Index | Mots: Alphabétique - Fréquence - Inversions - Longueur - Statistiques | Aide | Bibliothèque IntraText |
Maurice Maeterlinck Ariane et Barbe-Bleue IntraText CT - Lecture du Texte |
|
|
Acte I
Une vastre et somptueuse salle en hémicycle dans le château de Barbe Bleue. Au fond, une grande porte. De chaque côte de cell-ci, trois petites portes d'ébène à serrures et ornements d'argent fèrment des espèces de niches dans un colonnade de marbre. Au-dessus de ces portes, mais au dernier plan, six fenêtres monumentales auxquelle, on peut accéder, de chaque côté de la salle, par un escalier arrondi qui même à une sorte de balcon intérieur. C'est le soir, les lustres sont allumés et les fenêtres ouvertes. Au dehors, c'est à dire derrière les fenêtres du fond, une foule agitée qu'on ne voit pas, mais dont on entend les cris tour à tour effrayés, inquiets et menacants, les mouvements subits, les piétinements et les murmures. Vers le milieu de l'ouverture, le rideau se lève et l'on continue à entendre, à travers la musique, les voix de la foule invisible. VOIX DE LA FOULE A mort ! a mort! Voix isolérs Elle ne
comprendra pas. Rumeurs A mort !-à mort
! A cemoment, en effet, lessixfenêtresmonumentalesaudessus des niches de marbre seferment d élles memes, étouffant à mesure les voix de lafoule. On n'entend plus qu'un grondement indistinct qui est presque le silence. Peu après, paraneportelatérale, entrentdans la salle Ariane et la Nourrice. LA NOURRICE Où sommes nous ?
Ecoutez, on murmure. Elle va à la grande porte du fond. Ils sont là...
derrière laporte. ARIANE Elles ne sont
pas mortes. On en parlait là bas comme d'un mystère étrange, dans le pays
lointain où son amour sauvage et qui tremblait pourtant, estvenu me
chercher.-Je m'en doutais, là bas et j'en suis sûre ici... Il m'aime, je suis
belle et j'aurai son secret. D'abord il faut désobéir: c'est le premier devoir
quand l'ordre est menaçant et ne s'explique pas.-Les autres ont eu tort et les
voilà perdues pour avoir hésité.-Nous voici dans la galerie qui précède la
salle où son amour m'attend. Elle jette les clefs d'argent qui tintent en s'éparpillant sur les dalles de marbre. LA NOURRICE se précipitant pour les ramasser Que faites vous
? ARIANE Ouvre toi même
si tu veux. LA NOURRICE regardant les clefs et la salle. Voici les portes dans le marbre. Elles ont des serrures d'argent pour nous dire qu'elles répondent aux clefs. Laquelle ouvriraije d'abord ? ARIANE Qu'importe ! LA NOURRICE essayant les clefs sur la première porte. Quelle clef
ouvrira la première ? Celle ci ? La Noumcelait un saut en amère car, tandis qu'elle parle encore, les deux vantaux glissent d éux mêmes dans des rainares latérales et subitemen tdisparaissent, découvrant un prodigieux amoncellement d'améthystes entussées jusqu'au sommet de l'ouverture. Alors, comme délivrés d'une contrainte séculaire, des joyaux de toutes formes mais de même substance, colliers, aigrettes, bracelets, bogues, boucles, ceintures, diadèmes, croulent en flammes violettes et rebondissent jusqu 'an fond de la salle, cependant qu'à mesure que les premiers se répandent sur le marbre, de toutes les anfractuosités des voûtes réveillèes continuent d'en ruisseler d'autres, de plus en plus nombreux et admirables, au milieu d'un bruit de pierreries vivantes qui ne s'arrete plus. LA NOURRICE éblouie, affolée, les ramassant à mains pleines. Prenez les ! ARIANE Ce sont de nobles améthystes.-Ouvre la seconde porte. LA NOURRICE La seconde ? Elle met une clef à la serrure. Prenez garde !- La clef tourne déjà! Les battants ont des ailes, les parois se déchirent! Oh ! Même scène qu'à la première porte, mais, cette fois, c ést l'accumulation, l'irraption rebondissantect l'éblauissement sonore et bleuissant d'une pluie de saphire. ARIANE Ce sont de beaux
saphirs. LA NOURRICE
Attendez que
j'aie vu, que j'aie pris les plus beaux ! ARIANE Va, Nourrice, hâte toi, l'heure où l'on peut agir est rare et fugitive. LA NOURRICE Elle ouvre la troisième porte. Méme jeu, mais cettefois, c'est l éntussement pâle, le ruissellement laiteux, plus menu mais plus innombrable d'un délage de perles. J'en recueille une poignée pour qu'elles caressent les saphirs. ARIANE Ouvre la quatrième. LA NOURRICE Elle ouvre la quartrième porte. Méme Jeu. Ruissellement d'emeraudes. Oh! elles ci sont plus vcrtcs que le printemps qui naît le long des peupliers dans les gouites de rosée du beau soleil de mon village!... Secauant sa mante d'où ruissellent les améthrstes, les saphirs et les perles. Allez vous en,
Les autres! Faites place aux plus belles ! ARIANE Ouvre la cinquième porte. LA NOURRICE Quoi, pas même celles ci ? Vous ne les aimez pas ? ARIANE Ceque j'aime est plus beau que les plus belles pierres. LA NOURRICE Elle ouvre la cinquième porte. Même jeu. Irruption aveuglante, incandescence animée et cascade tragique de rubis. Celles ci sont terribles, et je n'y touche point. ARIANE Nous approchons
du but,car voici lamenace. LA NOURRICE C'est la dernière clef-Si déjà le sang coule sous la porte permise, quelle est l'horreur qui veille sur le seuil interdit ? ARIANE Ouvre vite. LA NOURRICE Hésitante, elle ouvre la sixième parte. Méme jeu. Mais cettelais l'irradiatian est intolèrable. Ce sont des cataractes d'énormes et purs diamants qui se précipitent . dans la salle. Des millians d'étincelles, de rayons, d'insations se rencontrent, s'éteignent, se rallument, déferlent, se multiplient, s'étalent et s'exaspèrent. Anane déconcertée, pousse un cri d'éblouissement. Elle sé penche, ramasse un d indème, une rivière, des paignées de splendeurs qui éclatent et en pare, au hasard, ses cheveux, ses bras, sa garge et ses mains. ARIANE Tandis qu'elle fait resplendir sous ses yeux et éleve devant elle les diamants qui l'illuminent. O mes clairs diamants ! Je ne vous cherchais pas, mais je vous salue sur ma route! Immortelle rosée de lumière! Ruisselez sur mes mains, illuminez mes bras éblouissez ma chair! Vous êtes purs, infatigables, vous ne mourrez jamais, et ce qui s'agite en vos feux, comme un peuple d'esprit qui sème des étoiles, c'est le passion dela clarté qui a tout pénétré, ne se repose pas, et n'a plus rien à vaincre qu'elle même!… S'approchant de la porte ouverte et regardant sous la voûte. Pleuvez, pleuvez encore, entailles de l'été, exploits de la lumière et conscience innombrable des flammes! Vous blesserez mes yeux sans lasser mes regards !... Se penchant davantage. Mais que
vois-je, Nourrice? Nourrice, où donc es-tu? La pluie magnifique se déchire et
demurce en suspens au dessus d'un arceau qu'elle éclairc ! LA NOURRICE Venez, n'y touchez pas. Retenez vos mains et vos yeux de crainte qu'elle ne s'ouvre... Venez donc, cachons nous... Après les diamants, c'est la flamme ou la mort... ARIANE Oui, retire toi, Nourrice. Cache toi derrière ces colonnes de marbre. Je veux y aller seule. Elle entre sous la vaûte, met la clef dans la serrure; la porte se divise, rien ne paraît qu'une ouverture pleine d 'ombre, mais un chant étouffé et lointa in sélève des profondeurs de la terre et se repand dans la salle. LA NOURRICE Ariane, que
faites vous ? ARIANE Ecoute... Le chant étouffé. Les cinq filles
d'Orlamonde LA NOURRICE Ce sont les autres femmes... ARIANE Oui. LA NOURRICE Refermez cette
porte ! ARIANE l'empéchant de refermer la porte. Il ne faut pas... Le chant, plus sonore. Ont allumé leurs
cinq lampes, LA NOURRICE Il remonte, il
redouble!... Poussons la première porte. Elle essaie de refermer la porte qui cachait les diamants. Elle résiste aussi! Le chant, plus puissant. Ont ouvert un
puits sonore LA NOURRICE affolée, entrant ô son taur sous la voûte. Taisez vous!
Taisez vous ! Etendant son manteau Mon manteau couvrira l'ouverture... ARIANE Je vois des marches sous le seuil. Je vais descendre où l'on m'appelle… Le chant de plus en plus puissant. Voient l'océan
par les fentes Sur les dernières paroles du chant, Barbe Bleue entre dans la salle. Il s'arréte un instant et regarde. BARBE BLEUE s'approchant. Vous aussi... ARIANE Tressaille, se retourne, sort éela vod te, et, étincelante de diamants, s'avance vers Barbe Bleue. Moi surtout. ARIANE Combien de temps ont elles subi la défense ? BARBE BLEUE Je vous croyais plus forte et plus sage que vos sœurs. BARB E BLEUE Celles ci quelques jours, celles là quelques mois, la dernière une année... ARIANE C'est la dernière seule qu'il eût fallu punir. BARBE BLEUE C'était bien peu de choses ce que je demandais... ARIANE Vous leur demandiez plus que vous n'aviez donné. BARBE BLEUE Vous perdez le bonheur que je voulais pour vous. ARIANE Le bonheur que je veux ne peut vivre dans l'ombre. BARBE BLEUE Renoncez à savoir et je puis pardonner... ARIANE Je pourrai pardonner lorsque je saurai tout. BARBE BLEUE saisissant Ariane par le bras. Venez! ARIANE Où voulez vous que j'aille ? BARBE BLEUE Où je vous mènerai. ARIANE Non. Barbe Bleue cherche à entrainer de force Ariane qui pausse un long cri de douleur. A ce cri répond d'abord une sorte de rumeur sourde. La lutte entre Ariane et Barbe-Bleue continue un instant, et la Naurricey mèle ses clameurs désespérées. Tout à coup, une pierre lancée du dehors brise une des fenêtres, on entend gronder et s'agiter la foule. D'autres pierres viennent tomber dans la salle. La Nourrice court à la grande porte du lond, dont elle tire les verrous et soulève les barres. Une brusque poussée de dehors èbranle et entr'ouve cette porte et les paysan furieux mais hésitants se pressent sur les seuil. Barbe Blene, délivrant Ariane, tire son épée pour se préparer à la lutte. Mais Ariane, calme, s avance vers la foule. ARIANE Que voulez vous
? Elle écarte doucement les paysans et referme la porte avec soin, tandis que Barbe Bleue, les yeux baissés, regarde la pointe de son épée. Rideau. |
Index | Mots: Alphabétique - Fréquence - Inversions - Longueur - Statistiques | Aide | Bibliothèque IntraText |
Best viewed with any browser at 800x600 or 768x1024 on Tablet PC IntraText® (V89) - Some rights reserved by EuloTech SRL - 1996-2007. Content in this page is licensed under a Creative Commons License |