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Ioannes Paulus PP. II
Redemptor hominis

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  • IV. LA MISSION DE L'EGLISE ET LE DESTIN DE L'HOMME
    • 21. Vocation chrétienne: servir et régner
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21. Vocation chrétienne: servir et régner

Le Concile Vatican II, en élaborant à partir de ses fondements l'image de l'Eglise comme peuple de Dieu, grâce à la mise en relief de la triple mission du Christ et du fait qu'en y participant nous devenons vraiment le peuple de Dieu, a mis aussi en relief cette caractéristique de la vocation chrétienne que l'on peut appeler «royale». Pour présenter toute la richesse de la doctrine conciliaire, il faudrait se référer ici à de nombreux chapitres et paragraphes de la constitution Lumen gentium, et aussi à bien d'autres documents conciliaires. Au milieu de toute cette richesse, un élément semble cependant ressortir: la participation à la mission royale du Christ, c'est-à-dire le fait de redécouvrir en soi et dans les autres la dignité particulière de notre vocation qui peut se définir comme «royauté». Cette dignité s'exprime dans la disponibilité pour servir, à l'exemple du Christ qui «n'est pas venu pour être servi mais pour servir» . Donc, si on ne peut vraiment «régner» qu'en «servant», comme le montre l'attitude du Christ, le «service» exige en même temps une maturité spirituelle telle qu'il faut le définir à juste titre comme une «royauté». Pour être capable de servir les autres dignement et efficacement, il faut savoir se dominer soi-même, il faut posséder les vertus qui rendent cette domination possible. Notre participation à la mission royale du Christ, et précisément à sa «fonction royale» (munus), est liée étroitement à toute la sphère de la morale, chrétienne et aussi humaine.

Le Concile Vatican II, en présentant une vision complète du peuple de Dieu et en rappelant quelle place y tiennent non seulement les prêtres mais aussi les laïcs, non seulement les représentants de la hiérarchie mais aussi ceux des instituts masculins et féminins de vie consacrée, n'a pas déduit cette image seulement de prémisses sociologiques. L'Eglise, en tant que société humaine, peut sans nul doute être examinée et définie aussi selon les critères que les sciences utilisent au sujet de toute société humaine. Mais ces catégories ne sont pas suffisantes. Pour l'ensemble de la communauté du peuple de Dieu et pour chacun de ses membres, il ne s'agit pas seulement d'une «appartenance sociale» spécifique, mais l'essentiel est bien plutôt, pour chacun et pour tous, une «vocation» particulière. L'Eglise, en effet, en tant que peuple de Dieu, est aussi, selon l'enseignement déjà cité de saint Paul et admirablement rappelé par Pie XII, «Corps mystique du Christ» . Le fait de lui appartenir dérive d'un appel particulier uni à l'action salvifique de la grâce. Si nous voulons donc considérer cette communauté du peuple de Dieu, si vaste et tellement différenciée, nous devons avant tout regarder le Christ, qui dit d'une certaine manière à chaque membre de cette communauté: «Suis-moi» . C'est cela la communauté des disciples dont chaque membre suit le Christ de manière diverse, parfois très consciente et cohérente, parfois peu consciente et très incohérente. En ceci se manifestent aussi l'aspect profondément «personnel» et la dimension de cette société qui, en dépit de toutes les déficiences de la vie communautaire au sens humain du terme, est communauté précisément par le fait que tous la constituent avec le Christ lui-même, ne fût-ce que parce qu'ils portent dans leur âme le signe indélébile du chrétien.

Le Concile Vatican II a consacré une attention toute particulière à montrer de quelle manière cette communauté «ontologique» des disciples et des témoins doit devenir toujours davantage, même au plan «humain», une communauté consciente de sa vie et de ses activités propres. Les initiatives du Concile en ce domaine ont trouvé une suite dans les nombreuses initiatives ultérieures de caractère synodal, apostolique et organique. Nous devons, cependant, avoir présente à l'esprit la vérité selon laquelle une initiative sert au renouvellement authentique de l'Eglise et contribue à apporter la véritable lumière qu'est le Christ seulement dans la mesure où elle est fondée sur la juste conscience de la vocation et de la responsabilité envers cette grâce singulière, unique et non renouvelable, par laquelle chaque chrétien de la communauté du peuple de Dieu construit le Corps du Christ. Ce principe, qui est le principe-clé de toute l'activité chrétienne _ activité apostolique et pastorale, pratique de la vie intérieure et de la vie sociale _ doit être appliqué, selon de justes proportions, à tous les hommes et à chacun d'eux. Même le Pape, comme d'ailleurs tout évêque, doit se l'appliquer à lui-même. A ce principe doivent être fidèles les prêtres, les religieux et les religieuses. C'est sur cette base que doivent construire leur vie les époux, les parents, les femmes et les hommes de toutes conditions ou professions, depuis ceux qui occupent dans la société les charges les plus hautes, jusqu'à ceux qui accomplissent les travaux les plus simples. Il s'agit vraiment là du principe de ce «service royal», qui impose à chacun de nous, suivant l'exemple du Christ, le devoir d'exiger de nous-mêmes exactement ce à quoi nous sommes appelés, ce à quoi, pour répondre à notre vocation, nous sommes personnellement obligés, avec la grâce de Dieu. Une telle fidélité à la vocation, obtenue de Dieu par l'intermédiaire du Christ, porte avec elle cette responsabilité collective envers l'Eglise à laquelle le Concile Vatican II veut éduquer tous les chrétiens. Dans l'Eglise, en effet comme dans la communauté du peuple de Dieu guidée par l'action du Saint-Esprit, chacun a son «propre don», comme l'enseigne saint Paul . Ce don, tout en étant une vocation personnelle et une manière de participer à l'oeuvre salvifique de l'Eglise, est aussi utile aux autres, construit l'Eglise et les communautés fraternelles dans les différents domaines de l'existence humaine sur terre.

La fidélité à la vocation, c'est-à-dire la disponibilité persévérante pour le «service royal», a une signification particulière pour cette construction complexe, surtout en ce qui concerne les engagements majeurs qui ont une plus grande influence sur la vie de notre prochain et de toute la société. Les époux doivent se distinguer par la fidélité à leur propre vocation, comme l'exige la nature indissoluble de l'institution sacramentelle du mariage. Les prêtres doivent se distinguer par une fidélité semblable à leur propre vocation, étant donné le caractère indélébile que le sacrement de l'ordre imprime dans leur âme. En recevant ce sacrement, nous nous engageons consciemment et librement, dans l'Eglise latine, à vivre dans le célibat, et c'èst pourquoi chacun de nous doit faire tout son possible, avec la grâce de Dieu, pour être reconnaissant de ce don et fidèle à l'engagement pris pour toujours. Il n'en va pas différemment des époux, qui doivent tendre de toutes leurs forces à persévérer dans l'union matrimoniale, en construisant par ce témoignage d'amour la communauté familiale et en éduquant de nouvelles générations d'hommes capables eux aussi de consacrer toute leur vie à leur propre vocation, c'est-à-dire à ce «service royal» dont l'exemple et le plus beau modèle nous sont offerts par Jésus-Christ. Son Eglise, que nous formons à nous tous, est «pour les hommes» en ce sens que, en nous fondant sur l'exemple du Christ et en collaborant avec la grâce qu'il nous a acquise, nous pouvons parvenir à cette «royauté», c'est-à-dire réaliser en chacun de nous une humanité parvenue à son épanouissement. Humanité épanouie signifie le plein usage du don de la liberté que nous avons obtenu du Créateur lorsqu'il a appelé à l'existence l'homme fait «à son image et à sa ressemblance». Ce don trouve sa pleine réalisation dans la donation sans réserve de la personne humaine tout entière, dans un esprit d'amour nuptial envers le Christ et, avec le Christ, envers tous ceux auxquels il envoie les hommes et les femmes qui lui sont totalement consacrés selon les conseils évangéliques. Tel est l'idéal de la vie religieuse assumé par les Ordres et les Congrégations, aussi bien anciens que récents, et par les Instituts séculiers.

A notre époque, on estime parfois de manière erronée que la liberté est à elle-même sa propre fin, que tout homme est libre quand il s'en sert comme il veut, et qu'il est nécessaire de tendre vers ce but dans la vie des individus comme dans la vie des sociétés. La liberté, au contraire, est un grand don seulement quand nous savons en user avec sagesse pour tout ce qui est vraiment bien. Le Christ nous enseigne que le meilleur usage de la liberté est la charité, qui se réalise dans le don et le service. C'est par une telle «liberté que le Christ nous a rendus libres» et qu'il nous libère toujours. L'Eglise trouve ici l'inspiration incessante, l'appel et l'élan pour sa mission et son service parmi tous les hommes. La pleine vérité sur la liberté humaine est inscrite en profondeur dans le mystère de la Rédemption. L'Eglise sert réellement l'humanité lorsqu'elle conserve cette vérité avec une attention inlassable, avec un amour fervent, avec un engagement mûri, et lorsque, dans sa communauté tout entière, à travers la fidélité de chaque chrétien à sa vocation, elle la transmet et la réalise dans la vie humaine. De cette manière se trouve confirmé ce que nous avons déjà rappelé ci-dessus, à savoir que l'homme est et devient toujours le «chemin» de la vie quotidienne de l'Eglise.




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