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Ioannes Paulus PP. II
Laborem exercens

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  • IV. DROITS DES TRAVAILLEURS
    • 20. L'importance des syndicats
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20. L'importance des syndicats

Sur le fondement de tous ces droits et en relation avec la nécessité où sont les travailleurs de les défendre eux-mêmes, se présente un autre droit: le droit d'association, c'est-à-dire le droit de s'associer, de s'unir, pour défendre les intérêts vitaux des hommes employés dans les différentes professions. Ces unions portent le nom de syndicats. Les intérêts vitaux des travailleurs sont, jusqu'à un certain point, communs à tous; en même temps, cependant, chaque genre de travail, chaque profession a une spécificité propre, qui devrait se refléter de manière particulière dans ces organisations.

Les syndicats ont en un certain sens pour ancêtres les anciennes corporations d'artisans du moyen-âge, dans la mesure où ces organisations regroupaient des hommes du même métier, c'est-à-dire les regroupaient en fonction de leur travail. Mais les syndicats diffèrent des corporations sur un point essentiel: les syndicats modernes ont grandi à partir de la lutte des travailleurs, du monde du travail et surtout des travailleurs de l'industrie, pour la sauvegarde de leurs justes droits vis-à-vis des entrepreneurs et des propriétaires des moyens de production. Leur tâche consiste dans la défense des intérêts existentiels des travailleurs dans tous les secteurs où leurs droits sont en cause. L'expérience historique apprend que les organisations de ce type sont un élément indispensable de la vie sociale, particulièrement dans les sociétés modernes industrialisées. Cela ne signifie évidemment pas que seuls les ouvriers de l'industrie puissent constituer des associations de ce genre. Les représentants de toutes les professions peuvent s'en servir pour défendre leurs droits respectifs. En fait, il y a des syndicats d'agriculteurs et des syndicats de travailleurs intellectuels; il y a aussi des organisations patronales. Ils se subdivisent tous, comme on l'a déjà dit, en groupes et sous-groupes selon les spécialisations professionnelles.

La doctrine sociale catholique ne pense pas que les syndicats soient seulement le reflet d'une structure «de classe» de la société; elle ne pense pas qu'ils soient les porte-parole d'une lutte de classe qui gouvernerait inévitablement la vie sociale. Certes, ils sont les porte-parole de la lutte pour la justice sociale, pour les justes droits des travailleurs selon leurs diverses professions. Cependant, cette «lutte» doit être comprise comme un engagement normal «en vue» du juste bien: ici, du bien qui correspond aux besoins et aux mérites des travailleurs associés selon leurs professions; mais elle n'est pas une «lutte contre» les autres. Si, dans les questions controversées, elle prend un caractère d'opposition aux autres, cela se produit parce qu'on recherche le bien qu'est la justice sociale, et non pas la «lutte» pour elle-même, ou l'élimination de l'adversaire. La caractéristique du travail est avant tout d'unir les hommes et c'est en cela que consiste sa force sociale: la force de construire une communauté. En définitive, dans cette communauté, doivent s'unir de quelque manière et les travailleurs et ceux qui disposent des moyens de production ou en sont propriétaires. A la lumière de cette structure fondamentale de tout travail _ à la lumière du fait que, en définitive, le «travail» et le «capital» sont les composantes indispensables de la production dans quelque système social que ce soit _, l'union des hommes pour défendre les droits qui leur reviennent, née des exigences du travail, demeure un élément créateur d'ordre social et de solidarité, élément dont on ne saurait faire abstraction.

Les justes efforts pour défendre les droits des travailleurs unis dans la même profession doivent toujours tenir compte des limitations imposées par la situation économique générale du pays. Les requêtes syndicales ne peuvent pas se transformer en une sorte d'«égoïsme» de groupe ou de classe, bien qu'elles puissent et doivent tendre à corriger aussi, eu égard au bien commun de toute la société, tout ce qui est défectueux dans le système de propriété des moyens de production ou dans leur gestion et leur usage. La vie sociale et économico-sociale est certainement comme un système de «vases communicants» et chaque activité sociale qui a pour but de sauvegarder les droits des groupes particuliers doit s'y adapter.

En ce sens, l'activité des syndicats entre de manière indubitable dans le domaine de la «politique» entendue comme un souci prudent du bien commun. Mais, en même temps, le rôle des syndicats n'est pas de «faire de la politique» au sens que l'on donne généralement aujourd'hui à ce terme. Les syndicats n'ont pas le caractère de «partis politiques» qui luttent pour le pouvoir, et ils ne devraient jamais non plus être soumis aux décisions des partis politiques ni avoir des liens trop étroits avec eux. En effet, si telle est leur situation, ils perdent facilement le contact avec ce qui est leur rôle spécifique, celui de défendre les justes droits des travailleurs dans le cadre du bien commun de toute la société, et ils deviennent, au contraire, un instrument pour d'autres buts.

Parlant de la sauvegarde des justes droits des travailleurs selon leurs diverses professions, il faut naturellement avoir toujours davantage devant les yeux ce dont dépend le caractère subjectif du travail dans chaque profession, mais en même temps ou avant tout ce qui conditionne la dignité propre du sujet qui travaille. Ici s'ouvrent de multiples possibilités pour l'action des organisations syndicales, y compris leur engagement en faveur de l'enseignement, de l'éducation et de la promotion de l'auto-éducation. L'action des écoles, de ce qu'on appelle les «universités ouvrières» ou «populaires», des programmes et des cours de formation qui ont développé et développpent encore ce type d'activité, est très méritante. On doit toujours souhaiter que, grâce à l'action de ses syndicats, le travailleur non seulement puisse «avoir» plus, mais aussi et surtout puisse «être» davantage, c'est-à-dire qu'il puisse réaliser plus pleinement son humanité sous tous ses aspects.

En agissant pour les justes droits de leurs membres, les syndicats ont également recours au procédé de la «grève», c'est-à-dire de l'arrêt du travail conçu comme une sorte d'ultimatum adressé aux organismes compétents et, avant tout, aux employeurs. C'est un procédé que la doctrine sociale catholique reconnaît comme légitime sous certaines conditions et dans de justes limites. Les travailleurs devraient se voir assurer le droit de grève et ne pas subir de sanctions pénales personnelles pour leur participation à la grève. Tout en admettant que celle-ci est un moyen juste et légitime, on doit également souligner qu'elle demeure, en un sens, un moyen extrême. On ne peut pas en abuser; on ne peut pas en abuser spécialement pour faire le jeu de la politique. En outre, on ne peut jamais oublier que, lorsqu'il s'agit de services essentiels à la vie de la société, ces derniers doivent être toujours assurés, y compris, si c'est nécessaire, par des mesures légales adéquates. L'abus de la grève peut conduire à la paralysie de toute la vie socio-économique. Or cela est contraire aux exigences du bien commun de la société qui correspond également à la nature bien comprise du travail lui-même.




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