Morale et conscience
6. A cette question, Jésus
répond: «Tu connais les commandements», et aussitôt il
énonce ces commandements, qui font partie du Décalogue. Un
jour Moïse les reçut sur le mont Sinaï, au moment de
l’Alliance de Dieu avec Israël. Ils furent inscrits sur des tables de pierre
et ils constituaient pour tout israélite un guide sur sa route chaque
jour. Le jeune homme qui parle avec le Christ connaît naturellement par
coeur les commandements du Décalogue; il peut donc affirmer avec joie:
«Tout cela, je l’ai observé dès ma jeunesse».
Nous pouvons le supposer, dans le dialogue que le Christ mène avec
chacun de vous, les jeunes, la même question est
répétée: «Connais-tu les commandements»? Et elle sera
répétée immanquablement, car les commandements font partie
de l’Alliance entre Dieu et l’humanité. Les commandements
définissent les fondements essentiels du comportement, ils
déterminent la valeur morale des actes humains, ils restent en rapport
organique avec la vocation de l’homme à la vie éternelle, avec
l’instauration du Règne de Dieu dans les hommes et entre eux. Dans la
parole de la Révélation divine, le code de la moralité est
inscrit clairement, les tables du Décalogue du mont Sinaï en
demeurent le point de référence et son sommet se trouve dans
l’Evangile: le Discours sur la montagne et le commandement de l’amour.
Ce code de la moralité
revêt en même temps une autre forme. Il est inscrit dans la
conscience morale de l’humanité, au point que ceux qui ne connaissent
pas les commandements, c’est-à-dire la loi révélée
par Dieu, «se tiennent à eux-mêmes lieu de loi». Ainsi s’exprime
saint Paul dans la Lettre aux Romains, et il ajoute aussitôt: «Ils
montrent la réalité de cette loi inscrite en leur cœur,
à preuve le témoignage de leur conscience».
Nous touchons là à
des problèmes d’une importance capitale pour votre jeunesse et pour le
projet de vie qui y apparaît.
Ce projet s’insère dans la
perspective de la vie éternelle avant tout grâce à la
vérité des actes sur lesquels il sera bâti. La
vérité des actes se fonde sur ce double lieu de la loi morale; ce
qui est écrit sur les tables du Décalogue de Moïse et dans
l’Evangile, et ce qui se trouve gravé dans la conscience morale de
l’homme. Et la conscience «se présente comme témoin» de
cette loi, comme l’écrit saint Paul. Cette conscience, suivant les
termes de la Lettre aux Romains, ce sont «les jugements intérieurs de
blâme ou d’éloge qu’ils portent les uns sur les autres». Chacun sait bien que ces paroles
correspondent profondément à notre réalité
intérieure: chacun de nous, dès sa jeunesse, a
l’expérience de cette voix de la conscience.
Donc, lorsque Jésus, dans
le dialogue avec le jeune homme, énonce les commandements: «Ne tue pas,
ne commets pas d’adultère, ne vole pas, ne porte pas de faux
témoignage, ne fais pas de tort, honore ton père et ta
mère», la conscience droite répond en réagissant
intérieurement aux différents actes de l’homme: elle accuse ou
défend. Mais il faut que la conscience ne soit pas déviée;
il faut que la formulation fondamentale des principes moraux ne cède pas
à la déformation qu’entraîne tout relativisme ou tout
utilitarisme.
Chers amis jeunes! La
réponse que Jésus donne à son interlocuteur de l’Evangile
s’adresse à chacun et à chacune de vous. Le Christ demande
à quel point vous en êtes de votre discernement moral, et il
demande en même temps à quel point vous en êtes dans votre
conscience. C’est là une
question clé pour l’homme: c’est l’interrogation fondamentale de votre
jeunesse, qui compte pour tout le projet de votre vie, lequel
précisément doit prendre forme au cours de la jeunesse. Sa valeur
est étroitement liée à la position que chacun de vous
prend face au bien et au mal moral. La valeur de ce projet dépend
essentiellement de l’authenticité et de la rectitude de votre
conscience, et aussi de sa sensibilité.
Ainsi nous parvenons à un
point crucial, où, à chaque pas, le temps et
l’éternité se rencontrent à un niveau qui est propre
à l’homme. C’est le niveau de la conscience, le niveau des valeurs
morales, et c’est là la dimension la plus importante du temps et de
l’histoire. L’histoire, en effet, ce ne sont pas seulement les
événements qui l’écrivent, en quelque sorte «de
l’extérieur», mais elle est écrite avant tout «de
l’intérieur»: elle est l’histoire des consciences humaines, des
victoires ou des défaites morales. C’est là aussi que la grandeur essentielle de l’homme trouve son
fondement: sa dignité authentiquement humaine. C’est là le
trésor intérieur, grâce auquel l’homme ne cesse de se
vaincre lui-même et s’oriente vers l’éternité. S’il est
vrai que «les hommes ne meurent qu’une fois», il est vrai aussi que le
trésor de la conscience, le dépôt du bien et du mal,
l’homme l’emporte au-delà de la frontière de la mort, afin que,
face à face avec Celui qui est la sainteté même, il
découvre la vérité ultime et définitive sur toute
sa vie: «Après quoi il y a un jugement».
C’est justement cela qui advient
dans la conscience: dans la vérité intérieure de nos
actes, en un sens, la dimension de la vie éternelle est constamment
présente. Et simultanément la même conscience, par
les valeurs morales, marque de son sceau le plus significatif la vie des
générations, l’histoire et la culture des milieux humains, des
sociétés des nations et de toute l’humanité.
Et dans ce domaine, ce qui dépend de chacun et de chacune de vous est
immense!
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