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Quintus Septimius Florens Tertullianus
De la pudicité

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XIX. -- L' APOCALYPSE -- L'ÉPÎTRE DE JEAN

[1] Mais pourquoi m'étendre si longuement sur Paul, quand Jean lui-même paraît préter je ne sais quel secret appui à nos adversaires? On prétend que, dans l'Apocalypse, il promet manifestement à la fornication le secours de la pénitence, quand l'esprit mande à l'ange de Thyatire qu'il lui en veut de ce qu'il garde Jézabel, « cette femme qui se prétend prophétesse et qui enseigne, qui séduit mes serviteurs pour qu'ils commettent la fornication et qu'ils mangent des viandes consacrées aux idoles. [2] Je lui ai donné un temps pour faire pénitence et elle ne veut pas s'y plier, en raison de sa prostitution. Voici que je vais la jeter sur un lit et ceux qui commettent l'adultère avec elle tomberont dans les plus grandes tribulations, s'ils ne font pénitence de ses œuvres. » [3] Il est heureux que les apôtres soient d'accord sur les règles de la foi et de la discipline : « Que ce soit moi, que ce soit eux, dit Paul, voici ce que nous prêchons. » Il y va de toute la religion qu'on ne croie pas que Jean ait fait une concession, là où Paul avait opposé un refus.  

[4] Quiconque aura observé ce constant accord de l'Esprit sera initié par l'Esprit même à l'intelligence de ses paroles. Il s'agissait d'une femme hérétique qui s'était mise à enseigner ce qu'elle avait appris des nicolaïtes et introduisait furtivement leurs doctrines dans l'Eglise. L'Esprit la pressait avec raison de faire pénitence. [5] Qui peut douter qu'un hérétique, dévoyé par les leçons reçues, puis s'apercevant de sa chute, et l'ayant expiée par la pénitence, n'obtienne son pardon et ne rentre dans l'Eglise ? C'est pourquoi, chez nous aussi, tout comme le païen et plus encore que le païen, l'hérétique, une fois lavé de son double nom de païen et d'hérétique par le baptême de vérité, est admis dans l'Église? [6] Si tu es certain que ce fut après avoir embrassé la foi de vie que cette femme se jeta ensuite dans la mort de l'hérésie en sorte qu'elle ait réclamé pour elle, non pas à titre d'hérétique, mais à titre de chrétienne pécheresse, le pardon qui naît de la pénitence, eh bien soit ! qu'elle fasse pénitence ! mais pour preuve de sa prostitution, sans toutefois obtenir la réconciliation. Ce sera cette pénitence dont nous reconnaissons plus encore que vous l'obligation ; mais, quant au pardon, nous le réservons à Dieu.

[7] Enfin la même Apocalypse, dans les passages qui suivent, condamne à l'étang de feu sans aucun adoucissement conditionnel les éhontés et les fornicateurs, de même que les lâches, les incrédules, les homicides, les empoisonneurs, les idolâtres, tous ceux qui ont commis ces crimes étant déjà chrétiens. [8] Il ne s'agit pas des païens quand elle dit des fidèles : « Ceux qui auront vaincu auront ces biens en héritage et je serai leur Dieu et ils seront pour moi comme des fils », et elle ajoute : « Mais pour les lâches, les incrédules, les éhontés, les fornicateurs, les homicides, les empoisonneurs, les idolâtres, leur part sera l'étang brûlant de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort. » [9] Et encore : « Bienheureux ceux qui agissent d'après les préceptes, afin qu'ils aient pouvoir sur l'arbre de vie et sur les portes pour entrer dans la cité sainte. Loin d'ici les chiens d'empoisonneurs, le fornicateur, l'homicide », c'est-à-dire ceux qui n'agissent point d'après les préceptes ; car on ne met dehors que ceux qui étaient dedans. D'ailleurs il avait été déjà dit : « En quoi m'appartient-il de juger ceux qui sont dehors ? »

[10] Ils tirent encore parti de l'épître de Jean. Il y est dit au début : « Le sangde son fils nous purifie de tout péché. » Nous pécherons donc toujours et de toutes les manières, s'il nous purifie toujours et de tout péché; ou bien, si ce n'est pas toujours, ce n'est donc plus après la foi ; et si ce n'est pas de tout péché, ce n'est donc pas non plus de la fornication. [11] Mais par où l'apôtre a-t-il commencé ? Il avait déclaré que Dieu est lumière, qu'il n'y a point en lui de ténèbres et que nous mentons quand nous disons être en union avec lui, alors que nous marchons dans les ténèbres. « Mais si, dit-il, nous marchons dans la lumière nous serons en union avec lui et le sang de Jésus-Christ notre Seigneur nous purifie de tout péché » [12] Péchons-nous donc tout en marchant dans la lumière ? est-ce en péchant dans la lumière que nous serons purifiés ? Nullement, car celui qui pèche n'est pas dans la lumière : il est dans les ténèbres. Il nous montre donc par là que nous serons purifiés du péché en marchant dans la lumière, dans laquelle aucun péché ne peut être commis. Il dit que nous sommes purifiés par Dieu, non pas en tant que nous péchons, mais en tant que nous ne péchons pas. [13] Car, marchant dans la lumière sans avoir de rapports avec les ténèbres, nous vivrons purifiés, non en déposant nos fautes, mais en n'en commettant point. Telle est la vertu du sang du Seigneur que ceux qu'il a déjà purifiés de la faute et qu'il a ensuite placés dans la lumière, il les garde purs, s'ils continuent à marcher dans la lumière.

[14] Mais Jean ajoute, dis-tu: « Sinousdisons que nous sommes sans péché, nous nous dupons nous-mêmes et la vérité n'est pas en nous. Si nous confessons nos péchés, Dieu, fidèle et juste, nous remettra nos péchés, et nous purifiera de toute injustice. » [15] Dit-il : de toute impureté ? Si oui, il nous purifie donc aussi de l'idolâtrie. Mais le sens est autre. Voici en effet qu'il ajoute : « Si nous disons que nous n'avons point péché, nous le faisons menteur et sa parole n'est point en nous » [16] Et plus loin : « Mes chers enfants je vous écris ceci pour que vous ne péchiez point. Cependant s'il vous arrive dépêcher, nous avons comme avocat auprès du Père Jésus-Christ le Juste, et il est lui-même propitiation pour nos péchés. » D'après ces paroles, dis-tu, il est constant que nous péchons et que nous obtenons le pardon. [17] Alors que conclure, quand, descendant plus bas, je trouve une déclaration tout autre ? Il nous défend absolument de pécher et il insiste fortement sur ce point pour écarter toute concession pareille. Il nous montre que nos péchés sont effacés une fois par le Christ et qu'ensuite ils n'obtiendront plus de pardon : or le sens veut ici que nous entendions son avertissement comme relatif à la chasteté. [18] « Quiconque, dit-il, a cette espérance s'épure soi-même, parce que lui aussi est pur. Quiconque commet le péché commet l'injustice, car le péché est iniquité. Et vous savez qu'il est apparu pour ôter les péchés » qu'on ne peut donc commettre que jusqu'à sa venue. [19] Car il ajoute : « Quiconque demeure en lui ne pèche pas et quiconque pèche ne l'a ni vu ni connu. Mes chers enfants, que personne ne vous séduise. Quiconque pratique la justice est juste comme Lui-même est juste. Celui qui commet le péché est du diable, parce que le diable pèche dès le commencement. Si le fils de Dieu est apparu, c'est pour détruire les œuvres du diable. » [20] Il les a détruites, en effet, en délivrant l'homme parle baptême et en révoquant la signature de mort. Et c'est pourquoi : « Quiconque naît de Dieu ne commet point le péché parce que la semence divine demeure en lui, et il ne peut pécher parce qu'il est de Dieu. C'est à cela qu'on connaît les enfants de Dieu et les enfants du diable » ; [21] à quoi, si ce n'est à ce fait que les uns ne pèchent plus, du moment où ils sont nés de Dieu, et que les autres pèchent parce qu'ils sont asservis au diable, comme s'ils n'étaient jamais nés de Dieu ? S'il dit : « Celui qui n'est pas juste n'est pas de Dieu », comment celui qui n'est pas chaste sera-t-il de nouveau de Dieu, ayant cessé de l'être?

[22] Il ne nous reste plus qu'à soutenir que Jean s'est contredit lui-même en déclarant au commencement de l'épître que nous ne sommes point sans péché, tandis que maintenant il nous prescrit de ne commettre aucun péché : là il nous flattait de l'espoir du pardon, ici il refuse rigoureusement le nom d'enfants de Dieu à tous ceux qui ont péché. [23] Loin de nous cette hypothèse ! Nous-mêmes, nous n'avons pas oublié cette distinction entre les fautes, de laquelle nous sommes partis. Et Jean est venu la confirmer en déclarant qu'il y a certains péchés qui nous envahissent quotidiennement et auxquels nous sommes tous exposés. [24] A qui n'arrive-t-il pas de se mettre injustement en colère et jusque par-delà le coucher du soleil, de lever la main sur quelqu'un, de médire volontiers, de jurer à la légère, de violer un engagement, de mentir par respect humain ou par nécessité ? dans les affaires, dans les devoirs d'état, dans le commerce, dans les repas, par la vue, par l'ouïe, que de tentations ? Si ces fautes ne devaient nous être pardonnées, il n'y aurait de salut pour personne. [25] Elles nous le seront donc grâce à l'intercession du Christ auprès du Père. Mais il y a des fautes bien différentes de celles-ci, des fautes plus graves et pernicieuses qui ne peuvent recevoir de pardon : l'homicide, l'idolâtrie, la fraude, l'apostasie, le blasphème, et naturellement l'adultère, la fornication et toute autre profanation du temple de Dieu. [26] Le Christ n'intercédera pas pour ces péchés-là : quiconque est de Dieu ne les commettra jamais et cessera d'être l'enfant de Dieu s'il les commet. C'est ainsi que s'explique les contradictions de Jean : il établit une distinction entre les fautes, admettant ici que les enfants de Dieu pèchent, le niant là. [27] Il voyait d'avance la conclusion de sa lettre et il y conformait de loin ces pensées. Il devait dire plus clairement à la fin : « Si quelqu'un sait que son frère a commis un péché qui ne va pas à la mort, qu'il prie, et le Seigneur accordera la vie à celui dont le péché ne va pas à la mort. Mais il y a un péché qui va à la mort ; ce n'est pas pour celui-là que je dis qu'on doive prier. » [28] Il se souvenait que Dieu défendit à Jérémie de l'implorer pour le peuple qui avait commis des fautes mortelles : « Toute injustice est une faute et il y a une faute qui va à la mort. Mais nous savons que quiconque est de Dieu ne pèche pas. » Il s'agit évidemment ici du péché qui conduit à la mort.

Il ne te reste plus que deux alternatives : ou bien nier que l'adultère et la fornication soient des fautes mortelles, ou bien avouer qu'ils sont irrémissibles et qu'il n'est pas même permis de prier pour eux.




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