manières d'être présents et de nous intéresser les uns aux autres, comme médiateurs les uns pour les autres de la présence du Seigneur (CG 34, 248), ce Seigneur à qui nous nous sommes offerts pour grandir dans un compagnonnage missionnaire, en union avec le Christ au "pur service" de notre Père (Ex 135).

Redécouvrir cette exigence ignatienne semble être un désir croissant dans la Compagnie, si l'on en croit les réponses des lettres "ex officio". Mais la tendance reste encore bien forte d'attendre soit l'initiative du supérieur soit l'adhésion unanime - peu probable - de toute la communauté, au lieu d'assumer chacun sa responsabilité propre.




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