Le
dialogue œcuménique
172.
Le dialogue est au cœur de la collaboration œcuménique et
l'accompagne en toutes ses formes. Le dialogue demande que l'on écoute
et réponde, que l'on essaye de comprendre et de se faire comprendre.
C'est être disposé à poser des questions et à
être interrogé à son tour. C'est communiquer quelque chose
de soi et avoir confiance en ce que les autres disent d'eux-mêmes. Chacun
des interlocuteurs doit être prêt à clarifier toujours davantage
et à modifier ses vues personnelles et ses manières de vivre et
d'agir, en se laissant guider par l'amour authentique de la
vérité. La réciprocité et l'engagement mutuel sont
des éléments essentiels du dialogue et, de même, le
sentiment que les interlocuteurs sont sur un pied
d'égalité.(161) Le dialogue œcuménique permet
aux membres des différentes Eglises et Communautés
ecclésiales d'arriver à se connaître les uns les autres,
d'identifier les sujets de foi et de pratique qu'ils ont en commun et les
points sur lesquels ils diffèrent. Ils essaient de comprendre les
racines de ces différences et d'évaluer dans quelle mesure elles
constituent un réel obstacle à une foi commune. Lorsqu'ils
reconnaissent que les différences constituent une réelle barrière
à la communion, ils essaient de trouver des moyens pour les surmonter
à la lumière de ces points de la foi qu'ils ont
déjà en commun.
173.
L'Eglise catholique peut engager le dialogue au niveau diocésain, au
niveau de la Conférence épiscopale ou des Synodes des
Églises orientales catholiques et au niveau de l'Eglise universelle. Sa
structure, comme communion universelle de foi et de vie sacramentelle, lui
permet de présenter une position cohérente et unie à
chacun de ces niveaux. Lorsqu'il n'y a qu'un seul interlocuteur, Eglise ou
Communauté, le dialogue est appelé bilatéral; lorsqu'ils y
en a plusieurs, il est qualifié de multilatéral.
174.
Au niveau local, il y a des occasions sans nombre d'échanges entre
chrétiens, allant des conversations informelles qui ont lieu dans la vie
quotidienne aux sessions pour examiner ensemble, dans une perspective
chrétienne, des problèmes de la vie locale ou de groupes
professionnels particuliers (médecins, travailleurs sociaux, parents, éducateurs)
et aux groupes d'étude sur des sujets spécifiquement
œcuméniques. Les dialogues peuvent être menés par des
groupes soit de laïcs, soit de membres du clergé, soit de
théologiens professionnels ou par différents agencements de ces
groupes. Qu'ils aient un statut officiel (résultant du fait qu'ils ont
été établis ou autorisés formellement par
l'autorité ecclésiastique) ou non, ces échanges doivent
toujours être empreints d'un très vigoureux sens ecclésial.
Les catholiques qui y participent sentiront la nécessité de bien
connaître leur foi et de l'avoir bien enracinée en leur vie, et
ils auront soin de demeurer en communion de pensée et de vouloir avec
leur Eglise.
175.
Dans certains dialogues, les participants sont mandatés par la
hiérarchie pour y prendre part non à titre personnel mais en tant
que représentants délégués de leur Eglise. De tels
mandats peuvent être donnés par l'Ordinaire du lieu, par le Synode
des Eglises orientales catholiques ou la Conférence épiscopale
pour son territoire, ou par le Saint-Siège. Dans ces cas, les
participants catholiques ont une responsabilité spéciale
vis-à-vis de l'autorité qui les a envoyés. L'approbation
de cette autorité est également nécessaire avant que tout
résultat du dialogue n'engage officiellement l'Eglise.
176.
Les participants catholiques du dialogue suivent les principes, concernant la
doctrine catholique, énoncés par Unitatis Redintegratio:
« La
méthode et la manière d'exprimer la foi catholique ne doivent
nullement faire obstacle au dialogue avec les frères. Il faut absolument
exposer clairement la doctrine intégrale. Rien n'est plus
étranger à l'œcuménisme que ce faux irénisme
qui cause du dommage à la pureté de la doctrine catholique et
obscurcit son sens authentique et incontestable.
En
même temps, il faut expliquer la foi catholique de façon plus
profonde et plus droite, utilisant une manière de parler et un langage
qui soient facilement accessibles même aux frères
séparés.
En
outre, dans le dialogue œcuménique, les théologiens
catholiques, fidèles à la doctrine de l'Eglise, doivent
procéder en conduisant leurs recherches sur les divins mystères,
en union avec les frères séparés, dans l'amour de la
vérité, la charité et l'humilité. En exposant la
doctrine, ils se rappelleront qu'il y a un ordre ou une 'hiérarchie' des
vérités de la doctrine catholique en raison de leur rapport
différent avec le fondement de la foi chrétienne. Ainsi sera
tracée la voie qui les conduira tous, par cette émulation
fraternelle, à une connaissance plus profonde et une manifestation plus
évidente des insondables richesses du Christ ».(162)
La
question de la hiérarchie des vérités est également
traitée dans le document intitulé: Réflexions et
suggestions concernant le dialogue œcuménique:
« Tout
ne se présente pas sur le même plan, tant dans la vie de l'Eglise
que dans son engagement; certes, toutes les vérités
révélées exigent la même adhésion de foi,
mais selon la plus ou moins grande proximité qu'elles ont à
l'égard du fondement du mystère révélé,
elles sont dans des situation diverses les unes vis-à-vis des autres et
en des rapports différents entre elles ».(163)
177.
Le sujet du dialogue peut être un large éventail de questions
doctrinales couvrant un certain laps de temps ou une simple question
limitée à une époque bien déterminée; ce
peut être un problème pastoral ou missionnaire au sujet duquel les
Eglises veulent trouver une position commune afin d'éliminer les
conflits qui s'élèvent entre elles et de promouvoir une aide
mutuelle et un témoignage commun. Pour certaines questions un dialogue
bilatéral peut se révéler plus efficace, pour d'autres un
dialogue multilatéral donne de meilleurs résultats.
L'expérience prouve que, dans la tâche complexe de promouvoir
l'unité des chrétiens, les deux formes de dialogue se
complètent l'une l'autre. Les résultats d'un dialogue
bilatéral devraient être promptement communiqués à
toutes les autres Eglises et Communautés ecclésiales
intéressées.
178.
Une commission ou un comité institué pour engager le dialogue
à la demande de deux ou plusieurs Eglises ou Communautés
ecclésiales peut parvenir à des degrés divers d'accord sur
le thème proposé et peut formuler des conclusions dans une
déclaration. Avant même que cet accord ne soit atteint, une commission
peut parfois juger utile de publier une déclaration ou un rapport
indiquant les convergences atteintes, identifiant les problèmes en
suspens et suggérant la direction qu'un futur dialogue pourrait prendre.
Toutes les déclarations ou les rapports des commissions du dialogue sont
soumises aux Eglises intéressées, pour approbation. Les
déclarations faites par les commissions du dialogue ont une valeur
intrinsèque en raison de la compétence et du statut de leurs
auteurs. Toutefois, elles n'engagent pas l'Eglise catholique aussi longtemps
qu'elles n'ont pas été approuvées par les autorités
ecclésiastiques appropriées.
179.
Lorsque les résultats d'un dialogue sont considérés par
les autorités compétentes comme étant prêts à
être soumis à une évaluation, les membres du Peuple de
Dieu, selon leur rôle et leur charisme, doivent être engagés
dans ce processus critique. Les fidèles en effet sont appelés
à exercer « le sens surnaturel de la foi (sensus fidei) » qui est
celui du peuple entier, lorsque, « des Evêques jusqu'au dernier des
fidèles laïcs », il apporte un consentement universel aux
vérités concernant la foi et les mœurs. Grâce à
ce sens de la foi, éveillé et nourri par l'Esprit de
Vérité et sous la conduite du magistère sacré (magisterium)
qui permet, si on lui obéit fidèlement, de recevoir non plus une parole
humaine mais véritablement la parole de Dieu,(164) le Peuple de
Dieu s'attache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une
fois pour toutes,(165) il y pénètre plus
profondément en l'interprétant comme il faut et la met plus parfaitement
en œuvre dans sa vie.(166)
Tous
les efforts doivent être faits pour trouver la meilleure façon de
porter les résultats du dialogue à l'attention de tous les
membres de l'Eglise. Les nouveaux aperçus sur la foi, les nouveaux
témoignages de sa vérité et les nouvelles formes
d'expression développés dans le dialogue, devraient leur
être expliqués autant que possible, ainsi que l'étendue des
accords qui ont été proposés. Ceci permettrait de bien
juger les réactions de tous, en évaluant leur fidélité
à la Tradition de foi reçue des Apôtres et transmise
à la communauté des croyants sous la conduite de ses
maîtres qualifiés. Il faut espérer que cette façon
de procéder sera adoptée par chaque Eglise ou Communauté
ecclésiale qui est interlocutrice du dialogue et aussi par toutes les
Eglises et Communautés ecclésiales qui entendent l'appel de
l'unité, et que les Eglises collaboreront à cet effort.
180.
La vie de foi et la prière de foi, tout autant que la réflexion
sur la doctrine de foi, entrent dans ce processus de réception par
lequel, sous l'inspiration de l'Esprit Saint « qui dispense des grâces
spéciales parmi les fidèles de tous ordres »(167) et qui
guide plus particulièrement le ministère de ceux qui enseignent,
l'Eglise tout entière fait siens les fruits d'un dialogue, dans un
processus d'écoute, d'expérimentation, de jugement et de vie.
181.
En évaluant et en assimilant de nouvelles formes d'expression de la foi,
qui peuvent apparaître dans des déclarations issues du dialogue
œcuménique, ou bien d'anciennes expressions reprises parce que
préférées à certains termes théologiques
plus récents, les catholiques auront à l'esprit la distinction
faite, dans le Décret sur l'oecuménisme, entre « la
manière dont l'enseignement de l'Eglise a été formulé
» et « le dépôt de la foi elle-même ».(168) Ils
auront soin toutefois d'éviter les expressions ambiguës, notamment
dans la recherche d'un accord sur les points de doctrine tradionnellement
controversés. Ils tiendront également compte de la manière
dont le deuxième Concile du Vatican lui-même a appliqué
cette distinction dans sa formulation de la foi catholique; ils admettront
aussi la « hiérarchie des vérités » dans la doctrine
catholique, dont parle le Décret sur
l'œcuménisme.(169)
182.
Le processus de réception inclut une réflexion théologique
de caractère technique sur la Tradition de foi ainsi que sur la
réalité pastorale et liturgique de l'Eglise d'aujourd'hui.
D'importantes contributions à ce processus proviennent de la
compétence spécifique des facultés de théologie.
Tout le processus est guidé par l'autorité enseignante officielle
de l'Eglise qui a la responsabilité de rendre le jugement final sur les
déclarations œcuméniques. Les nouvelles vues qui sont alors
acceptées entrent dans la vie de l'Eglise et renouvellent, dans un
certain sens, ce qui favorise la réconciliation avec d'autres Eglises et
Communautés ecclésiales.
|