La jeunesse comme
«croissance»
14. Permettez-moi de conclure
cette partie de mes réflexions en rappelant les expressions
utilisées par l’Evangile pour parler de la jeunesse de Jésus de
Nazareth. Elles sont brèves, même si elles couvrent la
période de trente années qu’il a passées dans la maison
familiale, auprès de Marie et de Joseph le charpentier. L’Evangéliste
Luc écrit: «Quant à Jésus, il croissait (ou progressait)
en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes».
Ainsi la jeunesse est une
«croissance». A la lumière de tout ce qui a été dit
jusqu’ici sur ce thème, cette parole évangélique
paraît particulièrement synthétique et suggestive. La
croissance «en âge» évoque le rapport naturel de l’homme avec le
temps: cette croissance est comme une étape «ascendante» dans l’ensemble
du parcours humain. A cela correspond tout le développement
psychophysique: c’est la croissance de toutes les énergies par
lesquelles se constitue l’individualité humaine normale. Mais il faut qu’à ce processus corresponde
la croissance «en sagesse et en grâce».
A vous tous, chers amis les jeunes, je souhaite vraiment une telle
«croissance». On peut dire que c’est
par elle que la jeunesse est vraiment la jeunesse. C’est ainsi qu’elle
acquiert ses caractéristiques propres, absolument uniques. C’est ainsi
qu’elle est donnée à chacun et à chacune de vous, dans son
expérience personnelle et également dans son expérience
communautaire, comme une valeur particulière. Et de même elle se consolide aussi par
l’expérience des adultes qui ont déjà leur jeunesse
derrière eux, et qui de l’étape «ascendante» avancent vers
l’étape «descendante» au moment de faire le bilan global de leur vie.
Il faut que la jeunesse soit une
«croissance» qui porte avec soi l’intégration progressive de tout ce qui
est vrai, bon et beau, jusqu’au moment où elle sera «de
l’extérieur» confrontée aux souffrances, à la perte des proches
et à toute l’expérience du mal qui sans cesse se fait sentir dans
le monde où nous vivons.
Il faut que la jeunesse soit une
«croissance». A cette fin, le contact avec le monde visible, avec la nature,
est d’une énorme importance. Ce rapport nous enrichit pendant la jeunesse
d’une manière différente de la science du monde «puisée
dans les livres». Il nous enrichit d’une manière directe. On pourrait
dire que, en restant en contact avec la nature, nous accueillons dans notre
existence humaine le mystère même de la création, qui se
découvre devant nous avec une richesse et une variété
inouïes d’êtres visibles, et en même temps attire constamment
vers ce qui est caché, ce qui est invisible. La sagesse – que ce soit
par la voix des auteurs inspirés, comme du reste par le témoignage
de nombreux hommes de génie – semble mettre en évidence de
différentes manières «la transparence du monde». Il est bon pour
l’homme de lire dans ce livre merveilleux qu’est le «livre de la nature», tout
grand ouvert pour chacun de nous. Ce qu’un esprit jeune et un cœur jeune y
lisent semble être profondément accordé avec l’exhortation
à la sagesse: «Acquiers la sagesse, acquiers l’intelligence ... Ne
l’abandonne pas, elle te gardera; aime-la, elle veillera sur toi».
L’homme d’aujourd’hui,
spécialement dans le cadre de la civilisation technique et industrielle
hautement développée, est devenu un explorateur de la nature
à une grande échelle, la traitant bien souvent de manière
utilitaire, détruisant ainsi une grande partie de ses richesses et de
son attrait, et polluant le milieu naturel de son existence terrestre. La
nature, pourtant, est donnée à l’homme comme objet d’admiration
et de contemplation, comme un grand miroir du monde. L’alliance du
Créateur avec sa créature s’y reflète; son centre se trouve
dès l’origine en l’homme, créé d’emblée «à
l’image» de son Créateur.
C’est pourquoi je vous souhaite,
à vous les jeunes, que votre croissance «en âge et en sagesse» se
poursuive grâce au contact avec la nature. Prenez-en le temps! Ne
l’épargnez pas! Acceptez aussi la peine et l’effort que comporte
parfois ce contact, en particulier quand nous désirons atteindre des
objectifs spécialement importants. Cette peine est créatrice, elle constitue également un
élément pour un sain repos, qui est aussi nécessaire pour
l’étude que pour le travail.
Cette peine et cet effort, on les
retrouve aussi parmi les thèmes de la Bible, en particulier chez saint
Paul qui compare toute vie chrétienne à une course dans le stade.
Pour chacune et chacun de vous cette peine et cet effort sont
nécessaires; non seulement ils endurcissent le corps, mais tout homme y
éprouve la joie de se dominer et de surmonter obstacles et
résistances. Assurément,
c’est là un des éléments de la «croissance» qui
caractérise la jeunesse.
Je vous souhaite, d’autre part, que cette «croissance» se poursuive
grâce au contact avec les œuvres de l’homme et, plus encore, avec
les hommes vivants. Combien sont nombreuses les œuvres accomplies par les
hommes au cours de l’histoire! Combien
grande est leur richesse et leur variété! La jeunesse semble
particulièrement sensible à la vérité, au bien et
à la beauté que contiennent les œuvres de l’homme. Restant
en contact avec elles dans le champ de tant de cultures différentes, de
tant d’arts et de sciences, nous apprenons la vérité sur l’homme
(exprimée aussi d’une manière si suggestive par le Psaume 8), la
vérité qui contribue à former et à approfondir
l’humanité de chacun de nous.
Cependant nous étudions l’homme d’une manière toute
particulière dans ses rapports avec les autres hommes. Il faut que la jeunesse vous permette de grandir
«en sagesse» par ces contacts. C’est le temps en effet où
s’établissent de nouvelles rencontres, des camaraderies et des
amitiés dans des milieux plus larges que la seule famille. S’ouvre ainsi
le vaste champ de l’expérience, qui présente de l’importance non
seulement dans l’ordre des connaissances, mais en même temps dans le
domaine éducatif et moral. Toute cette expérience de la jeunesse
sera utile quand elle fera naître en chacun et en chacune de vous le sens
critique et, avant tout, la capacité du discernement pour tout ce qui
est humain. Cette expérience de la jeunesse sera heureuse si vous y
apprenez progressivement la vérité essentielle sur l’homme – sur
tout homme et sur vous-mêmes – , la vérité que
synthétise ce passage remarquable de la Constitution pastorale Gaudium
et spes: «L’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour
elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don
désintéressé de lui-même».
Ainsi donc nous apprenons à connaître les hommes pour
être plus pleinement hommes, grâce à la capacité de
«nous donner»: être homme «pour les autres». Une telle
vérité sur l’homme – une telle anthropologie – trouve en
Jésus de Nazareth un sommet inaccessible. C’est pourquoi son adolescence
elle-même est si importante, tandis qu’il «croissait en sagesse ... et en
grâce devant Dieu et devant les hommes».
Je vous souhaite aussi cette «croissance» par le contact avec Dieu. Pour
cela, le contact avec la nature et avec les hommes peut être utile,
indirectement; mais c’est spécialement la prière qui y contribue
directement. Priez et apprenez
à prier! Ouvrez vos cœurs et vos consciences face à Celui
qui vous connaît mieux que vous-mêmes. Parlez avec lui!
Approfondissez la Parole du Dieu vivant, en lisant et en méditant la
sainte Ecriture.
Ce sont là les méthodes et les moyens pour vous approcher de
Dieu et entrer en contact avec lui. Rappelez-vous qu’il s’agit d’un rapport
réciproque. Dieu
répond d’une façon totalement gratuite par «le don de soi», que
le langage biblique nomme la «grâce». Cherchez à vivre dans la
grâce de Dieu!
En vous écrivant, je me
suis contenté de signaler seulement les principaux problèmes qui
concernent le thème de la «croissance». Chacun d’eux, en effet,
est susceptible d’une discussion plus ample.
J’espère que cela se fait dans les différents milieux de
jeunes et les groupes, dans les mouvements et les organisations, qui sont si
nombreux dans les divers pays de chaque continent, où chacun d’eux s’inspire
de sa propre méthode qu’il a élaborée pour travailler sur
le plan de la vie spirituelle et de l’apostolat. Ces organismes, avec la participation des Pasteurs
de l’Eglise, cherchent à montrer aux jeunes la voie de cette
«croissance» qui constitue, en un sens, la définition
évangélique de la jeunesse.
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