B.
FORMATION DE CEUX QUI TRAVAILLENT DANS LE MINISTÈRE PASTORAL
1.
Ministres ordonnés
70.
Parmi les devoirs principaux de tout futur ministre ordonné il y a celui
de se former une personnalité qui, dans la mesure du possible, puisse
servir à sa mission d'aider les autres à rencontrer le Christ.
Dans cette perspective, le candidat au ministère doit pleinement
cultiver les qualités humaines qui rendent une personne acceptable et
crédible par les autres, surveillant son propre langage et ses propres
capacités de dialogue, pour acquérir une attitude authentiquement
œcuménique. Ce qui est essentiel pour qui a une fonction de
maître et de pasteur dans une Eglise particulière, comme
l'Evêque, ou bien qui peut avoir charge d'âmes en qualité de
prêtre, n'est pas de moindre importance pour le diacre, et de
façon particulière pour les diacres permanents, appelés
à servir la communauté des fidèles.
71.
Lorsqu'il prend des initiatives et organise des rencontres,il est
nécessaire que le ministre agisse avec lucidité et dans la
fidélité à l'Eglise, en respectant les diverses
compétences et en suivant les dispositions que les pasteurs de l'Eglise,
en vertu de leur mandat, établissent pour le mouvement
œcuménique de l'Eglise universelle et pour chaque Eglise
particulière, afin de collaborer à la construction de
l'unité des chrétiens sans préjugés et sans
initiatives maladroites.
a) La
formation doctrinale
72.
Les Conférences épiscopales s'assureront que les plans
d'études donnent la dimension œcuménique de chaque
matière et prévoient une étude spécifique de
l'œcuménisme. Elles vérifieront que ces plans d'étude
sont conformes aux indications de ce Directoire.
a–1)
La dimension œcuménique des diverses matières
73.
L'action œcuménique « ne peut être que pleinement et
sincèrement catholique, c'est-à dire fidèle à la
vérité reçue des Apôtres et des Pères, et
conforme à la foi que l'Eglise catholique a toujours professée
».(87)
74.
Les étudiants doivent apprendre à distinguer entre les
vérités révélées, lesquelles exigent toutes
le même assentiment de foi, la façon de les énoncer et les
doctrines théologiques.(88) En ce qui concerne la formulation
des vérités révélées, on tiendra compte de
ce que dit, entre autres, la déclaration de la Congrégation pour
la doctrine de la foi Mysterium Ecclesiae, 5: « Les
vérités que l'Eglise entend réellement enseigner par ses
formules dogmatiques sont sans doute distinctes des conceptions changeantes
propres à une époque déterminée; mais il n'est pas
exclu qu'elles soient éventuellement formulées, même par le
Magistère, en des termes qui portent des traces de telles conceptions.
Compte tenu de ces considérations, on doit dire que les formules
dogmatiques du Magistère ont été aptes dès le
début à communiquer la vérité
révélée et que, demeurant inchangées, elles la
communiqueront toujours à ceux qui les interpréteront bien
».(89) Que les étudiants apprennent donc à faire la
distinction entre « le dépôt lui-même de la foi, ou les
vérités contenues dans notre vénérable doctrine
»,(90) et la façon dont ces vérités sont
formulées; entre les vérités à énoncer et
les façons variées de les percevoir et de les mettre en
lumière; entre la Tradition apostolique et les traditions strictement
ecclésiastiques; et en même temps qu'ils apprennent à
reconnaître et respecter la valeur permanente des formules dogmatiques.
Dès le temps de leur formation philosophique, les étudiants
doivent être préparés à relever la légitime
diversité en théologie qui provient des différentes
méthodes et les divers langages que les théologiens utilisent
pour pénétrer les mystères divins. En effet il pourra apparaître
que les différentes formulations théologiques soient
complémentaires plutôt que contradictoires.
75. Il
faut, en outre, que soit toujours respectée la « hiérarchie des
vérités » de la doctrine catholique, lesquelles
vérités, bien qu'elles exigent toutes l'assentiment de foi qui
leur est dû, n'ont pas pour autant toutes la même place centrale
dans le mystère révélé en Jésus-Christ,
parce qu'elles sont différemment liées à ce qui est le
fondement de la foi chrétienne.(91)
a–2)
Dimension œcuménique des disciplines théologiques en
général
76.
L'ouverture œcuménique est une dimension constitutive de la forma-
tion des futurs prêtres et diacres: « La théologie et les autres
disciplines, surtout l'histoire, doivent être enseignées aussi
dans un sens œcuménique pour mieux répondre à la
réalité ».(92) La dimension œcuménique de la
formation théologique ne doit pas être limitée aux
différentes catégories d'enseignement. Puisque nous parlons
d'enseignement interdisciplinaire — et non pas seulement « pluridisciplinaire »
— il devra impliquer la coopération entre les professeurs
concernés et une coordination réciproque. Pour toutes les
matières, même fondamentales, on pourra opportunément
souligner les aspects suivants:
a) les
éléments du patrimoine chrétien au plan de la
vérité et de la sainteté qui sont communs à toutes
les Eglises et Communautés ecclésiales, même si parfois ils
sont énoncés suivant une formulation théologique
différente;
b) les
richesses de liturgie, de spiritualité et de doctrine qui sont propres
à chaque communion, mais qui peuvent aider les chrétiens à
obtenir une connaissance plus profonde de la nature de l'Eglise;
c) les
points qui, en matière de foi et de morale, sont des causes de
désaccord, mais qui peuvent encourager à faire des recherches
plus profondes de la Parole de Dieu et mener à distinguer entre les
contradictions réelles et les contradictions apparentes.
a–3)
Dimension œcuménique des disciplines théologiques en
particulier
77. En
chaque discipline théologique, l'approche œcuménique doit
nous amener à considérer le lien existant entre la matière
particulière et le mystère de l'unité de l'Eglise. De
plus, l'enseignant doit inculquer à ses élèves la
fidélité à toute la Tradition authentiquement
chrétienne en matière de théologie, de spiritualité
et de discipline ecclésiastique. Quand les étudiants compareront
leur propre patrimoine avec les richesses des traditions chrétiennes
d'Orient et d'Occident, selon leur expression ancienne ou moderne, ils auront
une conscience plus vive de cette plénitude.(93)
78.
Cette étude comparative est importante en toutes les matières:
pour l'étude de l'Ecriture, source commune de la foi de tous les
chrétiens; pour l'étude de la Tradition apostolique que l'on
trouve chez les Pères de l'Eglise et les autres écrivains
ecclésiastiques d'Orient et d'Occident; pour la liturgie, où les
diverses formes du culte divin et leur importance doctrinale et spirituelle
sont scientifiquement comparées; pour la théologie dogmatique et
morale, spécialement en ce qui concerne les problèmes issus du
dialogue œcuménique; pour l'histoire de l'Eglise, où l'on
devrait mener une enquête soigneuse sur l'unité de l'Eglise et sur
les causes de séparation; pour le droit canonique, où l'on doit
bien distinguer entre les éléments de droit divin et ceux qui
sont de droit ecclésiastique et qui peuvent être soumis à
des changements selon le temps, les formes de culture, ou les traditions
locales; et, finalement, pour la formation pastorale et missionnaire comme pour
les études sociologiques, où il faut être attentif à
la situation commune à tous les chrétiens affrontés au
monde moderne. Ainsi la plénitude de la révélation divine
sera exprimée de meilleure façon et de manière plus
complète et nous accomplirons mieux la mission que le Christ a
confiée à son Eglise pour le monde.
a–4)
Cours spécial d'œcuménisme
79.
Même si la dimension œcuménique doit pénétrer
toute la formation théologique, il est d'une importance
particulière qu'un cours d'œcuménisme soit donné dans
le cadre du premier cycle, au moment le mieux indiqué. Ce cours devrait
même être rendu obligatoire. En termes généraux et
adaptables, ce cours peut avoir le contenu suivant:
a) les
notions de catholicité, d'unité organique et visible de l'Eglise,
d'« oikoumenè », d'œcuménisme, suivant leur origine
historique et leur signification actuelle du point de vue catholique;
b) les
fondements doctrinaux de l'activité œcuménique, en accordant
une attention particulière aux liens de communion actuellement existants
entre les Eglises et les Communautés ecclésiales; (94)
c)
l'histoire de l'œcuménisme qui comprend celle des divisions et des
nombreuses tentatives, entreprises durant des siècles, pour
rétablir l'unité, et de leurs réussites et leurs
échecs; également, l'état actuel de la recherche de
l'unité;
d) le
but et la méthode de l'œcuménisme, des diverses formes
d'union et de collaboration, l'espérance de rétablir
l'unité, les conditions de l'unité, le concept de pleine et
parfaite unité;
e) l'aspect
« institutionnel » et la vie actuelle des différentes communautés
chrétiennes; tendances doctrinales, causes réelles des
séparations, efforts missionnaires, spiritualité, formes de culte
divin, besoin d'une meilleure connaissance de la théologie et de la
spiritualité orientales; (95)
f)
quelques problèmes plus spécifiques, tels que: participation
commune au culte, le prosélytisme et l'irénisme, la
liberté religieuse, les mariages mixtes, la place des laïcs, et
notamment des femmes, dans l'Eglise;
g)
l'œcuménisme spirituel, en particulier la signification de la
prière pour l'unité et des autres formes d'approche de
l'unité pour laquelle le Christ a prié.
80.
Pour l'organisation du plan d'études, voici ce qui est
suggéré:
a) Il
serait bon qu'une introduction générale à
l'œcuménisme soit donnée assez tôt de telle
façon que les étudiants puissent être sensibilisés,
dès le tout début des études théologiques, à
la dimension œcuménique de leurs études.(96) Cette
introduction traiterait des éléments de base de
l'œcuménisme.
b) La
part spéciale de l'enseignement sur l'œcuménisme trouverait
sa place normale à la fin du premier cycle d'études
théologiques, ou alors vers la fin des études dans les
séminaires, de sorte que les étudiants, acquérant une
large connaissance de l'œcuménisme, puissent en opérer une
synthèse avec leur formation théologique.
c) Il
faut choisir avec soin les textes d'études et les manuels; ils doivent
exposer avec fidélité l'enseignement des autres chrétiens
en histoire, en théologie et en spiritualité de façon
à permettre une confrontation honnête et objective, et aussi
à stimuler un approfondissement ultérieur de la doctrine
catholique.
81. Il
peut être utile d'inviter des conférenciers et des experts des
autres traditions dans le contexte des règlementations de la
collaboration entre les institutions catholiques et les centres
dépendant des autres chrétiens.(97) Si des
problèmes particuliers surgissent dans un séminaire ou dans un
institut particulier, il appartient à l'Évêque du
diocèse de décider, conformément aux directives
établies par la Conférence épiscopale, des initiatives
à prendre, sous la responsabilité des autorités académiques,
et après avoir vérifié les qualités morales et
professionnelles requises pour les conférenciers des autres Eglises et
Communautés ecclésiales. Dans ces échanges culturels, il
faut que soit toujours assurée la permanence du caractère
catholique de cet institut ainsi que son droit et son devoir de former ses
propres candidats et d'enseigner la doctrine catholique selon les normes de
l'Eglise.
b)
Expérience œcuménique
82. En
période de formation, pour que l'approche de l'œcuménisme ne
soit pas coupée de la vie, mais enracinée dans
l'expérience vivante des communautés, il est utile d'organiser
des rencontres et des discussions avec d'autres chrétiens, tout en
observant les normes de l'Eglise catholique, tant au niveau universel qu'au
niveau particulier, et tout en invitant des représentants des autres
communautés possédant la préparation professionnelle,
religieuse et l'esprit œcuménique nécessaires à un
dialogue sincère et constructif. On pourrait même envisager des
rencontres avec des étudiants d'autres Eglises et Communautés
ecclésiales.(98) Mais les instituts de formation diffèrent
tellement qu'il n'est pas possible de fixer des règles uniformes. En
effet, la réalité comporte des nuances différentes selon
la diversité des pays ou des régions et la diversité des
rapports entre l'Eglise catholique et les autres Eglises et Communautés
ecclésiales aux plans de l'ecclésiologie, de la collaboration et
du dialogue. Ici aussi l'exigence de la progressivité et de l'adaptation
est très importante et indispensable. Les supérieurs doivent
recourir aux principes généraux et les adapter aux circonstances
et aux occasions particulières.
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