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Ioannes Paulus PP. II
Evangelium vitae

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  • CHAPITRE I LA VOIX DU SANG DE TON FRÈRE CRIE VERS MOI DU SOL LES MENACES ACTUELLES CONTRE LA VIE HUMAINE CONTRE LA VIE HUMAINE
    • « Caïn se jeta contre son frère Abel et le tua » (Gn 4, 8): à la racine de la violence contre la vie
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CHAPITRE I

LA VOIX DU SANG DE TON FRÈRE CRIE VERS MOI DU SOL

LES MENACES ACTUELLES
CONTRE LA VIE HUMAINE CONTRE LA VIE HUMAINE

« Caïn se jeta contre son frère Abel et le tua » (Gn 4, 8): à la racine de la violence contre la vie

7. « Dieu n'a pas fait la mort, il ne prend pas plaisir à la perte des vivants. Il a tout créé pour l'être... Oui, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité; il en a fait une image de sa propre nature. C'est par l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde; ils en font l'expérience, ceux qui lui appartiennent » (Sg 1, 13-14; 2, 23-24).

L'Évangile de la vie, proclamé à l'origine avec la création de l'homme à l'image de Dieu en vue d'un destin de vie pleine et parfaite (cf. Gn 2, 7; Sg 9, 2-3), fut contredit par l'expérience déchirante de la mort qui entre dans le monde et qui jette l'ombre du non-sens sur toute l'existence de l'homme. La mort y entre à cause de la jalousie du diable (cf. Gn 3, 1.4-5) et du péché de nos premiers parents (cf. Gn 2, 17; 3, 17-19). Et elle y entre de manière violente, à cause du meurtre d'Abel par son frère Caïn: « Comme ils étaient en pleine campagne, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua » (Gn 4, 8).

Ce premier meurtre est présenté avec une éloquence singulière dans une page paradigmatique du livre de la Genèse: une page récrite chaque jour dans le livre de l'histoire des peuples, sans trêve et d'une manière répétée qui est dégradante.

Relisons ensemble cette page biblique qui, malgré son archaïsme et son extrême simplicité, se présente comme particulièrement riche d'enseignements.

« Abel devint pasteur de petit bétail et Caïn cultivait le sol. Le temps passa et il advint que Caïn présenta des produits du sol en offrande au Seigneur et qu'Abel, de son côté, offrit des premiers-nés de son troupeau, et même de leur graisse. Or le Seigneur agréa Abel et son offrande. Mais il n'agréa pas Caïn et son offrande, et Caïn en fut très irrité et eut le visage abattu. Le Seigneur dit à Caïn: "Pourquoi es-tu irrité et pourquoi ton visage est-il abattu? Si tu es bien disposé, ne relèveras-tu pas la tête? Mais si tu n'es pas bien disposé, le péché n'est-il pas à la porte, une bête tapie qui te convoite? Pourras-tu la dominer?" Cependant Caïn dit à son frère Abel: "Allons dehors", et, comme ils étaient en pleine campagne, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua.

Le Seigneur dit à Caïn: "Où est ton frère Abel?" Il répondit: "Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère?" Le Seigneur reprit: "Qu'as-tu fait! Écoute le sang de ton frère crier vers moi du sol! Maintenant, sois maudit et chassé du sol fertile qui a ouvert la bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère. Si tu cultives le sol, il ne te donnera plus son produit: tu seras un errant parcourant la terre". Alors Caïn dit au Seigneur: "Ma peine est trop lourde à porter. Vois! Tu me bannis aujourd'hui du sol fertile, je devrai me cacher loin de ta face et je serai un errant parcourant la terre, mais le premier venu me tuera!" Le Seigneur lui répondit: "Aussi bien si quelqu'un tue Caïn, on le vengera sept fois", et le Seigneur mit un signe sur Caïn, afin que le premier venu ne le frappât point. Caïn se retira de la présence du Seigneur et séjourna au pays de Nod, à l'orient d'Éden » (Gn 4, 2-16).

8. Caïn est « très irrité » et il a le visage « abattu » parce que « le Seigneur agréa Abel et son offrande » (Gn 4, 4). Le texte biblique ne révèle pas le motif pour lequel Dieu préfère le sacrifice d'Abel à celui de Caïn; mais il montre clairement que, tout en préférant le don d'Abel, il n'interrompt pas son dialogue avec Caïn. Il l'avertit en lui rappelant sa liberté face au mal: l'homme n'est en rien prédestiné au mal. Certes, comme l'était déjà Adam, il est tenté par la puissance maléfique du péché qui, comme une bête féroce, est tapi à la porte de son cœur, guettant le moment de se jeter sur sa proie. Mais Caïn demeure libre face au péché. Il peut et il doit le dominer: « Il te convoite, mais toi, domine-le! » (Gn 4, 7).

La jalousie et la colère l'emportent sur l'avertissement du Seigneur, et c'est pourquoi Caïn se jette sur son frère et le tue. Comme on le lit dans le  [link] Catéchisme de l'Eglise catholique, « l'Ecriture, dans le récit du meurtre d'Abel par son frère Caïn, révèle, dès les débuts de l'histoire humaine, la présence dans l'homme de la colère et de la convoitise, conséquences du péché originel. L'homme est devenu l'ennemi de son semblable ».

Le frère tue le frère. Comme dans le premier fratricide, dans tout homicide est violée la parenté « spirituelle » qui réunit les hommes en une seule grande famille, tous participant du même bien unique fondamental: une égale dignité personnelle. Il n'est pas rare que soit parallèlement violée la parenté « de la chair et du sang », par exemple lorsque les menaces contre la vie se développent dans les rapports entre parents et enfants: c'est le cas de l'avortement ou bien, dans un contexte familial ou parental plus large, celui de l'euthanasie favorisée ou provoquée.

A la source de toute violence contre le prochain, il y a le fait de céder à la « logique » du Mauvais, c'est-à-dire de celui qui « était homicide dès le commencement » (Jn 8, 44), comme nous le rappelle l'Apôtre Jean: « Car tel est le message que vous avez entendu dès le début: nous devons nous aimer les uns les autres, loin d'imiter Caïn, qui, étant du Mauvais, égorgea son frère » (1 Jn 3, 11-12). Ainsi, le meurtre du frère à l'aube de l'histoire donne un triste témoignage de la manière dont le mal progresse avec une rapidité impressionnante: à la révolte de l'homme contre Dieu au paradis terrestre s'ajoute la lutte mortelle de l'homme contre l'homme.

Après le crime, Dieu intervient pour venger la victime. Face à Dieu qui l'interroge sur le sort d'Abel, Caïn, au lieu de se montrer troublé et de demander pardon, élude la question avec arrogance: « Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère? » (Gn 4, 9). « Je ne sais pas »: par le mensonge, Caïn cherche à couvrir son crime. C'est ainsi que cela s'est souvent passé et que cela se passe quand les idéologies les plus diverses servent à justifier et à masquer les crimes les plus atroces perpétrés contre la personne. « Suis-je le gardien de mon frère? »: Caïn ne veut pas penser à son frère et refuse d'assumer la responsabilité de tout homme vis-à-vis d'un autre. On pense spontanément aux tendances actuelles qui font perdre à l'homme sa responsabilité à l'égard de son semblable: on en a des symptômes, entre autres, dans la perte de la solidarité à l'égard des membres les plus faibles de la société - comme les personnes âgées, les malades, les immigrés, les enfants -, et dans l'indifférence qu'on remarque souvent dans les rapports entre les peuples même quand il y va de valeurs fondamentales comme la survie, la liberté et la paix.

9. Mais Dieu ne peut laisser le crime impuni: du sol sur lequel il a été versé, le sang de la victime exige que Dieu fasse justice (cf. Gn 37, 26; Is 26, 21; Ez 24, 7-8). De ce texte, l'Eglise a tiré l'expression de « péchés qui crient vengeance à la face de Dieu » et elle y a inclus, au premier chef, l'homicide volontaire. Pour les Juifs comme pour de nombreux peuples de l'Antiquité, le sang est le lieu de la vie; bien plus, « le sang est la vie » (Dt 12, 23) et la vie, surtout la vie humaine, n'appartient qu'à Dieu; c'est pourquoi celui qui attente à la vie de l'homme attente en quelque sorte à Dieu luimême.

Caïn est maudit par Dieu et aussi par la terre qui lui refusera ses fruits (cf. Gn 4, 11-12). Et il est puni: il habitera dans la steppe et dans le désert. La violence homicide change profondément le cadre de vie de l'homme. La terre, qui était le « jardin d'Eden » (Gn 2, 15), lieu d'abondance, de relations interpersonnelles sereines et d'amitié avec Dieu, devient le « pays de Nod » (Gn 4, 16), lieu de la « misère », de la solitude et de l'éloignement de Dieu. Caïn sera « un errant parcourant la terre » (Gn 4, 14): l'incertitude et l'instabilité l'accompagneront sans cesse.

Toutefois Dieu, toujours miséricordieux même quand il punit, « mit un signe sur Caïn, afin que le premier venu ne le frappât point » (Gn 4, 15): il lui donne donc un signe distinctif, qui a pour but de ne pas le condamner à être rejeté par les autres hommes mais qui lui permettra d'être protégé et défendu contre ceux qui voudraient le tuer, même pour venger la mort d'Abel.Meurtrier, il garde sa dignité personnelle et Dieu lui-même s'en fait le garant. Et c'est précisément ici que se manifeste le mystère paradoxal de la justice miséricordieuse de Dieu, ainsi que l'écrit saint Ambroise: « Comme il y avait eu fratricide, c'est-à-dire le plus grand des crimes, au moment où s'introduisit le péché, la loi de la miséricorde divine devait immédiatement être étendue; parce que, si le châtiment avait immédiatement frappé le coupable, les hommes, quand ils puniraient, n'auraient pas pu se montrer tolérants ou doux, mais ils auraient immédiatement châtié les coupables. (...) Dieu repoussa Caïn de sa face et, comme il était rejeté par ses parents, il le relégua comme dans l'exil d'une habitation séparée, parce qu'il était passé de la douceur humaine à la cruauté de la bête sauvage. Toutefois, Dieu ne voulut pas punir le meurtrier par un meurtre, puisqu'il veut amener le pécheur au repentir plutôt qu'à la mort ».




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