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Ioannes Paulus PP. II Veritatis splendor IntraText CT - Lecture du Texte |
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CHAPITRE III - «POUR QUE NE SOIT PAS RÉDUITE À NÉANT LA CROIX DE CHRIST» (1 Co 1, 17) - Le bien moral pour la vie de l'Eglise et du monde « C'est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés » (Ga 5, 1) Selon la foi chrétienne et la doctrine de l'Eglise, « seule la liberté qui se soumet à la Vérité conduit la personne humaine à son vrai bien. Le bien de la personne est d'être dans la Vérité et de faire la Vérité » . La confrontation de la position de l'Eglise avec la situation sociale et culturelle actuelle met immédiatement en évidence l'urgence qu'il y a, pour l'Eglise elle-même, de mener un intense travail pastoral précisément sur cette question fondamentale : « Ce lien essentiel entre vérité-bien-liberté a été perdu en grande partie par la culture contemporaine ; aussi, amener l'homme à le redécouvrir est aujourd'hui une des exigences propres de la mission de l'Eglise, pour le salut du monde. La question de Pilate " qu'est-ce que la vérité ? ", jaillit aujourd'hui aussi de la perplexité désolée d'un homme qui ne sait plus qui il est, d'où il vient et où il va. Et alors nous assistons souvent à la chute effrayante de la personne humaine dans des situations d'autodestruction progressive. A vouloir écouter certaines voix, il semblerait que l'on ne doive plus reconnaître le caractère absolu et indestructible d'aucune valeur morale. Tous ont sous les yeux le mépris pour la vie humaine déjà conçue et non encore née ; la violation permanente de droits fondamentaux de la personne ; l'injuste destruction des biens nécessaires à une vie simplement humaine. Et même, il est arrivé quelque chose de plus grave : l'homme n'est plus convaincu que c'est seulement dans la vérité qu'il peut trouver le salut. La force salvifique du vrai est contestée et l'on confie à la seule liberté, déracinée de toute objectivité, la tâche de décider de manière autonome de ce qui est bien et de ce qui est mal. Ce relativisme devient, dans le domaine théologique, un manque de confiance dans la sagesse de Dieu qui guide l'homme par la loi morale. A ce que la loi morale prescrit, on oppose ce que l'on appelle des situations concrètes, en ne croyant plus, au fond, que la Loi de Dieu soit toujours l'unique vrai bien de l'homme » . En particulier, c'est en Jésus crucifié qu'elle trouve la réponse à la question qui tourmente tant d'hommes aujourd'hui : comment l'obéissance aux normes morales universelles et immuables peut-elle respecter le caractère unique et irremplaçable de la personne, et ne pas attenter à sa liberté et à sa dignité ? L'Eglise fait sienne la conscience que l'Apôtre Paul avait de sa mission : « Le Christ... m'a envoyé... annoncer l'Evangile, et cela sans la sagesse du langage, pour que ne soit pas réduite à néant la Croix du Christ... Nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, c'est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Co 1, 17.23-24). Le Christ crucifié révèle le sens authentique de la liberté, il le vit en plénitude par le don total de lui-même et il appelle ses disciples à participer à sa liberté même. La raison et l'expérience ne disent pas seulement la faiblesse de la liberté humaine, mais aussi son drame. L'homme découvre que sa liberté est mystérieusement portée à trahir son ouverture au Vrai et au Bien et que, trop souvent, il préfère, en réalité, choisir des biens finis, limités et éphémères. Plus encore, dans ses erreurs et dans ses choix négatifs, l'homme perçoit l'origine d'une révolte radicale qui le porte à refuser la Vérité et le Bien pour s'ériger en principe absolu de soi : « Vous serez comme Dieu » (Gn 3, 5). La liberté a donc besoin d'être libérée. Le Christ en est le libérateur : il « nous a libérés pour que nous restions libres » (Ga 5, 1). En outre, Jésus révèle, par sa vie même et non seulement par ses paroles, que la liberté s'accomplit dans l'amour, c'est-à-dire dans le don de soi. Lui qui dit : « Nul n'a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13) marche librement vers sa Passion (cf. Mt 26, 46) et, dans son obéissance au Père, il livre sa vie sur la Croix pour tous les hommes (cf. Ph 2, 6-11). La contemplation de Jésus crucifié est donc la voie royale sur laquelle l'Eglise doit avancer chaque jour si elle veut comprendre tout le sens de la liberté : le don de soi dans le service de Dieu et de ses frères. Et la communion avec le Seigneur crucifié et ressuscité est la source intarissable à laquelle l'Eglise puise sans cesse pour vivre librement, se donner et servir. En commentant ce verset du Psaume 10099 « servez le Seigneur dans l'allégresse », saint Augustin dit : « Dans la maison du Seigneur, l'esclavage est libre. L'esclavage est libre, lorsque ce n'est pas la contrainte mais la charité qui sert... Que la charité te rende esclave, puisque la vérité t'a rendu libre... Tu es en même temps esclave et homme libre : esclave, car tu l'es devenu ; homme libre, car tu es aimé de Dieu, ton Créateur ; bien plus, tu es libre parce que tu aimes ton Créateur... Tu es l'esclave du Seigneur, l'affranchi du Seigneur. Ne cherche pas à être libéré en t'éloignant de la maison de ton libérateur ! » . Ainsi l'Eglise, et tout chrétien en elle, est appelée à participer au munus regale du Christ en Croix (cf. Jn 12, 32), à la grâce et à la responsabilité du Fils de l'homme qui « n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mt 20, 28) . Jésus est donc la synthèse vivante et personnelle de la liberté parfaite dans l'obéissance totale à la volonté de Dieu. Son corps crucifié est la pleine révélation du lien indissoluble entre la liberté et la vérité, de même que sa résurrection des morts est la suprême exaltation de la fécondité et de la force salvifique d'une liberté vécue dans la vérité. Marcher dans la lumière (cf. 1 Jn 1, 7) Cette dissociation constitue l'une des préoccupations pastorales les plus vives de l'Eglise devant le processus actuel de sécularisation, selon lequel des hommes nombreux, trop nombreux, pensent et vivent « comme si Dieu n'existait pas ». Nous nous trouvons en présence d'une mentalité qui affecte, souvent de manière profonde, ample et très répandue, les attitudes et les comportements des chrétiens eux-mêmes, dont la foi est affaiblie et perd son originalité de critère nouveau d'interprétation et d'action pour l'existence personnelle, familiale et sociale. En réalité, dans le contexte d'une culture largement déchristianisée, les critères de jugement et de choix retenus par les croyants eux-mêmes se présentent souvent comme étrangers ou même opposés à ceux de l'Evangile. Il est alors urgent que les chrétiens redécouvrent la nouveauté de leur foi et la force qu'elle donne au jugement par rapport à la culture dominante et envahissante : « Jadis vous étiez ténèbres — nous avertit l'Apôtre Paul —, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur ; conduisez-vous en enfants de lumière ; car le fruit de la lumière consiste en toute bonté, justice et vérité. Discernez ce qui plaît au Seigneur, et ne prenez aucune part aux œuvres stériles des ténèbres ; dénoncez-les plutôt... Ainsi, prenez bien garde à votre conduite ; qu'elle soit celle non d'insensés, mais de sages, qui tirent bon parti de la période présente ; car nos temps sont mauvais » (Ep 5, 8-11.15-16 ; cf. 1 Th 5, 4-8). Il faut retrouver et présenter à nouveau le vrai visage de la foi chrétienne qui n'est pas seulement un ensemble de propositions à accueillir et à ratifier par l'intelligence. Au contraire, c'est une connaissance et une expérience du Christ, une mémoire vivante de ses commandements, une vérité à vivre. Du reste, une parole n'est vraiment accueillie que lorsqu'elle est appliquée dans les actes, lorsqu'elle est mise en pratique. La foi est une décision qui engage toute l'existence. Elle est une rencontre, un dialogue, une communion d'amour et de vie du croyant avec Jésus Christ, Chemin, Vérité et Vie (cf. Jn 14, 6). Elle implique un acte de confiance et d'abandon au Christ, et elle nous permet de vivre comme il a vécu (cf. Ga 2, 20), c'est-à-dire dans le plus grand amour de Dieu et de nos frères. Par la vie morale, la foi devient « confession », non seulement devant Dieu, mais aussi devant les hommes : elle se fait témoignage. « Vous êtes la lumière du monde — a dit Jésus. Une ville ne se peut cacher, qui est sise au sommet d'un mont. Et l'on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire, où elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5, 14-16). Ces œuvres sont surtout celles de la charité (cf. Mt 25, 31-46) et de la liberté authentique qui se manifeste et vit par le don de soi. Jusqu'au don total de soi, comme l'a fait Jésus qui, sur la Croix, « a aimé l'Eglise et s'est livré pour elle » (Ep 5, 25). Le témoignage du Christ est source, modèle et appui pour le témoignage du disciple, appelé à prendre la même route : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix chaque jour, et qu'il me suive » (Lc 9, 23). La charité, selon les exigences du radicalisme évangélique, peut amener le croyant au témoignage suprême du martyre. Et cela, toujours en suivant l'exemple de Jésus qui meurt sur la Croix : « Cherchez à imiter Dieu, comme des enfants bien-aimés — écrit Paul aux chrétiens d'Ephè-se —, et suivez la voie de l'amour, à l'exemple du Christ qui nous a aimés et s'est livré pour nous, s'offrant à Dieu en sacrifice d'agréable odeur » (Ep 5, 1-2). Le martyre, exaltation de la sainteté inviolable de la Loi de Dieu Le fait du martyre chrétien, qui a toujours accompagné et accompagne encore la vie de l'Eglise, confirme de manière particulièrement éloquente le caractère inacceptable des théories éthiques, qui nient l'existence de normes morales déterminées et valables sans exception. Au seuil du Nouveau Testament, Jean Baptiste, se refusant à taire la Loi du Seigneur et à se compromettre avec le mal, « a donné sa vie pour la justice et la vérité » , et il fut ainsi précurseur du Messie jusque dans le martyre (cf. Mc 6, 17-29). C'est pourquoi « il est enfermé dans l'obscurité d'un cachot, lui qui était venu rendre témoignage à la lumière et qui avait mérité d'être appelé flambeau ardent de la lumière par la Lumière elle-même qui est le Christ 1. Par son propre sang est baptisé celui à qui fut donné de baptiser le Rédempteur du monde » . Dans la Nouvelle Alliance, on rencontre de nombreux témoignages de disciples du Christ — à commencer par le diacre Etienne (cf. Ac 6, 8 à 7, 60) et par l'Apôtre Jacques (cf. Ac 12, 1-2) — qui sont morts martyrs pour confesser leur foi et leur amour du Maître et pour ne pas le renier. Ils ont ainsi suivi le Seigneur Jésus qui, devant Caïphe et Pilate, « a rendu son beau témoignage » (1 Tm 6, 13), confirmant la vérité de son message par le don de sa vie. D'autres innombrables martyrs acceptèrent la persécution et la mort plutôt que d'accomplir le geste idolâtrique de brûler de l'encens devant la statue de l'empereur (cf. Ap 13, 7-10). Ils allèrent jusqu'à refuser de simuler ce culte, donnant ainsi l'exemple du devoir de s'abstenir même d'un seul acte concret contraire à l'amour de Dieu et au témoignage de la foi. Dans l'obéissance, comme le Christ lui-même, ils confièrent et remirent leur vie au Père, à celui qui pouvait les sauver de la mort (cf. He 5, 7). L'Eglise propose l'exemple de nombreux saints et saintes qui ont rendu témoignage à la vérité morale et l'ont défendue jusqu'au martyre, préférant la mort à un seul péché mortel. En les élevant aux honneurs des autels, l'Eglise a canonisé leur témoignage et déclaré vrai leur jugement, selon lequel l'amour de Dieu implique obligatoirement le respect de ses commandements, même dans les circonstances les plus graves, et le refus de les transgresser, même dans l'intention de sauver sa propre vie. Le martyre dénonce comme illusoire et fausse toute « signification humaine » que l'on prétendrait attribuer, même dans des conditions « exceptionnelles », à l'acte en soi moralement mauvais ; plus encore, il en dévoile clairement le véritCble visage, celui d'une violation de l'« humanité » de l'homme, plus en celui qui l'accomplit qu'en celui qui le subit . Le martyre est donc aussi l'exaltation de l'« humanité » parfaite et de la « vie » véritable de la personne, comme en témoigne aint Ignace d'Antioche quand il s'adresse aux chrétiens de Rome, le lieu de son martyre : « Pardonnez-moi, frères ; ne m'empêchez pas de vivre, ne veuillez pas que je meure... Laissez-moi recevoir la pure lumière ; quand je serai arrivé là, je serai un h mme. Permettez-moi d'être un imitateur de la passion de mon Dieu » . Si le martyre représente le sommet du témoignage rendu à la vérité morale, auquel relativement peu de personnes sont appelées, il n'en existe pas moins un témoignage cohérent que tous les chrétiens doivent être prêts à rendre chaque jour, même au prix de souffrances et de durs sacrifices. En effet, face aux nombreuses difficultés que la fidélité à l'ordre moral peut faire affronter même dans les circonstances les plus ordinaires, le chrétien est appelé, avec la grâce de Dieu implorée dans la prière, à un engagement parfois héroïque, soutenu par la vertu de force par laquelle — ainsi que l'enseigne saint Grégoire le Grand — il peut aller jusqu'à « aimer les difficultés de ce monde en vue des récompenses éternelles » . Les normes morales universelles et immuables au service de la personne et de la société En réalité, la vraie compréhension et la compassion naturelle doivent signifier l'amour de la personne, de son bien véritable et de sa liberté authentique. Et l'on ne peut certes pas vivre un tel amour en dissimulant ou en affaiblissant la vérité morale, mais en la proposant avec son sens profond de rayonnement de la Sagesse éternelle de Dieu, venue à nous dans le Christ, et avec sa portée de service de l'homme, de la croissance de sa liberté et de la recherche de son bonheur . En même temps, la présentation claire et vigoureuse de la vérité morale ne peut jamais faire abstraction du respect profond et sincère, inspiré par un amour patient et confiant, dont l'homme a toujours besoin au long de son cheminement moral rendu souvent pénible par des difficultés, des faiblesses et des situations douloureuses. L'Eglise, qui ne peut jamais renoncer au principe « de la vérité et de la cohérence, en vertu duquel 2 n'accepte pas d'appeler bien ce qui est mal et mal ce qui est bien » , doit toujours être attentive à ne pas briser le roseau froissé et à ne pas éteindre la mèche qui fume encore (cf. Is 42, 3). Paul VI a écrit : « Ne diminuer en rien la salutaire doctrine du Christ est une forme éminente de charité envers les âmes. Mais cela doit toujours être accompagné de la patience et de la bonté dont le Seigneur lui-même a donné l'exemple en traitant avec les hommes. Venu non pour juger, mais pour sauver (cf. Jn 3, 17), il fut certes intransigeant avec le mal, mais miséricordieux envers les personnes » . Ce service est destiné à tout homme, considéré dans son être et son existence absolument uniques : l'homme ne peut trouver que dans l'obéissance aux normes morales universelles la pleine confirmation de son unité en tant que personne et la possibilité d'un vrai progrès moral. Précisément pour ce motif, ce service est destiné à tous les hommes, aux individus, mais aussi à la communauté et à la société comme telle. En effet, ces normes constituent le fondement inébranlable et la garantie solide d'une convivialité humaine juste et pacifique, et donc d'une démocratie véritable qui ne peut naître et se développer qu'à partir de l'égalité de tous ses membres, à parité de droits et de devoirs. Par rapport aux normes morales qui interdisent le mal intrinsèque, il n'y a de privilège ni d'exception pour personne. Que l'on soit le maître du monde ou le dernier des « misérables » sur la face de la terre, cela ne fait aucune différence : devant les exigences morales, nous sommes tous absolument égaux. Ces commandements sont formulés en termes généraux. Mais le fait que « la personne humaine 3 est et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions sociales » , permet de les préciser et de les expliciter dans un code de comportement plus détaillé. En ce sens, les règles morales fondamentales de la vie sociale comportent des exigences précises auxquelles doivent se conformer aussi bien les pouvoirs publics que les citoyens. Au-delà des intentions, parfois bonnes, et des circonstances, souvent difficiles, les autorités civiles et les particuliers ne sont jamais autorisés à transgresser les droits fondamentaux et inaliénables de la personne humaine. C'est ainsi que seule une morale qui reconnaît des normes valables toujours et pour tous, sans aucune exception, peut garantir les fondements éthiques de la convivialité, au niveau national ou international. La morale et le renouveau de la vie sociale et politique Le chemin à parcourir est assurément long et ardu ; les efforts à accomplir sont nombreux et considérables afin de pouvoir mettre en œuvre ce renouveau, ne serait-ce qu'en raison de la multiplicité et de la gravité des causes qui provoquent et prolongent les situations actuelles d'injustice dans le monde. Mais, comme l'histoire et l'expérience de chacun l'enseignent, il n'est pas difficile de retrouver à la base de ces situations des causes à proprement parler « culturelles », c'est-à-dire liées à certaines conceptions de l'homme, de la société et du monde. En réalité, au cœur duproblème culturel, il y a le sens moral qui, à son tour, se fonde et s'accomplit dans le sens religieux . C'est pourquoi le lien inséparable entre la vérité et la liberté — qui reflète le lien essentiel entre la sagesse et la volonté de Dieu — possède une signification extrêmement importante pour la vie des personnes dans le cadre socio-économique et socio-politique, comme cela ressort de la doctrine sociale de l'Église — laquelle « entre dans le domaine... de la théologie et particulièrement de la théologie morale » — et de sa présentation des commandements qui règlent la vie sociale, économique et politique, en ce qui concerne non seulement les attitudes générales, mais aussi les comportements et les actes concrets précis et déterminés. 100. De même, le [link] Catéchisme de l'Eglise catholique, affirme que, « en matière économique, le respect de la dignité humaine exige la pratique de la vertu de tempérance, pour modérer l'attachement aux biens de ce monde ; de la vertu de justice, pour préserver les droits du prochain et lui accorder ce qui lui est dû ; et de la solidarité, suivant la règle d'or et selon la libéralité du Seigneur qui " de riche qu'il était s'est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté " (2 Co 8, 9) » ; il présente ensuite une série de comportements et d'actes qui lèsent la dignité humaine : le vol, la détention délibérée de biens prêtés ou d'objets perdus, la fraude dans le commerce (cf. Dt 25, 13-16), les salaires injustes (cf. Dt 24, 14-15 ; Jc 5, 4), la hausse des prix en spéculant sur l'ignorance ou la détresse d'autrui (cf. Am 8, 4-6), l'appropriation et l'usage privé des biens sociaux d'une entreprise, les travaux mal faits, la fraude fiscale, la contrefaçon des chèques et des factures, les dépenses excessives, le gaspillage, etc. . Et encore : « Le septième commandement proscrit les actes ou entreprises qui, pour quelque raison que ce soit, égoïste ou idéologique, mercantile ou totalitaire, conduisent à asservir des êtres humains, à méconnaître leur dignité personnelle, à les acheter, à les vendre et à les échanger comme des marchandises. C'est un péché contre la dignité des personne et leurs droits fondamentaux que de les réduire par la violence à une valeur d'usage ou à une source de profit. Saint Paul ordonnait à un maître chrétien de traiter son esclave chrétien " non plus comme un esclave, mais... comme un frère..., comme un homme, dans le Seigneur " (Phm 16) » . Dans tous les domaines de la vie personnelle, familiale, sociale et politique, la morale — qui est fondée sur la vérité et qui, dans la vérité, s'ouvre à la liberté authentique — rend donc un service original, irremplaçable et de très haute valeur, non seulement à la personne pour son progrès dans le bien, mais aussi à la société pour son véritable développement. La grâce et l'obéissance à la Loi de Dieu D'où provient, en fin de compte, cette division intérieure de l'homme ? Celui-ci commence son histoire de pécheur lorsqu'il ne reconnaît plus le Seigneur comme son Créateur, et lorsqu'il veut décider par lui-même ce qui est bien et ce qui est mal, dans une indépendance totale. « Vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal » (Gn 3, 5), c'est là la première tentation, à laquelle font écho toutes les autres, alors que l'homme est plus aisément enclin à y céder à cause des blessures de la chute originelle. Mais on peut vaincre les tentations et l'on peut éviter les péchés, parce que, avec les commandements, le Seigneur nous donne la possibilité de les observer : « Ses regards sont tournés vers ceux qui le craignent, il connaît lui-même toutes les œuvres des hommes. Il n'a commandé à personne d'être impie, il n'a donné à personne licence de pécher » (Si 15, 19-20). Dans certaines situations, l'observation de la Loi de Dieu peut être difficile, très difficile, elle n'est cependant jamais impossible. C'est là un enseignement constant de la tradition de l'Eglise que le Concile de Trente exprime ainsi : « Personne, même justifié, ne doit se croire affranchi de l'observation des commandements. Personne ne doit user de cette formule téméraire et interdite sous peine d'anathème par les saints Pères que l'observation des commandements divins est impossible à l'homme justifié. " Car Dieu ne commande pas de choses impossibles, mais en commandant il t'invite à faire ce que tu peux et à demander ce que tu ne peux pas " et il t'aide à pouvoir. " Ses commandements ne sont pas pesants M M1 Jn 5, 3), " son joug est doux et son fardeau léger " (cf. Mt 11, 30) » . C'est dans la Croix salvifique de Jésus, dans le don de l'Esprit Saint, dans les sacrements qui naissent du côté transpercé du Rédempteur (cf. Jn 19, 34) que le croyant trouve la grâce et la force de toujours observer la Loi sainte de Dieu, même au milieu des plus graves difficultés. Comme le dit saint André de Crète : « En vivifiant la Loi par la grâce, Dieu a mis la loi au service de la grâce, dans un accord harmonieux et fécond, sans mêler à l'une ce qui appartient à l'autre, mais en transformant de manière vraiment divine ce qui était pénible, asservissant et insupportable, pour le rendre léger et libérateur » . Les possibilités « concrètes » de l'homme ne se trouvent que dans le mystère de la Rédemption du Christ. « Ce serait une très grave erreur que d'en conclure que la règle enseignée par l'Eglise est en elle même seulement un " idéal " qui doit ensuite être adapté, proportionné, gradué, en fonction, dit-on, des possibilités concrètes de l'homme, selon un " équilibrage des divers biens en question ". Mais quelles sont les " possibilités concrètes de l'homme " ? Et de quel homme parle-t-on ? De l'homme dominé par la concupiscence ou bien de l'homme racheté par le Christ ? Car c'est de cela qu'il s'agit : de la réalité de la Rédemption par le Christ. Le Christ nous a rachetés ! Cela signifie : il nous a donné la possibilité de réaliser l'entière vérité de notre être ; il a libéré notre liberté de la domination de la concupiscence. Et si l'homme racheté pèche encore, cela est dû non pas à l'imperfection de l'acte rédempteur du Christ, mais à la volonté de l'homme de se soustraire à la grâce qui vient de cet acte. Le commandement de Dieu est certainement proportionné aux capacités de l'homme, mais aux capacités de l'homme auquel est donné l'Esprit Saint, de l'homme qui, s'il est tombé dans le péché, peut toujours obtenir le pardon et jouir de la présence de l'Esprit » . A l'inverse, nous devons recevoir le message qui nous vient de la parabole évangélique du pharisien et du publicain (cf. Lc 18, 9-14). Le publicain pouvait peut-être avoir quelque justification aux péchés qu'il avait commis, de manière à diminuer sa responsabilité. Toutefois ce n'est pas à ces justifications qu'il s'arrête dans sa prière, mais à son indignité devant l'infinie sainteté de Dieu : « Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis ! » (Lc 18, 13). Le pharisien, au contraire, s'est justifié par lui-même, trouvant sans doute une excuse à chacun de ses manquements. Nous sommes ainsi confrontés à deux attitudes différentes de la conscience morale de l'homme de tous les temps. Le publicain nous présente une conscience « pénitente » qui se rend pleinement compte de la fragilité de sa nature et qui voit dans ses manquements, quelles qu'en soient les justifications subjectives, une confirmation du fait qu'il a besoin de rédemption. Le pharisien nous présente une conscience « satisfaite d'elle-même », qui est dans l'illusion de pouvoir observer la loi sans l'aide de la grâce et a la conviction de ne pas avoir besoin de la miséricorde. Nous retrouvons le même état d'esprit dans cette prière de saint Ambroise de Milan : « Qu'est-ce que l'homme, si tu ne le visites pas ? N'oublie pas le faible. Souviens-toi, Seigneur, que tu m'as créé faible ; souviens-toi que tu m'as façonné à partir de la poussière. Comment pourrai-je tenir debout, si tu ne veilles pas à tout instant à rendre ferme cette boue que je suis, en faisant venir ma force de ton visage ? " Si tu détournes ton visage, tout sera troublé " (Ps 104103, 29) : si tu me regardes, malheur à moi ! Tu ne vois en moi que les conséquences de mes fautes ; il ne nous sert ni d'être abandonnés ni d'être vus de Dieu, car, lorsqu'il nous voit, nous l'offensons. Pourtant, nous pouvons croire qu'il ne rejette pas ceux qu'il voit et qu'il purifie ceux qu'il regarde. Devant lui, brûle un feu qui peut consumer le péché (cf. Jl 2, 3) » . La morale et la nouvelle évangélisation Mais la période que nous vivons, du moins dans de nombreux peuples, est plutôt le temps d'un formidable défi à la « nouvelle évangélisation », c'est-à-dire à l'annonce de l'Evangile toujours nouveau et toujours porteur de nouveauté, une évangélisation qui doit être « nouvelle en son ardeur, dans ses méthodes, dans son expression » . La déchristianisation qui affecte des communautés et des peuples entiers autrefois riches de foi et de vie chrétienne implique non seulement la perte de la foi ou, en tout cas, son insignifiance dans la vie, mais aussi, et forcément, le déclin et l'obscurcissement du sens moral : et cela, du fait que l'originalité de la morale évangélique n'est plus perçue, ou bien à cause de l'effacement des valeurs et des principes éthiques fondamentaux eux-mêmes. Les courants subjectivistes, utilitaristes et relativistes, aujourd'hui amplement diffusés, ne se présentent pas comme de simples positions pragmatiques, comme des traits de mœurs, mais comme des conceptions fermes du point de vue théorique, qui revendiquent leur pleine légitimité culturelle et sociale. Comme pour les vérités de la foi et plus encore, la nouvelle évangélisation, qui propose les fondements et le contenu de la morale chrétienne, montre son authenticité et, en même temps, déploie toute sa force missionnaire lorsqu'elle est accomplie non seulement par le don de la parole proclamée, mais encore de la parole vécue. En particulier, la vie dans la sainteté, qui resplendit en de nombreux membres du peuple de Dieu, humbles et souvent cachés aux yeux des hommes, constitue le moyen le plus simple et le plus attrayant par lequel il est possible de percevoir immédiatement la beauté de la vérité, la force libérante de l'amour de Dieu, la valeur de la fidélité inconditionnelle à toutes les exigences de la Loi du Seigneur, même dans les circonstances les plus difficiles. C'est pourquoi l'Eglise, dans la sagesse de sa pédagogie morale, a toujours invité les croyants à chercher et à trouver auprès des saints et des saintes, et en premier lieu auprès de la Vierge Mère de Dieu « pleine de grâce » et « toute sainte », exemple, force et joie pour vivre une vie fidèle aux commandements de Dieu et aux Béatitudes de l'Evangile. La vie des saints, reflet de la bonté de Dieu — Celui qui « seul est le Bon » —, constitue une véritable confession de la foi et un stimulant pour sa transmission aux autres, et aussi une glorification de Dieu et de sa sainteté infinie. La vie sainte porte ainsi à la plénitude de son expression et de sa mise en œuvre le triple et unique munus propheticum, sacerdotale et regale donné à tout chrétien lors de sa renaissance baptismale « d'eau et d'Esprit » (Jn 3, 5). La vie morale du chrétien a une valeur de « culte spirituel » (Rm 12, 1 ; cf. Ph 3, 3), puisé et nourri à cette source inépuisable de sainteté et de glorification de Dieu que sont les sacrements, spécialement l'Eucharistie ; en effet, en participant au sacrifice de la Croix, le chrétien communie à l'amour oblatif du Christ, il est rendu apte et il est engagé à vivre la même charité à travers toutes les attitudes et tous les comportements de sa vie. Dans l'existence morale, on voit aussi à l'œuvre le service royal du chrétien : plus il obéit, avec l'aide de la grâce, à la Loi nouvelle de l'Esprit Saint, plus il grandit dans la liberté à laquelle il est appelé en servant la vérité, la charité et la justice. Dans le cadre vivant de cette nouvelle évangélisation, destinée à faire naître et à nourrir « la foi opérant par la charité » (Ga 5, 6), et, en fonction de l'œuvre de l'Esprit Saint, nous pouvons maintenant comprendre la place qui, dans l'Eglise, communauté des croyants, revient à la réflexion que la théologie doit conduire sur la vie morale, de même que nous pouvons présenter la mission et la responsabilité particulières des théologiens moralistes. Le service des théologiens moralistes Pour accomplir sa mission prophétique, l'Eglise doit sans cesse stimuler ou « raviver » sa vie de foi (cf. 2 Tm 1, 6), en particulier par une réflexion toujours plus approfondie, sous la conduite de l'Esprit Saint, sur le contenu de la foi elle-même. D'une manière spécifique, la « vocation » du théologien dans l'Eglise est au service de cette « recherche par le croyant de l'intelligence de la foi » : « Parmi les vocations ainsi suscitées par l'Esprit dans l'Eglise — lisons-nous dans l'Instruction Donum veritatis —, se distingue celle du théologien qui, d'une manière particulière, a pour fonction d'acquérir, en communion avec le Magistère, une intelligence toujours plus profonde de la Parole de Dieu contenue dans l'Ecriture inspirée et transmise par la Tradition vivante de l'Eglise. De par sa nature, la foi tend à l'intelligence, car elle ouvre à l'homme la vérité concernant sa destinée et la voie pour l'atteindre. Même si la vérité révélée surpasse notre discours, et si nos concepts sont imparfaits face à sa grandeur à la fin du compte insondable (cf. Ep 3, 19), elle invite pourtant notre raison — don de Dieu pour percevoir la Vérité — à entrer en sa lumière et à devenir ainsi capable de comprendre dans une certaine mesure ce qu'elle croit. La science théologique, qui recherche l'intelligence de la foi en réponse à la voix de la Vérité qui appelle, aide le peuple de Dieu, selon le commandement apostolique (cf. 1 P 3, 15), à rendre compte de son espérance à ceux qui le demandent » . Pour définir l'identité et, par conséquent, pour mettre en œuvre la mission propre de la théologie, il est essentiel de reconnaître son lien intime et vivant avec l'Eglise, avec son mystère, avec sa vie et sa mission : « La théologie est une science ecclésiale, parce qu'elle grandit dans l'Eglise et qu'elle agit sur l'Eglise... Elle est au service de l'Eglise et elle doit donc se sentir insérée de manière dynamique dans la mission de l'Eglise, en particulier dans sa mission prophétique » . Etant donné sa nature et son dynamisme, la théologie authentique ne peut s'épanouir et se développer que par la participation et l'« appartenance » convaincues et responsables à l'Eglise comme « communauté de foi », de même que l'Eglise ellemême et sa vie dans la foi bénéficient des fruits de la recherche et de l'approfondissement théologiques. C'est ici qu'intervient le rôle spécifique de ceux qui enseignent la théologie morale dans les séminaires et les facultés de théologie par mandat des pasteurs légitimes. Ils ont le grave devoir d'instruire les fidèles — spécialement les futurs pasteurs — au sujet de tous les commandements et de toutes les normes pratiques que l'Eglise énonce avec autorité . Malgré les limites éventuelles des démonstrations humaines présentées par le Magistère, les théologiens moralistes sont appelés à approfondir les motifs de ses enseignements, à mettre en relief les fondements de ses préceptes et leur caractère obligatoire en montrant les liens qu'ils ont entre eux et leur rapport avec la fin dernière de l'homme . Il revient aux théologiens moralistes d'exposer la doctrine de l'Eglise et de donner, dans l'exercice de leur ministère, l'exemple d'un assentiment loyal, intérieur et extérieur, à l'enseignement du Magistère dans le domaine du dogme et dans celui de la morale . Faisant appel à toute leur énergie pour collaborer avec le Magistère hiérarchique, les théologiens auront à cœur de mettre toujours mieux en lumière les fondements bibliques, les significations éthiques et les motivations anthropologiques qui soutiennent la doctrine morale et la conception de l'homme proposées par l'Eglise. Aujourd'hui, la théologie morale et son enseignement se trouvent assurément en face de difficultés particulières. Parce que la morale de l'Eglise comporte nécessairement une dimension norma— tive, on ne peut réduire la théologie morale à n'être qu'un savoir élaboré dans le seul cadre de ce qu'on appelle sciences humaines. Alors que ces dernières traitent le phénomène de la moralité comme une donnée historique et sociale, la théologie morale, tout en devant utiliser les sciences de l'homme et de la nature, n'est pas pour autant soumise aux résultats de l'observation empirique et formelle ou de l'interprétation phénoménologique. En réalité, la pertinence des sciences humaines en théologie morale est toujours à apprécier en fonction de la question primordiale : qu'est-ce que le bien ou le mal ? Que faire pour obtenir la vie éternelle ? En effet, tandis que les sciences humaines, comme toutes les sciences expérimentales, développent une conception empirique et statistique de la « normalité », la foi enseigne que cette normalité porte en elle les traces d'une chute de l'homme par rapport à sa situation originelle, c'est-à-dire qu'elle est blessée par le péché. Seule la foi chrétienne montre à l'homme la voie du retour à l'« origine » (cf. Mt 19, 8), une voie souvent bien différente de celle de la normalité empirique. En ce sens, les sciences humaines, malgré la grande valeur des connaissances qu'elles apportent, ne peuvent pas être tenues pour des indicateurs déterminants des normes morales. C'est l'Evangile qui dévoile la vérité intégrale sur l'homme et sur son cheminement moral, et qui ainsi éclaire et avertit les pécheurs en leur annonçant la miséricorde de Dieu qui œuvre sans cesse pour les préserver du désespoir de ne pas pouvoir connaître et observer la Loi de Dieu et aussi de la présomption de pouvoir se sauver sans mérite. Il leur rappelle également la joie du pardon qui, seul, donne la force de reconnaître dans la loi morale une vérité libératrice, une grâce d'espérance, un chemin de vie. Si les convergences et les conflits d'opinions peuvent constituer des expressions normales de la vie publique dans le cadre d'une démocratie représentative, la doctrine morale ne peut certainement pas dépendre du simple respect d'une procédure : en effet, elle n'est nullement établie en appliquant les règles et les formalités d'une délibération de type démocratique. Le dissentiment, fait de contestations délibérées et de polémiques, exprimé en utilisant les moyens de communication sociale, est contraire à la communion ecclésiale et à la droite compréhension de la constitution hiérarchique du Peuple de Dieu. On ne peut reconnaître dans l'opposition à l'enseignement des pasteurs une expression légitime de la liberté chrétienne ni de la diversité des dons de l'Esprit. Dans ce cas, les pasteurs ont le devoir d'agir conformément à leur mission apostolique, en exigeant que soit toujours respecté le droit des fidèles à recevoir la doctrine catholique dans sa pureté et son intégrité : « N'oubliant jamais qu'il est lui aussi membre du peuple de Dieu, le théologien doit le respecter et s'attacher à lui dispenser un enseignement qui n'altère en rien la doctrine de la foi » . Nos responsabilités de pasteurs C'est notre devoir commun, et plus encore notre grâce commune, d'enseigner aux fidèles, en tant que pasteurs et évêques de l'Eglise, ce qui les conduit vers Dieu, comme le fit un jour le Seigneur Jésus avec le jeune homme de l'Evangile. Répondant à sa demande : « Que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle ? », Jésus l'a renvoyé à Dieu, Seigneur de la création et de l'Alliance ; il lui a rappelé les commandements moraux, déjà contenus dans l'Ancien Testament ; il en a montré l'esprit et le caractère radical par l'invitation à marcher à sa suite dans la pauvreté, l'humilité et l'amour : « Viens et suis-moi ! ». La vérité de cette doctrine a été scellée dans le sang du Christ sur la Croix : elle est devenue, dans l'Esprit Saint, la Loi nouvelle de l'Eglise et de tout chrétien. Cette « réponse » à la question morale, le Christ Jésus nous la confie d'une manière particulière à nous pasteurs de l'Eglise, appelés à en faire la matière de notre enseignement, dans l'accomplissement de notre munus propheticum. En même temps, en ce qui concerne la morale chrétienne, notre responsabilité de pasteurs doit aussi s'exercer sous la forme du munus sacerdotale : c'est ce qui se réalise lorsque nous dispensons aux fidèles les dons de la grâce et de la sanctification, qui leur permettent d'obéir à la sainte Loi de Dieu, et lorsque nous soutenons les croyants par notre prière constante et confiante afin qu'ils soient fidèles aux exigences de la foi et vivent selon l'Evangile (cf. Col 1, 9-12). La doctrine morale chrétienne doit être, aujourd'hui surtout, un des domaines privilégiés dans notre vigilance pastorale, dans l'exercice de notre munus regale. A la lumière de la Révélation et de l'enseignement constant de l'Eglise, spécialement de celui du Concile Vatican II, j'ai rappelé brièvement les traits essentiels de la liberté, les valeurs fondamentales liées à la dignité de la personne et à la vérité de ses actes, de manière à ce que l'on puisse reconnaître, dans l'obéissance à la loi morale, une grâce et un signe de notre adoption dans le Fils unique (cf. Ep 1, 4-6). En particulier, la présente encyclique offre des évaluations en ce qui concerne certaines tendances contemporaines de la théologie morale. Je vous en fais part maintenant, obéissant à la parole du Seigneur qui a confié à Pierre la charge d'affermir ses frères (cf. Lc 22, 32), pour éclairer et faciliter notre commun discernement. Chacun de nous sait l'importance de la doctrine qui constitue l'essentiel de l'enseignement de la présente encyclique et qui est rappelée aujourd'hui avec l'autorité du Successeur de Pierre. Chacun de nous peut mesurer la gravité de ce qui est en cause, non seulement pour les individus, mais encore pour la société entière, avec la réaffirmation de l'universalité et de l'immutabilité des commandements moraux, et en particulier de ceux qui proscrivent toujours et sans exception les actes intrinsèquement mauvais. En reconnaissant ces commandements, le cœur du chrétien et notre charité pastorale entendent l'appel de Celui qui « nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 19). Dieu nous demande d'être saints comme lui-même est saint (cf. Lv 19, 2), d'être, dans le Christ, parfaits comme lui-même est parfait (cf. Mt 5, 48) : la fermeté exigeante du commandement se fonde sur l'amour miséricordieux et inépuisable de Dieu (cf. Lc 6, 36), et le commandement a pour but de nous conduire, avec la grâce du Christ, sur le chemin de la plénitude de la vie propre aux fils de Dieu. Vis-à-vis des institutions catholiques, une responsabilité particulière s'impose aux évêques. Qu'il s'agisse d'organismes destinés à la pastorale familiale ou sociale, ou bien d'institutions vouées à l'enseignement ou à l'action sanitaire, les évêques peuvent ériger et reconnaître ces structures et leur déléguer des responsabilités ; toutefois, ils ne sont jamais dispensés de leurs obligations propres. C'est leur devoir, en communion avec le Saint-Siège, de reconnaître ou de retirer, dans des cas de graves incohérences, le qualificatif de « catholique » aux écoles , aux universités , aux cliniques ou aux services médico-sociaux qui se réclament de l'Eglise. Quand les hommes présentent à l'Eglise les questions de leur conscience, quand à l'intérieur de l'Eglise les fidèles s'adressent à leurs évêques et à leurs pasteurs, c'est la voix de Jésus Christ, la voix de la vérité sur le bien et le mal qu'on entend dans la réponse de l'Eglise. Dans la parole prononcée par l'Eglise retentit, à l'intime de l'être, la voix de Dieu, qui « seul est le Bon » (Mt 19, 17), qui seul « est amour » (1 Jn 4, 8.16). Dans l'onction de l'Esprit, cette parole douce et exigeante se fait lumière et vie pour l'homme. C'est encore l'Apôtre Paul qui nous invite à la confiance, parce que « notre capacité vient de Dieu : c'est lui qui nous a rendus capables d'être les ministres d'une Alliance Nouvelle, une Alliance qui n'est pas celle de la lettre de la Loi, mais celle de l'Esprit... Le Seigneur, c'est l'Esprit, et là où l'Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté. Et nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, allant de gloire en gloire, par l'action du Seigneur qui est Esprit » (2 Co 3, 5-6. 17-18).
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