Et maintenant, si des
affaires humaines Nos pensées se reportent vers celles de l'Église, il y aura
assurément pour Notre âme accablée par les calamités actuelles quelques raisons
de reprendre courage. Car, sans compter les motifs si évidents par eux-mêmes,
tirés de la divine vertu et de l'indéfectibilité que possède l'Église, Nous ne
sommes pas peu consolés par les bienfaits signalés dus au Pontificat si actif
de Notre prédécesseur Pie X, en outre des exemples éclatants de sa vie toute
sainte. Par ses soins en effet, Nous voyons tout le corps ecclésiastique enflammé
d'un vif amour de son état, la piété du peuple chrétien ranimée; dans les
associations catholiques, l'activité développée avec la discipline ; ici des
sièges épiscopaux constitués, là de nouveaux diocèses fondés; l'éducation du
jeune clergé ramenée à la sévérité des canons et cependant accommodée, autant
qu'il en est besoin, à la condition des temps actuels ; l'enseignement des
sciences sacrées débarrassé du danger des nouveautés téméraires; l'art musical
mis en demeure de servir dignement la majesté des cérémonies sacrées, et la
liturgie revêtue d'une splendeur nouvelle; le domaine de la religion largement
accru par les prédications des hérauts de l'Evangile.
C'est ainsi que
Notre Prédécesseur a grandement mérité de l'Eglise, et la postérité lui en
conservera un souvenir reconnaissant. Puisque toutefois le champ du Père de
famille est toujours exposé, Dieu le permettant ainsi, à la malignité de
l'homme ennemi, il n'arrivera jamais qu'on n'y doive pas travailler pour
empêcher la zizanie luxuriante d'étouffer le bon grain. C'est pourquoi,
regardant comme dite aussi à Nous-mêmes la parole de Dieu à son prophète: Ecce
constitui te hodie super gentes et super regna, ut evellas et destruas ... et
aedifices et plantes, (27) quel que soit le mal à écarter, le bien
à promouvoir, Nous y mettrons tous nos soins, en tant qu'il sera en Nous,
jusqu'au moment où il plaira au Prince des Pasteurs de nous demander, compte de
notre mandat.
Or donc, vénérables Frères, puisque Nous
Nous adressons à Vous, pour la première fois, par ces Lettres Encycliques, il
Nous paraît opportun d'indiquer quelques-uns des points principaux sur lesquels
Nous Nous sommes proposés de porter spécialement Notre attention: de la sorte
votre empressement à seconder Nos efforts hâtera la réalisation des fruits
désirés.
Et d'abord, comme dans toute société
humaine, quel que soit le motif de sa formation, il importe au plus haut degré,
pour le succès de l'œuvre commune, que les membres conspirent vers un même but,
il Nous faudra travailler par-dessus tout à faire cesser les dissensions et les
discordes entre catholiques, de quelque genre qu'elles soient; à empêcher qu'il
en naisse de nouvelles; à obtenir que tous soient unis dans une même pensée et
une même action. Les ennemis de Dieu et de l'Eglise comprennent bien que toute
division chez nous, dans l'œuvre de notre défense, devient pour eux une
victoire; aussi recourent-ils fréquemment à cette tactique: quand ils voient
les catholiques bien unis, ils s'efforcent de jeter habilement parmi eux des semences
de discordes et de détruire ainsi leur cohésion. Plût à Dieu que cette manœuvre
ne leur ait pas réussi trop souvent, au grand détriment de la religion ! Ainsi
donc, dès que l'autorité légitime a fait une prescription positive, qu'il ne
soit permis à personne de s'y soustraire, sous prétexte que cela lui déplaît;
mais que chacun soumette sa manière de voir à l'autorité du supérieur et lui
obéisse par devoir de conscience. De même, que nul particulier, par la
publication de livres ou de journaux, ou par des discours publics, ne s'érige
en maître dans l'Eglise. Tous savent à qui a été confié par Dieu le magistère
de l'Eglise: à celui-là pleine et entière liberté doit être laissée de parler,
quand et comme il le juge à propos; le devoir des autres est de l'écouter avec
déférence et de se conformer à sa parole. A l'égard ensuite des questions, où,
sans détriment de la foi ni de la discipline, on peut discuter le pour et le
contre, parce que le Saint-Siège n'en a encore rien décidé, il n'est interdit à
personne d'émettre son opinion et de la défendre; mais que dans ces discussions
on s'abstienne de tout excès de langage, qui pourrait offenser gravement la
charité; que chacun soutienne son avis librement, mais qu'il le fasse avec
modération, et ne croie pas pouvoir décerner aux tenants d'une opinion
contraire, rien que pour ce motif, le reproche de Foi suspecte ou de manquement
à la discipline. Nous voulons aussi que les nôtres s'abstiennent de certaines
appellations dont on a commencé depuis peu à faire usage, pour distinguer les
catholiques des catholiques: qu'elles soient évitées, non seulement en tant que
profanas vocum novitates, qui ne sont conformes ni à la vérité ni à
l'équité, mais encore parce qu'il en résulte parmi les catholiques une grave
agitation et une grande confusion. La Foi catholique est d'une nature telle, qu'on ne
peut rien lui ajouter, rien lui retrancher: ou on la possède tout entière, ou
on ne la possède pas du tout : Haec est fides catholica, quam nisi quisque
fideliter firmiterque crediderit, salvus esse non poterit. (28) Il
n'est pas besoin de qualificatifs pour signifier la profession du catholicisme;
à chacun il suffit de dire: Christianus mihi nomen, catholicus cognomen.
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