Un appartement dans le château.
GENEIÈVE
Voici ce qu'il
écrit à son frère Pelléas:
(simplement
et modéré)
«Un soir, je
l'ai trouvée tout en pleurs au bord d'une fontaine, dans la forêt où je m'étais
perdu.
Je ne sais ni son âge, ni qui elle est, ni d'où elle vient et je n'ose pas
l'interroger, car elle doit avoir eu une grande épouvante, et quand on lui
demande ce qui lui est arrivée, elle pleure tout à coup comme un enfant, et
sanglote (d'une voix étouffée) si profondément qu'on a peur.
Il u a maintenant six mois que je l'ai épousée et je n'en sais pas plus que le
jour de notre rencontre,
En attendant, mon cher Pelléas, toi que j'aime plus qu'un frère, bien que nous
ne soyons pas nés de même père, en attendant, prépare mon retour…
(avec une
émotion contenue)
Je sais que ma
mère ma pardonnera volontiers.
Mais l'ai peur d'Arkel, malgré toute sa bonté.
S'il consent néanmoins à l'accueillir, comme il accueillerait sa propre fille,
le troisième suivra cette lettre, allume une lampe au sommet de la tour qui
regarde la mer.
Je l'apercevrai du pont de notre navire, si non j'irai plus loin et ne
reviendrai plus…»
Qu'en dites-vous?
ARKEL
Je n'en dis
rien.
Cela peut nous paraître étrange, parce que nous ne voyons jamais que l'envers
des destinées, l'envers même de la nôtre…
Il avait toujours suivi mes conseils jusqu'ici, j'avais cru le rendre heureux
en l'envoyant demander la main de la princess Ursule…
Il ne pouvait pas rester seul, et depuis la mort de sa femme il était triste
d'être seul; et se mariage allait mettre fin à de longues guerres, à de
vieilles haines…
Il ne l'a pas voulu ainsi.
(avec une
émotion grave)
Qu'il en soit
comme it a voulu: je ne me suis jamais mis en travers d'une destinée; il sait
mieux que moi son avenir.
Il n'arrive peut être pas d'événements inutiles.
GENEVIÈVE
Il a toujours
été si prudent, si grave et si ferme…
Depuis la mort de sa femme il ne vivait plus que pour son fils, le petit
Yniold.
Il a tout oublié…
Qu'allons-nous faire?
(Entre
Pelléas.)
ARKEL
Qui est-ce qui
entre là?
GENEVIÈVE
C'est Pelléas.
Il a pleuré.
ARKEL
Est-ce toi,
Pelléas?
Viens un peu plus près que je te voie dans la lumière.
PELLÉAS
Grand-père, j'ai
reçu en même temps que la lettre de mon frère une autre lettre;
Une lettre de mon ami Marcellus…
Il va mourir et il m'appelle…
Il dit qu'il sait exactement le jour où la more doit venir…
Il me dit que je puis arriver avant elle si je veux, mais qu'il n'y a pas de
temps à perdre.
ARKEL
Il faudrait
attendre quelque temps cependant,
Nous ne savons pas ce que le retour de ton frère nous prépare
Et d'ailleurs ton père n'est il pas ici, au-dessus de nous, plus malade
peut-être que ton ami…
Pourras-tu choisir entre le père et l'ami?…
(Il sort.)
GENEVIÈVE
Aie soin
d'allumer la lampe dès ce soir Pelléas.
(Ils sortent
séparément.)
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