C'est en prévision de cet
état de choses, que Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans le sublime sermon sur la
montagne, spécifia expressément quelles étaient les vraies béatitudes de
l'homme sur cette terre, et posa pour ainsi dire les fondements de la
philosophie chrétienne. Dans ces maximes, les adversaires eux-mêmes de notre
Foi ont trouvé un trésor incomparable de sagesse et la plus parfaite théorie de
la morale religieuse: assurément il est reconnu de tous, qu'avant Jésus-Christ,
qui est la vérité même, rien de semblable n'avait été enseigné, ni avec le
poids d'une autorité aussi grave et un tel amour de l'humanité.
Or la raison intime et secrète de cette
philosophie consiste en ceci, que les soi-disant biens de cette vie mortelle
n'ont que l'apparence du bien, sans en avoir la réalité, et que, par suite, ce
n'est pas dans leur jouissance que peut résider la félicité de l'homme. C'est
Dieu qui nous l'affirme: il s'en faut tellement que les richesses, la gloire,
le plaisir puissent nous apporter le bonheur, que si nous voulons vraiment être
heureux, nous devons plutôt nous priver pour l'amour de Dieu de tous ces faux
biens:
Beati pauperes ... beati qui nunc fletis ... beati eritis, quum vos oderint
homines, et cum separaverint vos, et exprobraverint, et eiecerint nomen vestrum
tamquam malum, (23) Ce qui revient à dire, que les douleurs, les
calamités, les misères de cette vie, pourvu que nous les supportions
convenablement, nous ouvriront la voie vers la possession de ces biens
véritables et éternels, quae praeparavit Deus iis qui diligunt illum.
(24) Mais cette doctrine de la Foi, doctrine si importante, est
négligée par le plus grand nombre, et beaucoup semblent même l'avoir
complètement oubliée. Il est donc nécessaire, vénérables Frères, de la faire
revivre dans l'esprit de tous: sans cela l'homme et la société humaine n'auront
point de paix. A tous ceux donc qui gémissent sous le poids de quelque
adversité, nous devons recommander de ne pas tenir leurs yeux fixés sur la
terre, qui n'est qu'un lieu d'exil, mais de les élever vers le ciel, auquel
nous sommes destinés, car non habemus hic manentem civitatem, sed futuram
inquirimus, (25) Et au milieu des afflictions, par lesquelles Dieu
éprouve leur constance à le servir, qu'ils songent fréquemment à l'excellence
du prix qui leur est préparé, s'ils sortent victorieux de cette épreuve. Quod
in praesenti est momentaneum et leve tribulationis nostrae, supra modum in
sublimitate aeternurn gloriae pondus operatur in nobis. (26) En
dernier lieu, mettre tout en œuvre et ne rien épargner pour raviver parmi les
fidèles la Foi aux vérités surnaturelles, et en même temps l'estime, le désir,
l'espérance des biens éternels, telle doit être la première de vos préoccupations,
tant à vous, vénérables Frères, qu'au clergé tout entier et à tous ceux qui,
groupés en différentes associations, travaillent à promouvoir la gloire de Dieu
et le bien véritable de leurs semblables. Dans la mesure, en effet, où croîtra
cette Foi parmi les hommes, on verra diminuer les désirs immodérés des biens
terrestres, et peu à peu avec le réveil de la charité se calmeront les
agitations et les contentions sociales.
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