A voir ces peuples armés
les uns contre les autres, se douterait-on qu'ils descendent d'un même Père,
qu'ils ont la même nature et font partie de la même société humaine ? Les
reconnaîtrait-on pour les fils d'un même Père qui est aux Cieux ? Et tandis que
des armées immenses se battent avec acharnement, la souffrance et la douleur,
tristes compagnes de la guerre, s'abattent sur les Etats, sur les familles et
sur les individus: chaque jour voit s'augmenter outre mesure le nombre des
veuves et des orphelins; le commerce languit, faute de communications; les
champs sont abandonnés, l'industrie est réduite au silence; les riches sont
dans la gêne, les pauvres dans la misère, tous dans le deuil.
Profondément ému de ces calamités, Nous
avons eu à cœur, dès le début de Notre Pontificat, de rappeler les dernières
paroles sorties de la bouche de Notre Prédécesseur, Pontife d'illustre et si
sainte mémoire, et de préluder, en les répétant, à l'exercice de Notre charge
Apostolique.
Nous avons donc adressé d'instantes prières
aux Princes et aux gouvernants, afin que, considérant combien de larmes et de
sang la guerre a déjà fait répandre, ils se hâtent de rendre à leurs peuples
les précieux avantages de la paix. Daigne le Dieu des miséricordes faire en
sorte, que résonnent, à l'aube de Notre Pontificat, comme à la naissance du
divin Rédempteur, dont Nous sommes le Vicaire, les paroles du concert
angélique: In terra pax hominibus bonae voluntatis. (5)
Puissions-Nous être entendu par ceux qui ont
en mains les destinées des peuples ! I1 y a, sans nul doute, d'autres voies,
d'autres moyens, qui permettraient de réparer les droits, s'il y en a eu de
lésés. Qu'ils y recourent, en suspendant leurs hostilités, animés de droiture
et de bonne volonté. C'est Notre amour pour eux et pour toutes les nations, qui
Nous fait parler ainsi, nullement Notre propre intérêt. Qu'ils ne laissent pas tomber
dans le vide cette prière d'un Père et d'un ami.
Mais ce n'est
pas seulement la guerre actuelle avec ses horreurs, qui est la cause du malheur
des peuples, et qui provoque Nos anxiétés et Nos alarmes. Il y a un autre mal,
inhérent aux entrailles mêmes de la société humaine, un mal funeste, qui
épouvante toutes les personnes sensées, car, en outre des ravages qu'il a déjà
produits et qu'il produira encore dans les différents Etats, on peut le
considérer à bon droit comme la véritable cause de la terrible guerre présente.
En effet, depuis que les préceptes et les règles de la sagesse chrétienne,
condition indispensable de la stabilité et de la tranquillité publiques, ont
cessé de présider au gouvernement des Etats, ceux-ci ont commencé, par une
conséquence nécessaire, à chanceler sur leurs bases, et il s'en est suivi dans
les idées et dans les mœurs une telle perturbation, que la société humaine
court à sa ruine, si Dieu ne se hâte de lui venir en aide.
Voici en effet
ce que Nous voyons : absence de bienveillance mutuelle dans les rapports des
hommes entre eux; mépris de l'autorité; luttes injustes des différentes classes
de citoyens; appétit désordonné des biens périssables, comme s'il n'y en avait
pas d'autres, supérieurs de beaucoup, proposés à l'activité humaine. Tels sont,
à Notre avis, les quatre chefs de désordre, d'où proviennent les perturbations
si graves de la société, et contre lesquels doivent se réunir tous les efforts,
par le recours aux principes du christianisme, si l'on veut sérieusement
ramener dans les Etats l'ordre et la paix.
|