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Ioannes Paulus PP. II Evangelium vitae IntraText CT - Lecture du Texte |
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« A chacun je demanderai compte de la vie de son frère » (Gn 9, 5): vénération et amour pour la vie de tous La vie et la mort de l'homme sont donc dans les mains de Dieu, en son pouvoir: « Il tient en son pouvoir l'âme de tout vivant et le souffle de toute chair d'homme », s'écrie Job (12, 10). « Le Seigneur fait mourir et fait vivre, il fait descendre au shéol et en remonter » (1 S 2, 6). Il est seul à pouvoir dire: « C'est moi qui fais mourir et qui fais vivre » (Dt 32, 39). Dieu n'exerce pas ce pouvoir de manière arbitraire et tyrannique, mais comme une prévenance et une sollicitude aimantes à l'égard de ses créatures. S'il est vrai que la vie de l'homme est dans les mains de Dieu, il n'en est pas moins vrai que ce sont des mains pleines de tendresse, comme celles d'une mère qui accueille, qui nourrit et qui prend soin de son enfant: « Je tiens mon âme égale et silencieuse; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère » (Ps 131 130, 2; cf. Is 49, 15; 66, 12-13; Os 11, 4). Ainsi, dans l'histoire des peuples et dans la condition des individus, Israël ne voit pas la conséquence d'un pur hasard ou d'un destin aveugle, mais le résultat d'un dessein d'amour par lequel Dieu reprend toutes les potentialités de la vie et s'oppose aux forces de mort qui naissent du péché: « Dieu n'a pas fait la mort, il ne prend pas plaisir à la perte des vivants. Il a tout créé pour l'être » (Sg 1, 13-14). Le commandement relatif à l'inviolabilité de la vie humaine retentit au centre des « dix paroles » lors de l'alliance au Sinaï (cf. Ex 34, 28). Il interdit d'abord l'homicide: « Tu ne tueras pas » (Ex 20, 13); « tu ne feras pas mourir l'innocent et le juste » (Ex 23, 7), mais il interdit aussi — comme l'expliquera par la suite la législation d'Israël — toute blessure infligée à autrui (cf. Ex 21, 12-27). Certes, il faut reconnaître que l'attention portée dans l'Ancien Testament à la valeur de la vie, bien que nettement affirmée, n'atteint pas encore la finesse du Discours sur la Montagne, comme on le voit dans certains aspects de la législation pénale alors en vigueur, qui prévoyait de lourdes peines corporelles et même la peine de mort. Mais le message d'ensemble, qu'il appartiendra au Nouveau Testament de porter à sa perfection, est un appel pressant à respecter l'inviolabilité de la vie physique et l'intégrité de la personne; il culmine dans le commandement positif qui oblige à prendre en charge son prochain comme soi-même: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19, 18). Par ses paroles et par ses gestes, Jésus explique ensuite les exigences positives du commandement sur l'inviolabilité de la vie. Elles étaient déjà présentes dans l'Ancien Testament, où la législation prenait soin de protéger et de sauvegarder les personnes dont la vie était faible et menacée: l'étranger, la veuve, l'orphelin, le malade, le pauvre en général, la vie même avant la naissance (cf. Ex 21, 22; 22, 20-26). Avec Jésus, ces exigences positives prennent une force et un élan nouveaux et elles se manifestent dans toute leur ampleur et toute leur profondeur: elles vont de la nécessité de prendre soin de la vie du frère (l'homme de la même famille, appartenant au même peuple, l'étranger qui habite la terre d'Israël) à la prise en charge de l'étranger, jusqu'à l'amour de l'ennemi. L'étranger n'est plus un étranger pour celui qui doit se rendre proche de quiconque est dans le besoin jusqu'à se sentir responsable de sa vie, comme l'enseigne de manière éloquente et vive la parabole du bon Samaritain (cf. Lc 10, 25-37). Même l'ennemi cesse d'être un ennemi pour celui qui est tenu de l'aimer (cf. Mt 5, 38-48; Lc 6, 27-35) et de lui « faire du bien » (cf. Lc 6, 27.33.35), en se portant au-devant de ses besoins vitaux avec empressement et sens de la gratuité (cf. Lc 6, 34-35). Cet amour culmine dans la prière pour l'ennemi, qui nous met en accord avec l'amour bienveillant de Dieu: « Moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 44-45; cf. Lc 6, 28.35). Ainsi le commandement de Dieu qui porte sur la protection de la vie de l'homme arrive à son niveau le plus profond dans l'exigence de vénération et d'amour pour toute personne et pour sa vie. Tel est l'enseignement que l'Apôtre Paul, en écho aux paroles de Jésus (cf. Mt 19, 17-18), adresse aux chrétiens de Rome: « Les préceptes: Tu ne commettras pas d'adultère, Tu ne tueras pas, Tu ne voleras pas, Tu ne convoiteras pas et tous les autres se résument en cette formule: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. La charité ne fait point de tort au prochain. La charité est donc la Loi dans sa plénitude » (Rm 13, 9-10). « Soyez féconds, multipliez-vous, emplissez la terre et soumettez-la » (Gn 1, 28): les responsabilités de l'homme à l'égard de la vie Le texte biblique met en lumière l'ampleur et la profondeur de la seigneurie que Dieu donne à l'homme. Il s'agit avant tout de la domination sur la terre et sur tout être vivant, comme le rappelle le livre de la Sagesse: « Dieu des Pères et Seigneur de miséricorde..., par ta Sagesse, tu as formé l'homme pour dominer sur les créatures que tu as faites, pour régir le monde en sainteté et justice » (9, 1.2-3). Le Psalmiste, lui aussi, exalte la domination de l'homme comme signe de la gloire et de l'honneur reçus du Créateur: « Tu l'établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds: les troupeaux de bœufs et de brebis, et même les bêtes sauvages, les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, tout ce qui va son chemin dans les eaux » (Ps 8, 7-9). Appelé à cultiver et à garder le jardin du monde (cf. Gn 2, 15), l'homme a une responsabilité propre à l'égard du milieu de vie, c'est-à-dire de la création que Dieu a placée au service de la dignité personnelle de l'homme, de sa vie, et cela, non seulement pour le présent, mais aussi pour les générations futures. C'est la question de l'écologie — depuis la préservation des « habitats » naturels des différentes espèces d'animaux et des diverses formes de vie jusqu'à l'« écologie humaine » proprement dite —, qui trouve dans cette page biblique une claire et forte inspiration éthique pour que les solutions soient respectueuses du grand bien qu'est la vie, toute vie. En réalité, « la domination accordée par le Créateur à l'homme n'est pas un pouvoir absolu, et l'on ne peut parler de liberté "d'user et d'abuser", ou de disposer des choses comme on l'entend. La limitation imposée par le Créateur lui-même dès le commencement, et exprimée symboliquement par l'interdiction de "manger le fruit de l'arbre" (cf. Gn 2, 16-17), montre avec suffisamment de clarté que, dans le cadre de la nature visible, nous sommes soumis à des lois non seulement biologiques mais aussi morales, que l'on ne peut transgresser impunément ». En parlant d'« une participation spéciale » de l'homme et de la femme à l'« œuvre créatrice » de Dieu, le Concile veut souligner qu'engendrer un enfant est un événement profondément humain et hautement religieux, car il engage les conjoints, devenus « une seule chair » (Gn 2, 24), et simultanément Dieu lui-même, qui se rend présent. Comme je l'ai écrit dans la Lettre aux Familles, « quand, de l'union conjugale des deux, naît un nouvel homme, il apporte avec lui au monde une image et une ressemblance particulières avec Dieu lui-même: dans la biologie de la génération est inscrite la généalogie de la personne. En affirmant que les époux, en tant que parents, sont des coopérateurs de Dieu Créateur dans la conception et la génération d'un nouvel être humain, nous ne nous référons pas seulement aux lois de la biologie; nous entendons plutôt souligner que, dans la paternité et la maternité humaines, Dieu lui-même est présent selon un mode différent de ce qui advient dans toute autre génération "sur la terre". En effet, c'est de Dieu seul que peut provenir cette "image", cette "ressemblance" qui est propre à l'être humain, comme cela s'est produit dans la création. La génération est la continuation de la création ». C'est ce qu'enseigne, dans un langage direct et parlant, le texte sacré qui rapporte le cri de joie de la première femme, « la mère de tous les vivants » (Gn 3, 20). Consciente de l'intervention de Dieu, Ève s'écrie: « J'ai acquis un homme de par le Seigneur » (Gn 4, 1). Dans la génération, quand la vie est communiquée des parents à l'enfant, se transmet donc, grâce à la création de l'âme immortelle, l'image, la ressemblance de Dieu luimême. C'est dans ce sens que s'exprime le début du « livre de la généalogie d'Adam »: « Le jour où Dieu créa Adam, il le fit à la ressemblance de Dieu. Homme et femme il les créa, il les bénit et leur donna le nom d'"Homme", le jour où ils furent créés. Quand Adam eut cent trente ans, il engendra un fils à sa ressemblance, comme son image, et il lui donna le nom de Seth » (Gn 5, 1-3). C'est précisément dans ce rôle de collaborateurs de Dieu qui transmet son image à la nouvelle créature que réside la grandeur des époux disposés « à coopérer à l'amour du Créateur et du Sauveur qui, par eux, veut sans cesse agrandir et enrichir sa propre famille ». Dans cette perspective, l'évêque Amphiloque exaltait le « mariage qui a du prix, qui est au-dessus de tout don terrestre » parce qu'il est comme « un créateur d'humanité, comme un peintre de l'image divine ». Ainsi, l'homme et la femme unis par les liens du mariage sont associés à une œuvre divine: par l'acte de la génération, le don de Dieu est accueilli et une nouvelle vie s'ouvre à l'avenir. Mais, au-delà de la mission spécifique des parents, la tâche d'accueillir et de servir la vie concerne tout le monde et doit se manifester surtout à l'égard de la vie qui se trouve dans des conditions de plus grande faiblesse. Le Christ lui-même nous le rappelle quand il demande d'être aimé et servi dans ses frères éprouvés par quelque souffrance que ce soit: ceux qui sont affamés, assoiffés, étrangers, nus, malades, emprisonnés... Ce qui est fait à chacun d'eux est fait au Christ lui-même (cf. Mt 25, 31-46).
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