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Ioannes Paulus PP. II Ecclesia de Eucharistia IntraText CT - Lecture du Texte |
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Ecclesia de Eucharistia
INTRODUCTION À juste titre, le Concile Vatican II a proclamé que le Sacrifice eucharistique est « source et sommet de toute la vie chrétienne ».1« La très sainte Eucharistie contient en effet l'ensemble des biens spirituels de l'Église, à savoir le Christ lui-même, notre Pâque, le pain vivant, qui par sa chair, vivifiée par l'Esprit Saint et vivifiante, procure la vie aux hommes ».2 C'est pourquoi l'Église a le regard constamment fixé sur son Seigneur, présent dans le Sacrement de l'autel, dans lequel elle découvre la pleine manifestation de son immense amour. Les Apôtres qui ont pris part à la dernière Cène ont-ils compris le sens des paroles sorties de la bouche du Christ? Peut-être pas. Ces paroles ne devaient se clarifier pleinement qu'à la fin du Triduum pascal, c'est-à-dire de la période qui va du Jeudi soir au Dimanche matin. C'est dans ces jours-là que s'inscrit le mysterium paschale; c'est en eux aussi que s'inscrit le mysterium eucharisticum. « Il a été crucifié, est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts ».Aux paroles de la profession de foi font écho les paroles de la contemplation et de la proclamation: « Ecce lignum crucis in quo salus mundi pependit. Venite adoremus ». Telle est l'invitation que l'Église adresse à tous l'après-midi du Vendredi saint. Elle continuera à chanter ensuite durant le temps pascal en proclamant: « Surrexit Dominus de sepulcro qui pro nobis pependit in ligno. Alleluia ». Par ces paroles, ou par d'autres semblables, l'Église désigne le Christ dans le mystère de sa Passion, et elle révèle aussi son propre mystère: Ecclesia de Eucharistia. Si c'est par le don de l'Esprit Saint à la Pentecôte que l'Église vient au jour et se met en route sur les chemins du monde, il est certain que l'institution de l'Eucharistie au Cénacle est un moment décisif de sa constitution. Son fondement et sa source, c'est tout le Triduum pascal, mais celui-ci est comme contenu, anticipé et « concentré » pour toujours dans le don de l'Eucharistie. Dans ce don, Jésus Christ confiait à l'Église l'actualisation permanente du mystère pascal. Par ce don, il instituait une mystérieuse « contemporanéité » entre le Triduum et le cours des siècles. Penser à cela fait naître en nous des sentiments de grande et reconnaissante admiration. Dans l'événement pascal et dans l'Eucharistie qui l'actualise au cours des siècles, il y a un « contenu » vraiment énorme, dans lequel est présente toute l'histoire en tant que destinataire de la grâce de la rédemption. Cette admiration doit toujours pénétrer l'Église qui se recueille dans la Célébration eucharistique. Mais elle doit accompagner surtout le ministre de l'Eucharistie. C'est lui en effet qui, en vertu de la faculté qui lui a été conférée par le sacrement de l'ordination sacerdotale, effectue la consécration. C'est lui qui prononce, avec la puissance qui lui vient du Christ du Cénacle, les paroles: « Ceci est mon corps, livré pour vous... Ceci est la coupe de mon sang versé pour vous... » Le prêtre prononce ces paroles, ou plutôt il met sa bouche et sa voix à la disposition de Celui qui a prononcé ces paroles au Cénacle et qui a voulu qu'elles soient répétées de génération en génération par tous ceux qui, dans l'Église, participent ministériellement à son sacerdoce. 6. Par la présente encyclique, je voudrais raviver cette « admiration » eucharistique, dans la ligne de l'héritage du Jubilé que j'ai voulu laisser à l'Église par la lettre apostolique Novo millennio ineunte et par son couronnement marial Rosarium Virginis Mariæ. Contempler le visage du Christ, et le contempler avec Marie, voilà le « programme » que j'ai indiqué à l'Église à l'aube du troisième millénaire, l'invitant à avancer au large sur l'océan de l'histoire avec l'enthousiasme de la nouvelle évangélisation. Contempler le Christ exige que l'on sache le reconnaître partout où il se manifeste, dans la multiplicité de ses modes de présence, mais surtout dans le Sacrement vivant de son corps et de son sang. L'Église vit du Christ eucharistique, par lui elle est nourrie, par lui elle est illuminée. L'Eucharistie est un mystère de foi, et en même temps un « mystère lumineux ».3 Chaque fois que l'Église la célèbre, les fidèles peuvent en quelque sorte revivre l'expérience des deux disciples d'Emmaüs: « Leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent » (Lc 24, 31). 7. Depuis que j'ai commencé mon ministère de Successeur de Pierre, j'ai toujours voulu donner au Jeudi saint, jour de l'Eucharistie et du sacerdoce, un signe d'attention particulière en envoyant une lettre à tous les prêtres du monde. Cette année, la vingt-cinquième de mon pontificat, je voudrais entraîner plus pleinement l'ensemble de l'Église dans cette réflexion eucharistique, et cela également pour remercier le Seigneur du don de l'Eucharistie et du sacerdoce: « Don et mystère ».4 Si, en proclamant l'Année du Rosaire, j'ai voulu placer cette vingt-cinquième année sous le signe de la contemplation du Christ à l'école de Marie, je ne puis laisser passer ce Jeudi saint 2003 sans m'arrêter devant le « visage eucharistique » du Christ, montrant plus fortement encore à l'Église la place centrale de l'Eucharistie. C'est d'elle que vit l'Église. C'est de ce « pain vivant » qu'elle se nourrit. Comment ne pas ressentir le besoin d'exhorter tout le monde à en faire constamment une expérience renouvelée? 9. L'Eucharistie, présence salvifique de Jésus dans la communauté des fidèles et nourriture spirituelle pour elle, est ce que l'Église peut avoir de plus précieux dans sa marche au long de l'histoire. Ainsi s'explique l'attention empressée qu'elle a toujours réservée au Mystère eucharistique, attention qui ressort de manière autorisée dans l'œuvre des Conciles et des Souverains Pontifes. Comment ne pas admirer les exposés doctrinaux des décrets sur la sainte Eucharistie et sur le saint Sacrifice de la Messe promulgués par le Concile de Trente? Au cours des siècles qui ont suivi, ces pages ont guidé la théologie aussi bien que la catéchèse, et elles sont encore une référence dogmatique pour le renouveau continuel et pour la croissance du peuple de Dieu dans la foi et l'amour envers l'Eucharistie. À une époque plus proche de nous, il faut mentionner trois encycliques: Miræ caritatis de Léon XIII (28 mai 1902),5 Mediator Dei de Pie XII (20 novembre 1947) 6 et Mysterium fidei de Paul VI (3 septembre 1965).7 Le Concile Vatican II n'a pas publié de document spécifique sur le Mystère eucharistique, mais il en a illustré les divers aspects dans l'ensemble de ses documents, spécialement dans la constitution dogmatique sur l'Église Lumen gentium et dans la constitution sur la sainte Liturgie Sacrosanctum concilium. Moi-même, dans les premières années de mon ministère apostolique sur la Chaire de Pierre, par la lettre apostolique Dominicæ cenæ (24 février 1980),8 j'ai eu l'occasion de traiter certains aspects du Mystère eucharistique et de son incidence dans la vie de ceux qui en sont les ministres. Je reviens aujourd'hui sur ce sujet, avec un cœur encore plus rempli d'émotion et de gratitude, faisant en quelque sorte écho à la parole du psalmiste: « Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu'il m'a fait? J'élèverai la coupe du salut, j'invoquerai le nom du Seigneur » (Ps 116 [114-115], 12-13). Malheureusement, à côté de ces lumières, les ombres ne manquent pas. Il y a en effet des lieux où l'on note un abandon presque complet du culte de l'adoration eucharistique. À cela s'ajoutent, dans tel ou tel contexte ecclésial, des abus qui contribuent à obscurcir la foi droite et la doctrine catholique concernant cet admirable Sacrement. Parfois se fait jour une compréhension très réductrice du Mystère eucharistique. Privé de sa valeur sacrificielle, il est vécu comme s'il n'allait pas au-delà du sens et de la valeur d'une rencontre conviviale et fraternelle. De plus, la nécessité du sacerdoce ministériel, qui s'appuie sur la succession apostolique, est parfois obscurcie, et le caractère sacramentel de l'Eucharistie est réduit à la seule efficacité de l'annonce. D'où, ici ou là, des initiatives œcuméniques qui, bien que suscitées par une intention généreuse, se laissent aller à des pratiques eucharistiques contraires à la discipline dans laquelle l'Église exprime sa foi. Comment ne pas manifester une profonde souffrance face à tout cela? L'Eucharistie est un don trop grand pour pouvoir supporter des ambiguïtés et des réductions. J'espère que la présente encyclique pourra contribuer efficacement à dissiper les ombres sur le plan doctrinal et les manières de faire inacceptables, afin que l'Eucharistie continue à resplendir dans toute la magnificence de son mystère.
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1 Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. 11. 2 Conc. œcum. Vat. II, Décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum ordinis, n. 5. 3 Cf. Jean-Paul II, Lettre apost. Rosarium Virginis Mariæ (16 octobre 2002), n. 21: AAS 95 (2003), p. 19; La Documentation catholique 99 (2002), pp. 959- 960. 4 Tel est le titre que j'ai voulu donner à un témoignage autobiographique à l'occasion de mon cinquantième anniversaire de sacerdoce. 5 Leonis XIII P.M. Acta XXII (1903), pp. 115-136; 6 AAS 39 (1947), pp. 521-595; La Documentation catholique 45 (1948), col. 195-251. 7 AAS 57 (1965), pp. 753-774; La Documentation catholique 62 (1965), col. 1633-1651. 8 AAS 72 (1980), pp. 113-148; La Documentation catholique 77 (1980), pp. 301-312. |
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