JASON
Que je serois
heureux si j'estois moins aymé !
Médee avec ardeur dans mon sort s'interesse,
Je luy dois toute ma tendresse,
D'une autre cependant je me trouve charmé,
Et malgré moy j'adore la Princesse.
Quo je serois heureux si j'estois moins aymé!
ARCAS
Si vous
l'abandonnez, songez vous à la rage
Où l'a mettra son desespoir?
JASON
Je sçay la
grandeur de l'outrage,
Je manque à la foy qui m'engage,
Et vois tout ce que je dois voir;
Mais un fier ascendant asservit mon courage,
En vain je cherche à n'y point consentir;
Des grandes passions c'est le sort qui decide:
Je rougis, je me hais d'estre ingrat et perfide,
Et je ne puis m'en garantir.
ARCAS
Dans ce que peur
Médée oserois-je vous dire
Que vous ne sçaurez trop redouter son couroux.
Si sur vostre ame encor la gloire à quelqu'empire,
Voyez ce qu'elle veut de vous.
JASON
Que me peut
demander la gloire
Quand l'Amour s'est rendu le maistre de mon coeur?
Dans le triste combat où, si j'ose la croire,
L'avantage cruel de demeurer vainqueur
Doit mc coûter tous mon bonheur
Que me peut demander la gloire?
Si je traite Médée avec trop de rigueur,
Un objet tout charmant trouve de la douceur
A me ceder une illustre victoire,
Je touche au doux moment d'en estre possesseur.
Serments de ma Première ardeur,
Devoirs que je trahis, sortez de ma memoire,
Et ne m'opposez plus vos chimeres d'honneur,
Que me peut demander la gloire
Quand l'Amour s'est rendu le maistre de mon cœur.
CHOEUR DE
CORINTHIENS
qu'on no voit
pas
Disparoissez,
inquiettes allarmes,
Vaines terreurs, fuyez, éloignez vous,
Le secours d'un Heros vient se joindre à nos armes,
Nos plus fiers ennemis trembleront devant nous.
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