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Quintus Septimius Florens Tertullianus
De la pudicité

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XVI. -- SAINT PAUL ET LA CHAIR

[1] Il est donc nécessaire qu'on leur apprenne à connaître l'apôtre. Je veux prouver qu'il est dans la seconde épître aux Corinthiens tel qu'on le voit dans toutes les autres ; lui qui, dans la première épître, a, le premier de tous, consacré le temple de Dieu : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que le Seigneur habite en vous ? » ; [2] lui qui a édicté une loi spéciale pour purifier ce temple et le rendre inviolable : « Si quelqu'un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra, car le temple de Dieu est saint et vous êtes ce temple. »

[3] Eh quoi ! il aurait réhabilité un homme entièrement perdu aux yeux de Dieu, je veux dire livré à Satan pour la .perdition de la chair, lui qui a écrit : « Que personne ne s'abuse », c'est-à-dire que personne ne présume qu'un être perdu aux yeux de Dieu puisse être réhabilité. [4] De même encore, quand, parmi les autres crimes, ou pour mieux dire avant tous les autres crimes, il affirme que les adultères, les forni-cateurs, les efféminés, les sodomites ne posséderont jamais le royaume de Dieu, il commence par dire : « Ne vous faites pas illusion », et il sous-entend : « Si vous vous imaginez qu'ils le posséderont. » [5] Mais à ceux à qui le royaume est ôté, la vie elle-même du royaume n'est actuellement plus permise. Il ajoute encore : « Or cela, il est vrai, vous l'avez été, mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés par le nom du Seigneur Jésus-Christ et par l'esprit de notre Dieu. » Autant il excuse les fautes commises avant le baptême, autant il en pose en fait l'irrémissibilité après le baptême, s'il est vrai qu'il n'est pas permis d'être baptisé une seconde fois. [6] Reconnais encore, dans ce qui suit, Paul, colonne immuable de la discipline : « Les aliments sont pour le ventre et le ventre pour les aliments ; mais Dieu détruira ceux-ci et celui-là. Par contre, le corps n'est point pour la fornication, mais pour Dieu » : « Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance, a dit le Seigneur, et Dieu fît l'homme, il le fit àl'image et à la ressemblance de Dieu. » [7] « Le Seigneur est pour le corps », car le Verbe se fit chair. « De même que Dieu a ressuscité le Seigneur, il nous ressuscitera aussi par sa puissance », à cause du lien de son corps avec le nôtre. [8] Et c'est pourquoi il dit : « Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? » parce que le Christ aussi est le temple de Dieu : « Renversez ce temple et je le relèverai en trois jours ». « Prendrai-je les membres du Christ pour en faire les membres d'une prostituée? Ne savez-vous pas que celui qui s'unit à une prostituée ne fait plus qu'un corps avec elle ? car à eux deux, ils ne feront qu'une seule chair. Mais celui qui s'unit au Seigneur ne fait avec lui qu'un esprit. Fuyez la fornication. »

[9] Mais si la fornication est susceptible encore de pardon, comment la fuir, puisque je dois être de nouveau fornicateur ? il ne me servira de rien de la fuir : je serai un seul corps avec celle auquel l'union me liera. « Toute faute que l'homme commet est extérieure au corps ; mais celui qui se livre à la fornication pèche contre son propre corps. » [10] Et de peur que, pour autoriser la fornication, tu ne t'empares de ce mot, en soutenant que tu pèches contre un bien qui est à toi et non contre un bien qui est au Seigneur, il t'enlève à toi-même et t'adjuge au Christ, selon sa disposition première : « Vous ne vous appartenez pas à vous-même, objecte-t-il aussitôt ; vous avez été rachetés très cher (c'est-à-dire au prix du sang du Seigneur) ; glorifiez et exaltez le Seigneur dans votre corps. » [11] Vois si un homme qui donne de tels préceptes a pu pardonner à celui qui a déshonoré le Seigneur, qui l'a chassé de son corps et, qui plus est, par un inceste.

[12] Si tu veux avoir une notion complète de l'apôtre, pour comprendre de quelle hache puissante sa sévérité émonde la forêt des passions, la déracine, et l'extirpe afin que rien n'y fructifie à nouveau, écoute le désir qu'il exprime de voir les âmes s'abstenir du juste fruit de la nature, je veux dire de la pomme du mariage. [13] « Quant aux choses dont vous m'avez écrit, il est bon pour l'homme de ne toucher à aucune femme. Mais, pour éviter la fornication, que chaque homme ait sa femme ; que le mari rende à sa femme ce qu'il lui doit, et pareillement la femme à son mari. » [14] Qui ne voit que c'est à contre-cœur qu'il lâche la bride à l'usage de ce bien, en vue de prévenir la fornication ? Si donc il a permis ou permet encore à quelqu'un la fornication, il a ôté toute raison d'être à son remède : il sera tenu de mettre un frein aux mariages par la continence, s'il ne redoute plus la fornication, par crainte de laquelle il les permet. On ne la redoutera pas, si on l'absout. [15] Et pourtant, il avoue qu'il tolère l'usage du mariage, mais qu'il ne le prescrit pas : il voudrait en effet que tous fussent comme lui. Mais si les choses permises n'obtiennent que sa tolérance, que peuvent espérer les choses illicites ? Aux vierges et aux veuves, il dit aussi que c'est un bien de persévérer à son exemple dans leur état. Si la force leur manque, qu'elles se marient, car : « Mieux vaut se marier que de brûler » [16] De quels feux, je te prie, est-il pis de brûler ? de ceux de la concupiscence ou de ceux du châtiment ? Si la fornication obtient son pardon, on ne manquera pas de la désirer. Il sied mieux à un apôtre de prémunir contre les feux du châtiment. Mais si c'est le châtiment qui brûle, la fornication que le Châtiment attend ne peut donc obtenir son pardon.

[17] Quand il prohibe le divorce, il met à sa place, selon le précepte du Seigneur, pour lutter contre l'adultère, ou bien la persévérance dans le veuvage ou bien une réconciliation pacifique, parce que « quiconque renvoie sa femme, hors le cas d'adultère, la rend adultère : et quiconque épouse une femme renvoyée par son mari commet l'adultère ».

[18] Que de préservatifs l'Esprit Saint établit pour éviter le renouvellement d'une faute, dont il ne veut point renouveler le pardon ! Ne dit-il pas partout que le meilleur pour l'homme, c'est d'être ainsi : « Es-tu lié à une femme ? ne cherches pas à te délier d'elle », pour ne pas donner occasion à l'adultère. « N'es-tu pas lié à une femme ? ne cherche point de femme », pour conserver ton avantage. [19] « Si tu prends femme, tu ne pèches pas ; et si une vierge se marie, elle ne pèche pas. Toutefois ces personnes connaîtront les tribulations de la chair. » Et ici, c'est pour les épargner qu'il leur donne cette autorisation. « Au reste le temps est court : que ceux qui ont des femmes soient comme n'en ayant pas, car la figure de ce monde passe », ce monde qui n'a plus besoin du « Croissez et multipliez».

[20] Ainsi l'apôtre veut que nous vivions exempts de soucis : « car ceux qui ne sont pas mariés se préoccupent de ce qui regarde le Seigneur, comment ils plairont au Seigneur. Ceux qui sont mariés, au contraire, se préoccupent des choses du monde, comment ils plairont à leurs femmes. » Il déclare que celui qui garde sa fille vierge fait mieux que celui qui la donne. [21] De même il estime que celle-là est plus heureuse qui, après la mort de son mari, ayant embrassé la foi, profite de l'occasion qui lui est donnée de rester veuve. Et tous ces conseils de continence, il les recommande comme des conseils venus de Dieu. « Je pense que j'ai l'esprit du Seigneur. » [22] Quel est ce défenseur si audacieux de toute impudicité, cet avocat si complaisant des adultères, des fornicateurs et des incestueux, qui, pour honorer ces crimes, s'en va soutenir leur cause contre l'Esprit-Saint et porter faux témoignage contre son apôtre ? [23] Paul n'a pu avoir de pareilles indulgences, lui qui tâche à anéantir toutes ces servitudes charnelles, même dans les cas les plus honorables. Ce n'est pas l'adultère qu'il excuse, ce sont les noces ; il épargne le mariage, non la fornication. C'est tout au plus s'il pardonne à l'instinct naturel : comment serait-il complaisant envers la faute ? Il s'étudie à mettre un frein aux unions de bénédiction, de peur d'excuser les unions maudites.

[24] Tout ce qu'il pouvait faire, c'était de purifier la chair de ses souillures, ne pouvant la purifier des taches légères. Mais c'est l'habitude des hérétiques pervers et bornés, et en général de tous les psychiques, de s'armer, éventuellement de quelque passage équivoque contre le bataillon des affirmations de l'Ecriture tout entière.




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