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Ioannes Paulus PP. II Ecclesia de Eucharistia IntraText CT - Lecture du Texte |
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LA DIGNITÉ DE LA CÉLÉBRATION Dans les Évangiles synoptiques, le récit se poursuit avec l'ordre que donne Jésus à ses disciples de préparer minutieusement la « grande salle » nécessaire pour prendre le repas pascal (cf. Mc 14, 15; Lc 22, 12) et avec le récit de l'institution de l'Eucharistie. Faisant entrevoir au moins en partie le cadre des rites juifs qui structurent le repas pascal jusqu'au chant du Hallel (cf. Mt 26, 30; Mc 14, 26), le récit propose de façon aussi concise que solennelle, même dans les variantes des différentes traditions, les paroles prononcées par le Christ sur le pain et sur le vin, qu'il assume comme expressions concrètes de son corps livré et de son sang versé. Tous ces détails sont rappelés par les Évangélistes à la lumière d'une pratique de la « fraction du pain » désormais affermie dans l'Église primitive. Mais assurément, à partir de l'histoire vécue par Jésus, l'événement du Jeudi saint porte de manière visible les traits d'une « sensibilité » liturgique modelée sur la tradition vétéro-testamentaire et prête à se remodeler dans la célébration chrétienne en harmonie avec le nouveau contenu de la Pâque. Il en a été ainsi par exemple pour l'architecture, qui, dès que le contexte historique l'a permis, a vu le lieu des premières Célébrations eucharistiques passer des « domus » des familles chrétiennes aux basiliques solennelles des premiers siècles, puis aux imposantes cathédrales du Moyen-Âge, et finalement aux églises, grandes et petites, qui se sont multipliées progressivement sur les terres où le christianisme est parvenu. La forme des autels et des tabernacles s'est développée dans les espaces liturgiques, suivant, d'une fois sur l'autre, non seulement les élans de l'inspiration, mais aussi les indications d'une compréhension précise du Mystère. On peut en dire autant de la musique sacrée, en pensant simplement à l'inspiration des mélodies grégoriennes, aux nombreux auteurs, et biens souvent grands auteurs, qui se sont mesurés aux textes liturgiques de la Messe. Et ne voit-on pas, dans le domaine des objets et des ornements utilisés pour la célébration liturgique, une quantité importante de productions artistiques, allant des réalisations d'un bon artisanat jusqu'aux véritables œuvres d'art? On peut dire alors que, si l'Eucharistie a modelé l'Église et la spiritualité, elle a aussi influencé fortement la « culture », spécialement dans le domaine esthétique. Les splendeurs de l'architecture et des mosaïques dans l'Orient et dans l'Occident chrétiens sont un patrimoine universel des croyants, et elles portent en elles un souhait, je dirais même un gage, de la plénitude tant désirée de la communion dans la foi et dans la célébration. Cela suppose et exige, comme dans la célèbre icône de la Trinité de Roublev, une Église profondément « eucharistique », où le partage du mystère du Christ dans le pain rompu est comme immergé dans l'ineffable unité des trois Personnes divines, faisant de l'Église elle-même une « icône » de la Trinité. Dans cette perspective d'un art qui tend à exprimer, à travers tous ses éléments, le sens de l'Eucharistie selon l'enseignement de l'Église, il convient de prêter une attention soutenue aux normes qui concernent la construction et l'ameublement des édifices sacrés. L'espace de création que l'Église a toujours laissé aux artistes est large, comme l'histoire le montre et ainsi que je l'ai moi-même souligné dans la Lettre aux artistes.100 Mais l'art sacré doit se caractériser par sa capacité d'exprimer de manière adéquate le Mystère accueilli dans la plénitude de la foi de l'Église et selon les indications pastorales convenables données par l'Autorité compétente. Cela vaut tout autant pour les arts figuratifs que pour la musique sacrée. Il est toutefois nécessaire que ce travail important d'adaptation soit accompli avec la conscience permanente du Mystère ineffable avec lequel chaque génération est invitée à se mesurer. Le « trésor » est trop grand et trop précieux pour que l'on risque de l'appauvrir ou de lui porter atteinte par des expériences ou des pratiques introduites sans qu'elles fassent l'objet d'une vérification attentive des Autorités ecclésiastiques compétentes. Par ailleurs, le caractère central du Mystère eucharistique est tel qu'il exige que cette vérification s'accomplisse en liaison étroite avec le Saint-Siège. Comme je l'écrivais dans l'exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Asia, « une telle collaboration est essentielle parce que la sainte Liturgie exprime et célèbre la foi unique professée par tous et, étant l'héritage de toute l'Église, elle ne peut pas être déterminée par les Églises locales isolément, sans référence à l'Église universelle ».101 C'est pourquoi je me sens le devoir de lancer un vigoureux appel pour que, dans la Célébration eucharistique, les normes liturgiques soient observées avec une grande fidélité. Elles sont une expression concrète du caractère ecclésial authentique de l'Eucharistie; tel est leur sens le plus profond. La liturgie n'est jamais la propriété privée de quelqu'un, ni du célébrant, ni de la communauté dans laquelle les Mystères sont célébrés. L'Apôtre Paul dut adresser des paroles virulentes à la communauté de Corinthe pour dénoncer les manquements graves à la Célébration eucharistique, manquements qui avaient conduit à des divisions (schísmata) et à la formation de factions (airéseis) (cf. 1 Co 11, 17-34). À notre époque aussi, l'obéissance aux normes liturgiques devrait être redécouverte et mise en valeur comme un reflet et un témoignage de l'Église une et universelle, qui est rendue présente en toute célébration de l'Eucharistie. Le prêtre qui célèbre fidèlement la Messe selon les normes liturgiques et la communauté qui s'y conforme manifestent, de manière silencieuse mais éloquente, leur amour pour l'Église. Précisément pour renforcer ce sens profond des normes liturgiques, j'ai demandé aux Dicastères compétents de la Curie romaine de préparer un document plus spécifique, avec des rappels d'ordre également juridique, sur ce thème d'une grande importance. Il n'est permis à personne de sous-évaluer le Mystère remis entre nos mains: il est trop grand pour que quelqu'un puisse se permettre de le traiter à sa guise, ne respectant ni son caractère sacré ni sa dimension universelle.
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100 Cf. AAS 91 (1999), pp. 1155-1172: La Documentation catholique 96 (1999), pp. 451-458. 101 N. 22: AAS 92 (2000), p. 485; La Documentation catholique 96 (1999), p. 991. |
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