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Quintus Septimius Florens Tertullianus
De la pudicité

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VII. -- PARABOLES DE LA DRACHME ET DE LA BREBIS

[1] Commençons, si tu veux, par les paraboles. Il y est question d'une brebis perdue que le Seigneur cherche et qu'il rapporte sur ses épaules. Mettez en ligne les peintures même de vos calices, si elles doivent jeter quelque lumière sur la véritable manière d'interpréter cette brebis : figure-t-elle le rétablissement du chrétien ou celui du païen pécheur? [2] Nous élevons ici une exception préalable tirée des règles naturelles, de la loi de l'oreille et de la langue, et du simple bon sens : toute réponse s'adapte à la question faite et au cas particulier qui la provoque. Cette occasion fut créée, n'est-il pas vrai, par certains murmures indignés des Pharisiens à propos de l'accueil que faisait le Seigneur aux publicains et aux païens pécheurs, et de ce fait qu'il partageait leurs repas. [3] Là-dessus le Seigneur donna l'image de la brebis perdue et retrouvée. Dès lors, à qui voulez-vous que le Seigneur ait appliqué ce retour au troupeau de la brebis perdue, sinon au païen perdu dont il s'agissait, et non au chrétien qui n'existait pas encore ? Ou comment admettre que le Seigneur, en une réponse qui eût été une mystification, ait oublié l'aspect présent de la critique qu'il devait rétorquer, pour se mettre en peine d'un aspect à venir ?

[4] Mais la brebis, dit-on, c'est proprement le chrétien ; le troupeau du maître, c'est lepeuple de l'Église, et le bon pasteur, c'est le Christ. C'est pourquoi il faut entendre par la brebis le chrétien qui s'est égaré loin du troupeau de l'Église.

[5] Tu veux donc que le Seigneur ait répondu, non pas aux murmures des Pharisiens, mais à ton idée préconçue ? Cependant il te faudra revendiquer cette parabole de telle manière que tu nies que les traits qui, selon toi, conviennent au chrétien puissent s'appliquer au païen. [6] Or réponds-moi : est-ce que le genre humain tout entier n'est pas le troupeau de Dieu? Toutes les nations n'ont-elles pas le même Dieu, le même maître, le même pasteur ? Qui est perdu pour Dieu plus que le païen, tant qu'il persévère dans l'erreur? Qui Dieu cherche-t-il plus que le païen, quand le Christ l'appelle à lui ? [7] Enfin cet ordre a priorité chez les païens : car on ne devient pas chrétien, de païen qu'on était, sans avoir été d'abord perdu, puis cherché par Dieu et rapporté par le Christ. Il faut donc conserver cet ordre pour interpréter la figure par rapport à ceux à qui elle s'applique en premier lieu.  

[8] Mais toi, tu voudrais, je crois, que le Christ ait mis en scèrte une brebis égarée, non pas loin du troupeau, mais loin de l'arche ou de la bergerie ? Bien qu'il qualifie les autres de « justes «, il ne les désigne pas pour cela comme chrétiens. C'est avec les Juifs qu'il a affaire et c'est eux qu'il veut surtout frapper parce qu'ils s'indignaient de l'espoir des païens ; pour exprimer à l'encontre des jalousies pharisiennes sa grâce et sa bienveillance, fût-ce à l'égard d'un seul païen, il a préféré le salut d'un seul pécheur par l'effet de la pénitence, à leur salut à eux par l'effet des œuvres de la justice. [9] Pourquoi ces « justes » ne seraient-ils pas les Juifs, lesquels croyaient que la pénitence leur était chose superflue, puisqu'ils avaient en main comme gouvernail la discipline, et comme instrument de crainte la loi et les prophètes? Il les a donc représentés dans sa parabole, sinon tels qu'ils étaient, du moins tels qu'ils auraient être, pour les faire rougir davantage en l'entendant dire que la pénitence était nécessaire aux autres et non pas à eux.

[10] Quant à la parabole de la drachme qui est née des mêmes circonstances, nous l'appliquons également au païen, bien que la pièce soit perdue dans une maison dont on croirait volontiers que c'est l'Église, bien qu'on la trouve à la lumière d'une lampe qu'on serait tenté de prendre pour le verbe de Dieu. [11] Mais l'univers n'est-il pas dans son ensemble la maison de tous, où la grâce de Dieu brille davantage encore pour le païen, qui est trouvé dans les ténèbres, que pour le chrétien, qui vit déjà à la lumière de Dieu? [12] Enfin la brebis et la drachme ne s'égarent qu'une seule fois. Si elles figuraient le chrétien pécheur après la perte de sa foi, il serait signalé qu'elles ont été deux fois perdues et retrouvées.

[13] Je m'écarte maintenant un peu de ma position, mais pour la fortifier davantage dans le moment même où je m'en écarte, puisque ce sera un moyen de rabattre la présomption de mes adversaires. — J'admets que dans l'une et l'autre parabole ce soit un chrétien déjà pécheur qui soit figuré : il ne s'ensuit pas qu'on puisse soutenir qu'il lui est loisible de se racheter par la pénitence du crime d'adultère et de fornication. [14] Il est dit qu'il est perdu, oui, mais encore faut-il bien voir de quel genre de perte. La brebis s'est perdue : cela veut dire non qu'elle est morte, mais qu'elle s'est égarée. La drachme s'est perdue : non qu'elle ait été anéantie, mais s'est cachée quelque part. Ainsi, d'une chose saine et sauve, on peut dire qu'elle est perdue. [15] Il est donc perdu le fidèle qui se laisse aller à assister au spectacle où s'étalent la folie des quadriges, le sang des gladiateurs, les turpitudes de la scène, la sottise des athlètes ; ou qui a prêté le concours de son métier aux jeux, aux festins d'une solennité mondaine, aux fonctions officielles, au culte d'une idole étrangère ; ou qui enfin, par légèreté, a proféré quelque parole de reniement équivoque oude blasphème [cf. Introduction]. [16] Pourtelle de ces fautes, il a été rejeté du troupeau ; ou peut-être par colère, par emportement, par jalousie ou, enfin, comme il arrive souvent, par révolte contre le châtiment, a-t-il rompu de lui-même ; il faut le chercher et le rappeler. Ce qui peut être recouvré n'a point péri, à moins qu'il ne persiste à demeurer dehors.  

[17] Tu interprètes heureusement la parabole en rappelant un pécheur qui vit encore. Mais l'adultère, le fornicateur, qui ne le tient pour mort aussitôt que perdu ? De quel front feras-tu rentrer un mort dans le troupeau, sur l'autorité de cette parabole qui n'y ramène point une brebis morte ? [18] Enfin, si tu te souviens des prophètes, quand ils gourmandent les pasteurs, n'est-ce pas Ézéchiel qui a dit ceci : « Pasteurs, voilà que vous dévorez le lait et que vous vous couvrez de la laine de vos brebis ; celles qui dans votre troupeau étaient vigoureuses, vous les avez tuées ; celles qui sont malades vous ne les avez pas soignées ; celles qui sont meurtries, vous ne les avez point pansées ; celles qui se sont égarées, vous ne les avez point ramenées ; celles qui se sont perdues, vous ne les avez point cherchées ! » [19] Leur fait-il donc des reproches pour une brebis morte qu'ils n'auraient pas pris souci de replacer dans le troupeau ? Non, il les accable de reproches pour avoir fait périr leurs brebis, pour les avoir laissé manger parles bêtes de la plaine. Or elles ne peuvent échapper à la mort ni à la dent des bêtes, si elles sont abandonnées. Mais il ne demande pas, qu'une fois perdues, mortes et mangées, elles soient réintégrées.

[20] Il en va pareillement de l'exemple de la drachme : même dans la maison de Dieu, dans l'Église, je veux bien qu'il se rencontre quelques péchés légers, en rapport avec le module et le poids de la drachme, qui s'y cachent, puis y soient découverts, et auxquels mette fin l'allégresse de la purification. [21] Mais pour l'adultère et la fornication, ce n'est pas la drachme, c'est le talent qui en donnerait la mesure ; pour les rechercher, ce n'est pas de la faible lueur d'une lampe qu'il serait besoin, mais de tous les rayons du soleil. [22] Les a-t-on aperçus, aussitôt le coupable est chassé de l'Église sans plus tarder ; ce n'est pas de la joie qu'il procure à l'Eglise qui le trouve, c'est de l'affliction ; loin de provoquer les félicitations des voisins, il centriste les communautés voisines.

[23] Il résulte de cette confrontation de notre exégèse avec la leur, que les paraboles de la brebis et de la drachme s'appliqueront d'autant mieux au païen qu'elles ne peuvent s'appli'quer au chrétien coupable de ces fautes. Aussi nos adversaires leur font-ils violence pour les adapter au chrétien.




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