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Conseil Pontifical «Cor Unum»
Faim dans le monde

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La justice sociale et la destination universelle des biens

24. Au cœur de la justice sociale, se situe le principe de la destination universelle et commune des biens de la terre. Le Pape Jean-Paul II l'a exprimé ainsi: « Dieu a donné la terre à tout le genre humain pour qu'elle fasse vivre tous ses membres, sans exclure ni privilégier personne »(36). Cette affirmation constante dans la tradition chrétienne, n'est pas assez répétée, bien qu'elle concerne à l'évidence l'humanité entière, au-delà de l'appartenance confessionnelle. L'axiome constitue en lui-même un fondement nécessaire à l'édification d'une société de justice, de paix et de solidarité. En effet, génération après génération, nous devons nous considérer comme les gestionnaires transitoires des ressources de la terre et du système de production. Face aux finalités de la création, le droit de propriété n'est pas un absolu; il est une des expressions de la dignité de chacun, mais il n'est juste qu'ordonné au bien commun et s'il concourt à la promotion de tous. Il est d'ailleurs exercé et reconnu de manière variable dans les différentes cultures.

Le coûteux détournement du bien commun: les « structures de péché »

25. L'ignorance du bien commun va de pair avec la poursuite exclusive et parfois exacerbée des biens particuliers tels que l'argent, le pouvoir, la réputation, considérés comme des absolus et recherchés pour eux-mêmes: c'est-à-dire des idoles. C'est ainsi que naissent les « structures de péché »(37), ensemble de lieux et de circonstances où les habitudes sont perverses et qui font en sorte que tout nouvel arrivant, pour ne pas les prendre, doit faire preuve d'héroïsme.

Les « structures de péché » sont nombreuses: elles sont plus ou moins vastes, certaines à niveau mondial — comme par exemple les mécanismes et les comportements qui engendrent la faim — d'autres à échelle beaucoup plus restreinte, mais provoquant des dissymétries qui rendent la pratique du bien plus difficile aux personnes affectées. Ces « structures » engendrent toujours des coûts élevés en termes humains: ce sont des lieux de destruction du bien commun.

Il est moins courant de constater combien elles sont dégradantes et coûteuses au plan économique. On peut en donner des exemples frappants(38). Les freins au développement ne sont pas seulement l'ignorance et l'incompétence: ce sont aussi et à une grande échelle les nombreuses « structures de péché ». Elles agissent comme un détournement contagieux de la finalité des biens de la terre, qui sont en vérité destinés à tous, vers de fins particulières et stérilisantes.

Il est clair en effet que l'homme ne peut pas soumettre la terre et la dominer efficacement, tout en adorant les faux dieux que sont l'argent, le pouvoir et la réputation considérés comme des biens en soi et non comme des moyens de servir chaque homme et tous les hommes. La cupidité, l'orgueil et la vanité aveuglent celui qui y succombe: il finit par ne plus même voir combien ses perceptions sont limitées et ses actions autodestructrices.

La destination universelle des biens implique que l'argent, le pouvoir et la réputation, soient recherchés comme de moyens pour:

a) construire des moyens de production de biens et de services qui puissent avoir une réelle utilité sociale et promouvoir le bien commun;

b) partager avec les plus défavorisés, qui incarnent aux yeux de tous les hommes de bonne volonté le besoin de bien commun: ils sont en effet les témoins vivants de la carence de ce bien. Mieux encore pour les chrétiens, ils sont les enfants chéris de Dieu, qui par eux et en eux vient nous visiter.

L'absolutisation de ces richesses prive celles-ci de tout ou partie de leur utilité pour le bien commun. Si le fonctionnement économique mondial est globalement médiocre — par rapport notamment aux performances de pointe que réalisent certains pays sur des durées assez longues — et si coûteux en termes humains (là où il fonctionne et là où il ne fonctionne pas), c'est qu'il est profondément affecté par le coût des mauvaises habitudes, véritable carcan moral pesant sur les personnes.

Inversement, dès que des groupes d'hommes parviennent à travailler ensemble de manière à prendre en compte le service de l'ensemble de la collectivité et de chaque personne, des développements remarquables se manifestent: des personnes jusqu'ici peu utiles se mettent à briller par la qualité de leurs services, un effet positif modifie progressivement les conditions matérielles, psychologiques et morales de la vie. Il s'agit en réalité de « l'avers » des « structures de péché »: on pourrait les appeler « structures du bien commun » qui préparent la « civilisation de l'amour »(39). L'expérience faite dans ces situations nous donne une petite idée de ce que pourrait être un monde où les hommes s'attacheraient plus fréquemment dans toutes leurs activités et dans l'exercice de toutes leurs responsabilités, à leurs intérêts communs et au sort de chacun d'entre eux.




36) Jean-Paul II, Lettre Encyclique Centesimus annus (1991), n. 31: AAS 83 (1991), p. 831.



37) Cf. Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Reconciliatio et pænitentia (1984), n. 16: AAS 77 (1985), pp. 213-217 (en termes de péché social produisant des maux sociaux), Lettre Encyclique Sollicitudo rei socialis (1987), nn. 36-37: l.c., pp. 561-564 et Lettre Encyclique Centesimus annus (1991), n. 38: l.c., p. 841. Ces documents utilisent aussi des expressions telles que « situations de péché » ou bien « péchés sociaux » faisant toujours remonter la cause de ces péchés à l'égoïsme, à la recherche du profit et au désir du pouvoir.



38) La production de l'arme chimique, sans « retombées » positives, et qui ne sert qu'à attaquer ou à se défendre, en est un témoignage. À titre d'exemple, les 500.000 tonnes de produits mortels, susceptibles de détruire 60 milliards d'hommes, qui sont stockés en ex-Union Soviétique, ont coûté environ US$$ 200 milliards à produire, et coûteront autant à détruire. Il s'agit de ressources réelles, et donc d'une perte sèche pour la planète. Cette aventure perverse se traduit par une baisse de niveau de vie des hommes (principalement, mais pas seulement en ex-URSS) allant jusqu'à l'apparition de la faim dans des familles qui autrement ne l'auraient pas connue.



39) Cf. Paul VI, Homélie de Noël 1975 à l'occasion de la fin de l'Année Sainte: AAS 68 (1976), p. 145. Ce concept a été utilisé pour la première fois par le Pape Paul VI.






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