Aux Patriarches, Primats, Archevêques, Evêques et autres
ordinaires du monde catholique en paix et en communion avec le Siège
Apostolique.
Vénérables Frères, Salut et Bénédiction Apostolique
A peine fûmes-Nous appelés par les secrets desseins de la Providence, sans
aucun mérite de Notre part, à Nous asseoir sur le Siège du bienheureux Prince
des Apôtres, que, considérant comme adressée à Nous-mêmes la parole de
Notre-Seigneur Jésus-Christ à saint Pierre: Pasce agnos meos, pasce oves
meas, (1) Nous tournâmes Nos regards, avec une souveraine
affection, vers le troupeau confié à nos soins, troupeau immense en vérité,
puisqu'il embrasse, sous un aspect ou sous un autre, l'universalité des hommes.
Tous tant qu'ils sont, en effet, ils ont été rachetés de la servitude du péché
par Jésus-Christ, qui a offert pour eux le prix de son sang, et il n'en est
aucun qui soit exclu des bienfaits de cette rédemption. C'est pourquoi le divin
Pasteur a pu dire de tout le genre humain, que pour une part Il le garde déjà
enfermé dans l'enceinte de son Eglise, et que l'autre se verra forcée d'y
entrer par les douces contraintes de son amour: Et alias oves habeo, quae
non sunt ex hoc ovili ; et illas oportet me adducere et vocem meam audient.
(2)
Aussi, Nous ne vous le cacherons pas,
vénérables Frères, le premier sentiment que Nous avons éprouvé, sous
l'impulsion évidente de la divine bonté, a été un mouvement irrésistible
d'amour et de zèle pour travailler au salut de tous les hommes, si bien qu'en
acceptant la charge du Souverain Pontificat Nous faisions Nôtre le vœu exprimé
par le Sauveur, à la veille de sa passion: Pater sancte, serva eos in nomine
tuo, quos dedisti mihi. (3)
Or, dès que Nous eûmes, du sommet de la dignité
Apostolique, embrassé d'un regard le cours des choses humaines, Nous fûmes
saisis d'une vive douleur, en contemplant les déplorables conditions de la
société civile. Comment, en effet, étant devenu le Père commun de tous les
hommes, n'aurions-Nous pas eu le cœur violemment déchiré au spectacle que
présente l'Europe et même le monde entier, spectacle assurément le plus affreux
et le plus désolant qui se soit jamais vu de mémoire d'homme ? Ils semblent
vraiment être arrivés ces jours dont Jésus-Christ a dit: Audituri estis
praelia et opiniones praeliorum ... Consurget enim gens in gentem et
regnum in regnum, (4) De tous côtés domine la triste image de la guerre, et il n'y a
pour ainsi dire pas d'autre pensée, qui occupe les esprits. Des nations - les plus puissantes et les plus
considérables - sont aux prises: faut-il s'étonner si, munis d'engins
épouvantables, dus aux derniers progrès de l'art militaire, elles visent pour
ainsi dire à s'entre-détruire avec des raffinements de barbarie ? Plus de
limites aux ruines et au carnage: chaque jour la terre, inondée par de nouveaux
ruisseaux de sang, se couvre de morts et de blessés.
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