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Quintus Septimius Florens Tertullianus De la pudicité IntraText CT - Lecture du Texte |
XVIII. -- LA FORNICATION EST INEXPIABLE
[1] Mais ces textes, répond-on, ont trait à l'interdiction de toute impudicité, et à l'approbation de toute pudicité, sans toutefois exclure le pardon : si la faute est condamnée, le pardon n'est point pour cela refusé du même coup, puisque le temps du pardon ne coïncide pas avec la condamnation, qu'il exclut.
[2] Il restait aux Psychiques ce dernier argument et c'est pourquoi nous avons réservé pour ici les précautions prises ostensiblement dès les premiers temps pour le refus de lacommunion ecclésiastique dans les cas dece genre. [3] Dans les proverbes de Salomon, que nous appelons Παροιμιαι, il est dit sur le caractère inexpiable de l'adultère : « L'adultère, dans la folie de son esprit, s'attire la perdition de son âme ; il a à supporter douleurs et hontes. Son opprobre ne s'effacera jamais, car l'indignation pleine de jalousie ne l'épargnera pas au jour du jugement. » [4] Si tu crois que cela est dit du païen, c'est en vain que tu as entendu ces paroles adressées à coup sûr aux fidèles : « Sortez d'au milieu d'eux, séparez-vous d'eux et ne faites rien d'impur. » Il est écrit au début des Psaumes : « Heureux l'homme qui n'est pas entré dans la réunion des impies, qui ne s'est pas arrêté dans la voie des pécheurs, qui ne s'est pas assis dans la chaire de corruption. » [5] Et plus loin: « Je ne me suis point assis dans les assemblées de vanité ; je ne me lierai point avec les méchants, je ne m'assiérai point avec les impies. » Et : « Je laverai mes mains avec les justes et j'entourerai ton autel, ô Seigneur », parlant comme étant plusieurs à lui seul, puisqu'il dit : « Tu seras saint avec le saint, et tu seras innocent avec l'innocent, et tu seras élu avec l'élu, et tu seras pervers avec les pervers. » [6] Et ailleurs : « Dieu dit au pécheur : Pourquoi est-ce toi qui expose mes préceptes et publies par ta bouche mon testament? Quand tu voyais un voleur, tu courais avec lui, et tu prenais ta part des adultères. »
[7] Dérivant de là sa doctrine, l'apôtre dit aussi : « Je vous ai écrit dans ma lettre de ne pas avoir de rapports avec les fornicateurs, non pas avec les fornicateurs de ce monde », etc.; « autrement il vous faudrait sortir de ce monde. [8] Mais je vous écris que si quelqu'un portant le nom de frère est fornicateur ou idolâtre (quel crime plus solidaire?), ou fripon (quel crime plus voisin?), etc., il ne faut point prendre de nourriture avec lui (à plus forte raison l'Eucharistie), car un peu de levain aigrit toute la pâte. » [9] De même à Timothée : « N'impose légèrement les mains à personne, et ne communique point avec les fautes d'autrui. » De même aux Ephésiens : « N'ayez point de commerce avec eux, car autrefois vous étiez ténèbres. » [10] Et encore plus fortement : « Ne vous associez point aux œuvres infécondes des ténèbres ; bien plus, réprouvez-les. Car ce qu'ils font en secret est honteux aussi à dire. » [11] Quoi de plus honteux que les impudicités? Mais s'il invite les Thessaloniciens à s'éloigner d'un frère qui vivait dans la paresse, combien plus, s'il s'agit d'un fornicateur ? Tels sont en effet les préceptes du Christ, qui» aime l'Église, qui « s'est livré lui-même pour elle afin de la sanctifier, la purifiant par le baptême d'eau dans sa parole pour se constituer une Église glorieuse, sans tache et sans ride », bien entendu après le baptême, « et qui serait pure et sans opprobre », c'est-à-dire sans ride de vieillesse, telle une vierge, sans souillure de fornication, telle une fiancée, sans aucune opprobre d'avilissement, telle une créature purifiée.
[12] Et que dire, si ici encore, tu te mettais en tête de répondre qu'effectivement la communion est enlevée aux pécheurs, surtout à ceux dont la chair s'est souillée, mais momentanément, et qu'elle doit leur être rendue après les sollicitations de la pénitence, selon cette grande miséricorde de Dieu qui lui fait préférer à la mort du pécheur son repentir? [13] Il faut à tout prix ruiner la base même de votre opinion. Aussi répondrons-nous que s'il avait plu à la miséricorde divine de se manifester de nouveau même à ceux qui ont failli après la foi, l'apôtre aurait dit : « Ne participez pas aux œuvres de ténèbres », à moins que les pécheurs n'aient fait pénitence, et: « Ne prenez même pas la nourriture avec de telles gens », à moins que, de leurs prosternements, ils n'aient essuyé les souliers de leurs frères ; et : « Celui qui aura profané le temple de Dieu, Dieu le perdra », à moins qu'il n'ait dans l'Église secoué de sa tête la cendre de tous les foyers. [14] Il aurait dû en effet, pour les condamnations qu'il portait, fixer le terme et les conditions, si ces condamnations étaient vraiment temporaires et conditionnelles, et si sa rigueur n'était point à perpétuité.
Or, comme dans toutes les épîtres, il défend d'admettre cette sorte de pécheurs qui ont déjà embrassé la foi ; et que s'ils ont été admis, il les retranche de la communion sans aucune espérance de condition ni de temps, il appuie notre avis personnel en montrant que le repentir qu'aimé le Seigneur, c'est celui qui venant avant la foi, avant le baptême, est préféré à la mort du pécheur, lequel ne doit être lavé qu'une fois par la grâce du Christ, du Christ qui n'est mort qu'une fois pour nos péchés. [15] Cette vérité, l'apôtre l'a établie aussi dans sa propre personne. Car affirmant que « le Christ est venu pour sauver les pécheurs, au premier rang desquels Paul avait lui-même été », qu'ajoute-t-il ? « Et j'ai obtenu miséricorde, parce que j'ai agi par ignorance, étant encore incrédule. » [16] Ainsi cette clémence de Dieu, qui préfère la pénitence du pécheur à sa mort, concerne ceux qui ne le connaissent pas encore ni ne croient encore en lui : c'est pour les délivrer que le Christ est venu et non pour délivrer ceux qui connaissaient déjà Dieu et avaient appris le sacrement de la foi. [17] Si la clémence de Dieu s'applique aux ignorants et aux infidèles seulement, leur pénitence appelle donc sur elle la clémence, sans préjudice de cette forme de pénitence qui pourra recevoir le pardon de l'évêque pour les fautes légères, ou de Dieu seul pour les fautes plus graves et irrémissibles.