La
collaboration œcuménique dans la vie sociale et culturelle
211.
L'Eglise catholique considère que la collaboration
œcuménique dans la vie sociale et culturelle est un aspect
important du travail visant à l'unité. Le Décret sur
l'œcuménisme estime qu'une telle coopération exprime
nettement le lien qui unit tous les baptisés.(187) C'est
pourquoi il encourage et appuie des formes très concrètes de
collaboration:
«
Cette collaboration, déjà établie en beaucoup de pays,
doit être sans cesse accentuée, là surtout où
l'évolution sociale ou technique est en cours, soit en faisant estimer
à sa valeur la personne humaine, soit en travaillant à promouvoir
la paix, soit en poursuivant l'application sociale de l'Evangile, ou par le
développement des sciences et des arts dans une atmosphère
chrétienne, ou encore par l'apport de remèdes de toutes sortes
contre les misères de notre temps, telles que la faim et les
calamités, l'ignorance et la pauvreté, la crise du logement et
l'inégale distribution des richesses ».(188)
212.
Le principe général est que la collaboration
œcuménique dans la vie sociale et culturelle doit être
réalisée dans le contexte global de la recherche de
l'unité des chrétiens. Lorsqu'elle n'est pas jointe à
d'autres formes d'œcuménisme, spécialement à la
prière et au partage spirituel, elle peut facilement se confondre avec
des intérêts idéologiques ou purement politiques et devenir
ainsi un obstacle au progrès vers l'unité. Comme toutes les
autres formes d'œcuménisme, elle doit être supervisée
par l'Evêque du lieu, ou par le Synode des Eglises orientales catholiques
ou par la Conférence épiscopale.
213.
Par cette collaboration, tous ceux qui croient au Christ peuvent facilement
apprendre à mieux se connaître les uns les autres, à
s'estimer davantage et à préparer la voie de l'unité des
chrétiens.(189) En de nombreuses occasions, le Pape Jean-Paul II
a affirmé l'engagement de l'Eglise catholique dans la collaboration
œcuménique.(190) La même affirmation était
exprimée dans la déclaration commune du Cardinal Johannes
Willebrands et du Dr Philip Potter, Secrétaire général du
Conseil œcuménique des Eglises, à l'occasion de la visite du
Saint-Père au siège central du Conseil œcuménique,
à Genève, en 1984.(191) C'est dans cette perspective que
le Directoire œcuménique présente quelques exemples de
collaboration, à différents niveaux, mais sans prétendre
aucunement être exhaustif.(192)
a) La
collaboration dans l'étude commune des questions sociales et
éthiques
214.
Les Conférences épiscopales régionales ou nationales, en
collaboration avec d'autres Eglises et Communautés ecclésiales et
aussi avec des Conseils d'Eglises, pourraient constituer des groupes
destinés à donner une commune expression aux valeurs
chrétiennes et humaines fondamentales. Cette sorte de discernement fait
en commun aiderait à fournir un important point de départ pour
aborder œcuméniquement des questions de nature sociale et
éthique; cela développerait la dimension morale et sociale de la
communion partielle dont les chrétiens de différentes Eglises et
Communautés ecclésiales bénéficient
déjà.
Le but
d'une étude commune de cette sorte est de promouvoir une culture
chrétienne, une « civilisation de l'amour » — l'humanisme chrétien
dont les Papes Paul VI et Jean-Paul II ont souvent parlé. Pour
édifier cette culture nous devons établir clairement quelles sont
les valeurs qui la constituent et quelles sont celles qui la menacent. Par
conséquent, il est clair que cette étude comportera, par exemple,
une reconnaissance de la valeur de la vie, de la signification du travail
humain, des questions de justice et de paix, de liberté religieuse, des
droits de l'homme et des droits à la terre. Elle devra aussi mettre
l'accent sur les facteurs qui, dans la société, menacent des
valeurs fondamentales comme la pauvreté, le racisme, la consommation
à outrance, le terrorisme, et aussi tout ce qui menace la vie humaine
à quelque étape que ce soit de son développement. La
longue tradition de l'enseignement social de l'Eglise catholique pourra
abondamment fournir directives et inspirations pour ce genre de collaboration.
b) La
collaboration dans le domaine du développement, des besoins humains et
de la sauvegarde de la création
215.
Il y a un lien intrinsèque entre le développement, les besoins
humains et la sauvegarde de la création. L'expérience nous a
appris que le développement répondant aux besoins humains ne peut
mésuser ou abuser des ressources naturelles sans graves
conséquences.
La
responsabilité du soin de la création, laquelle a en
elle-même sa dignité particulière, a été
donnée par le Créateur lui-même à tous les peuples
en tant que gardiens de la création.(193) A des niveaux
variés, on encourage les catholiques à participer à des initiatives
communes destinées à l'étude et à l'action
concernant des problèmes qui menacent la dignité de la
création et mettent en danger la race humaine tout entière.
D'autres sujets pour une telle étude et une telle action pourraient
inclure, par exemple, certaines formes d'industrialisation rapide et de
technologie non contrôlées, qui causent la pollution de
l'environnement naturel et ont des conséquences graves pour
l'équilibre écologique comme la destruction des forêts, les
essais nucléaires et l'usage irrationnel ou le mauvais usage des
ressources naturelles, renouvelables ou non renouvelables. Un aspect important
de l'action commune en ce domaine consiste à apprendre aux hommes
à utiliser ces ressources tout autant qu'à en planifier
l'utilisation et à sauvegarder la création.
Le
domaine du développement, qui est principalement une réponse aux
besoins humains, offre une variété de possibilités pour la
collaboration entre l'Eglise catholique et les Eglises et Communautés
ecclésiales aux niveaux régional, national et local. Une telle
collaboration comprendrait, entre autres, l'action pour une
société plus juste, pour la paix, pour la promotion des droits et
de la dignité de la femme et pour une distribution plus équitable
des ressources. En ce sens, il serait possible d'assurer un service commun des
pauvres, des malades, des handicapés, des personne âgées et
de tous ceux qui souffrent à cause des injustes « structures de
péché ».(194) La collaboration en ce domaine est
particulièrement recommandée là où existe une forte
concentration de la population avec des conséquences graves sur
l'habitat, la nourriture, l'eau, le vêtement, l'hygiène et les
soins médicaux. Un aspect important de la collaboration en ce domaine
serait de s'occuper du problème des migrants, des réfugiés
et des victimes de catastrophes naturelles. Dans des cas d'urgence à
l'échelle mondiale, l'Eglise catholique recommande la mise en commun des
ressources et des services avec des organismes internationaux d'Eglises, pour
des raisons d'efficacité et de coût. Elle conseille
également la collaboration œcuménique avec des organisations
internationales qui sont spécialisées en ce domaine.
c) La
collaboration dans le domaine de la médecine
216.
Le domaine tout entier de la santé constitue un domaine très
important pour la collaboration œcuménique. En quelques pays, la
collaboration œcuménique des Eglises dans des programmes de soins
sanitaires est vital pour que des soins adéquats soient assurés.
De plus en plus, cependant, la collaboration en ce domaine, qu'elle soit au
niveau de la recherche ou à celui des soins eux-mêmes,
soulève des problèmes d'éthique médicale qui sont
à la fois un défi et une occasion pour la collaboration œcuménique.
Le devoir mentionné précédemment d'établir les
valeurs fondamentales qui sont des parties intégrantes de la vie
chrétienne, est spécialement urgent étant donné le
développement rapide de domaines tels que la génétique.
Dans ce contexte, les indications du document de 1975 sur la « collaboration
œcuménique » sont particulièrement pertinentes: « Tout
spécialement quand les lois morales sont en cause, la position
doctrinale de l'Eglise catholique doit être explicitement
présentée et les difficultés qui peuvent en résulter
pour la collaboration œcuménique doivent être prises en
considération en toute honnêteté et loyauté à
l'égard de l'enseignement catholique ».(195)
d) La
collaboration dans les médias
217.
Dans ce domaine, il est possible de collaborer dans la compréhension de
la nature des médias modernes et particulièrement du défi
qu'ils lancent aux chrétiens d'aujourd'hui. La collaboration pourrait
porter sur les moyens de faire passer les principes chrétiens dans les
médias, sur l'étude des problèmes qui existent en ce
domaine et aussi sur l'éducation des gens pour un usage critique des
médias. Les groupes interconfessionnels peuvent être
spécialement efficaces en tant que comités consultatifs pour les
médias publics, notamment lorsqu'il s'agit de sujets religieux. Ils
peuvent être particulièrement utiles dans les pays où la
majorité des spectateurs, auditeurs ou lecteurs appartient à une
seule Eglise ou Communauté ecclésiale. « Les occasions pour une
telle collaboration sont presque sans limites. Quelques-unes sont évidentes:
programmes communs de radio et de télévision; projets et services
éducatifs, spécialement pour les parents et les jeunes;
réunions et discussions entre professionnels qui peuvent se situer au
niveau international; collaboration dans la recherche dans les médias,
spécialement pour la formation professionnelle et l'éducation
».(196) Là où les structures inter- confessionnelles
existent déjà, avec pleine participation catholique, il faudrait
les renforcer particulièrement pour l'usage de la radio, de la
télévision, pour le travail de publication et de l'audio-visuel.
Il faudrait aussi que chaque organisme participant ait la possibilité de
parler de sa propre doctrine et de sa vie concrète.(197)
218.
Parfois il pourrait être important de travailler en collaboration mutuelle,
soit par la participation d'agents catholiques de la communication à des
initiatives d'autres Eglises et Communautés ecclésiales soit par
la participation inverse. La collaboration œcuménique pourrait
comprendre des échanges entre les Organisations catholiques
internationales et les organisations de la communication d'autres Eglises et
communautés ecclésiales (comme, par exemple, pour la
célébration de la Journée mondiale de la communication
sociale). L'usage commun de satellites et de réseaux
télévisés par câbles pourrait aussi fournir un
exemple de collaboration œcuménique.(198) Il est clair que
ce genre de collaboration devrait se réa- liser au niveau
régional en relation avec les commissions œcuméniques et au
niveau international avec le Conseil pontifical pour la promotion de
l'unité des chrétiens. La formation d'agents catholiques de la
communication doit comporter une sérieuse préparation
œcuménique.
Cité
du Vatican, 1993
Cardinal Edward Idris Cassidy
Président
+ Pierre Duprey
Evêque tit. de Thibar
Secrétaire
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