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Quintus Septimius Florens Tertullianus De la pudicité IntraText CT - Lecture du Texte |
XIII. -- PAUL ET L'INCESTUEUX DE CORINTHE
[1] Ici encore nous connaissons leurs conjectures. Ils supposent que l'apôtre Paul, dans la seconde épître aux Corinthiens, accorda son pardon au même fornicateur que, dans la première épître, il avait livré à Satan pour la destruction de sa chair, comme s'étant fait l'impie héritier du mariage de son père ; et ils prétendent que Paul changea après coup de langage en écrivant : [2] « Si l'un de vous m'a centriste, ce n'est pas moi qu'il a contristé, mais en une certaine mesure (pour ne pas vous accabler) vous tous. Il suffit de la correction qu'il a reçue du grand nombre. De sorte que vous devez, au contraire, user avec lui d'indulgence et le consoler de peur qu'en pareille situation il ne soit accablé d'une trop grande tristesse, c'est pourquoi je vous conjure de faire preuve de charité envers lui. [3] Je vous écris aussi afin de connaître à l'épreuve si vous m'obéissez en toutes choses. Ce que vous lui avez pardonné, je le lui ai aussi pardonné ; car si j'ai moi-même usé d'indulgence, j'en ai usé à cause de vous dans la personne du Christ, afin que nous ne soyons pas frustrés par Satan ; car nous n'ignorons pas ses desseins ».
[4] Où est-il question ici d'un fornicateur ? où est-il question d'un profanateur du lit paternel ? où voit-on qu'il soit parlé d'un chrétien qui a surpassé l'impudence des païens ? Ne va-t-il pas de soi qu'il eût absous par un pardon spécial celui qu'il avait condamné avec un courroux spécial ?
[5] — C'est que sa pitié s'exprime avec moins d'éclat que son indignation ; il manifeste plus ouvertement sa sévérité que sa douceur.
— D'ordinaire cependant la colère prend plus volontiers que l'indulgence des voies détournées. La tristesse hésite plus que la joie. [6] Il s'agissait évidemment d'un pardon sans importance : on en peut juger maintenant, au besoin, puisque l'habitude est de ne point remettre les délits les plus graves sans proclamation publique, à plus forte raison sans qu'il soient spécifiés nommément.
[7] Eh quoi ? quand toi-même tu introduis dans l'Église, pour supplier ses frères, l'adultère pénitent, tu l'agenouillés en public couvert d'un cilice, souillé de cendres, dans une attitude humiliée et propre à inspirer l'épouvante, devant les veuves et les prêtres. Il cherche à attirer sur soi les larmes de tous, il lèche la trace de leurs pas, il embrasse leurs genoux. Et toi, excellent pasteur, évêque bienveillant que tu es, pour que cet homme arrive à ses fins, ne répands-tu pas dans tes discours toutes les amorces de la pitié? Ne cherches-tu pas tes biques dans la parabole de la brebis ? [8] Pour que ta brebis ne se sauve plus du troupeau (comme si ce qui ne lui a jamais été permis ne devait plus le lui être désormais), tu remplis les autres de crainte, au moment même où tu es le plus indulgent. [9] Et l'apôtre aurait pardonné si négligemment à une passion scélérate, fornication aggravée encore d'un inceste, sans exiger au moins du coupable ces marques légales de la pénitence que tu devrais avoir apprises de lui, sans formuler aucune menace pour l'avenir, sans rien dire du lendemain ? [10] Bien plus, il conjure plus loin les Corinthiens de faire preuve de charité à l'égard de cet homme : on dirait, non pas qu'il lui pardonne, mais qu'il lui fait réparation. — Et cependant je l'entends parler de « charité », non de « communion ». [11] Il écrit aux Thessaloniciens : « Si quelqu'un n'obéit pas aux instructions que nous donnons par cette lettre, notez-le et n'ayez point de rapport avec lui, afin qu'il en ait de la confusion. Ne le regardez pas comme un ennemi, mais reprenez-le comme un frère. » [12] Tant il est vrai qu'il aurait pu dire que la charité seule était accordée même au fornicateur, mais non la communion. Mais à l'incestueux il ne pouvait pas même accorder la charité, puisqu'il leur avait ordonné de le chasser d'au milieu d'eux et à plus forte raison de leur cœur.
[13] —Mais il craignait que Satan ne le frustrât au sujet de la perte de cet individu qu'il avait lui-même livré à Satan; ou que condamné à la perdition de sa chair, il ne fût dévoré par une tristesse trop grande. — [14] Ici, ils entendent par ces mots « perdition de la chair » l'exercice de la pénitence qui suffit, selon eux, à satisfaire à la justice de Dieu en exterminant la chair par les jeûnes, la malpropreté, la négligence des soins corporels et la recherche de toutes les autres mortifications. Et ils en tirent argument pour soutenir que le fornicateur, et à plus forte raison l'incestueux, ne fut pas livré par l'apôtre à Satan pour sa perdition, mais pour son amendement, comme devant mériter par cette mort de la chair, c'est-à-dire par cette lutte contre la chair, un pardon qu'il a réellement obtenu.
[15] Il est clair cependant que ce même apôtre livra à Satan Hyménée et Alexandre afin de leur apprendre à ne plus blasphémer, comme il l'écrit à son cher Timothée.
— Mais il dit lui-même qu'il lui a été donné une épine, un ange de Satan, chargé de le souffleter pour rabattre en lui l'orgueil.
[16] — S'ils touchent à ce point pour nous faire croire que Paul livra ces hommes à Satan pour leur amendement, non pour leur perdition, quel rapport peut-il y avoir entre le blasphème et l'inceste, et une âme pure de ces souillures ; que dis-je ? une âme élevée au plus haut degré de sainteté et d'innocence, qui chez l'apôtre était réprimée par des « soufflets », c'est à-dire, à ce que l'on affirme, par une douleur d'oreille ou de tête ? [17] Mais l'inceste et le blasphème valaient bien qu'il livrât ces hommes tout entiers au pouvoir de Satan et non au pouvoir de son ange. Et il y a cette différence (laquelle est capitale), que nous lisons qu'ils furent livrés par l'apôtre à Satan lui-même, tandis qu'à l'apôtre, c'est un ange de Satan qui fut donné. [18] Enfin qu'entend Paul, au milieu de ses supplications au Seigneur? « Contente-toi de ma grâce ; car la force trouve son perfectionnement dans la faiblesse. » Voilà ce que ne peuvent entendre ceux qui sont livrés à Satan. [19] Si le crime d'Hyménée et d'Alexandre, je veux dire leur blasphème, est irrémissible en ce monde et en l'autre, l'apôtre, contre la sentence du Seigneur, ne les eût pas livrés à Satan avec l'espoir du pardon alors que déjà, rebelles à la foi, ils étaient submergés dans le blasphème. [20] C'est pourquoi il les appela naufragés selon la foi, puisqu'ils n'avaient plus la consolation du navire de l'Église. Car le pardon est refusé à ceux qui, de la foi, se sont précipités dans le blasphème ; mais il y a des païens et des hérétiques qui, journellement, émergent du blasphème. [21] Si l'apôtre a dit : « Je les ai livrés à Satan pour leur apprendre à ne plus blasphémer », il l'a dit en parlant des autres qui, les voyant livrés à Satan, c'est-à-dire rejetés hors de l'Eglise, pourraient apprendre ainsi qu'il ne faut pas blasphémer. [22] Ainsi donc, ce n'est par pour son amendement, mais pour sa perdition qu'il a livré le fornicateur incestueux à Satan à qui il était déjà passé par un crime pire que tous -Ceux des païens ; et il voulait apprendre ainsi aux autres à éviter la fornication. [23] Enfin, il dit « pour la perdition de la chair », non « pour la souffrance de la chair ». Il condamnait ainsi la substance même par où cet homme avait failli et qui dès lors était déjà perdue, tout le fruit du baptême étant anéanti: « Afin, dit-il, que l'âme soit sauve au jour du Seigneur. »
[24] Il faut aussi chercher si l'âme de cet homme sera sauvée. Ainsi cette âme serait sauve, après s'être souillée d'un crime pareil, pour lequel sa chair a déjà été livrée à la perdition ? Sauve dans le châtiment ? Mais une interprétation hostile ne va-t-elle pas juger que dès lors le châtiment peut exister sans la chair ? Nous compromettons de la sorte la résurrection de la chair. — [25] Il reste à supposer qu'il a parlé de cette âme qui est considérée comme étant celle de l'Église et qui doit être produite sauve, c'est-à-dire pure de toute souillure, au jour du Seigneur, après le rejet du fornicateur incestueux. [26] L'apôtre ajoute en effet : « Ne savez-vous pas qu'un peu de levain aigrit toute la pâte? » Et cependant une fornication doublée d'un inceste n'était pas un peu, mais beaucoup de levain.