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Quintus Septimius Florens Tertullianus De la pudicité IntraText CT - Lecture du Texte |
X. -- NÉCESSITÉ DE LA PÉNITENCE POUR LES PAÏENS -- LE LIVRE DU PASTEUR
[1] Nous avons donc secoué la nécessité d'appliquer aux païens ces paraboles et nous avons examiné ou admis l'obligation de ne pas interpréter autrement que ne le comporte la matière proposée. Voici maintenant qu'ils prétendent que l'injonction de faire pénitence ne saurait convenir aux païens, dont les fautes n'y sont pas soumises, puisqu'elles sont imputables à l'ignorance que la nature seule rend coupable devant Dieu. [2] Donc, les païens ne peuvent connaître le remède, eux qui ne connaissent pas le péril lui-même : la pénitence n'a de raison d'être que ] là où la faute a été commise consciemment et volontairement, avec un plein sentiment du délit et de la grâce. Celui-là seul pleure, se roule à terre, qui sait et ce qu'il a perdu et ce qu'il recouvrera, s'il offre à Dieu l'immolation de la pénitence que Dieu octroie à ses enfants plutôt qu'aux étrangers.
[3] Est-ce que par hasard Jonas jugeait que la pénitence n'était pas nécessaire aux païens de Ninive, lorsqu'il cherchait à se dérober à l'office de la prédication ? ou plutôt, prévoyant que la miséricorde de Dieu s'était répandue même sur les étrangers, ne la redoutait-il pas comme devant annuler sa prédication ? [4] Ainsi c'est à cause d'une cité infidèle, à qui Dieu n'était pas encore connu, et qui péchait encore par ignorance, que le prophète faillit périr : à moins qu'il n'ait fourni une image anticipée de la passion du Seigneur, qui devait racheter les païens pénitents eux-mêmes. [5] Il est bon de constater aussi que Jean, tandis qu'il aplanissait les voies pour le Seigneur, prêchait la pénitence aussi bien aux soldats et aux publicains qu'aux fils d'Abraham. Le Seigneur lui-même préjugea que les habitants de Tyr et de Sidon auraient fait pénitence s'ils avaient vu les preuves fournies par ses miracles. [6] Au reste, je soutiendrai, moi, que les pécheurs par nature ont plus droit à la pénitence que les pécheurs par volonté. Car celui-là en méritera mieux le fruit, qui n'en a jamais usé, que celui qui en a déjà abusé : les remèdes ont plus d'efficacité la première fois que lorsque la vertu en est émoussée. [7] Apparemment le Seigneur est plus bienveillant envers les ingrats qu'envers les ignorants ! Il est plus miséricordieux pour des réprouvés que pour ceux qu'il n'a pas encore éprouvés ! A ce prix, les outrages à sa clémence ne provoqueraient pas plus sa colère que ses encouragements ; il n'accorderait pas plus volontiers aux étrangers cette clémence qui, chez ses enfants, n'aurait produit aucun fruit : alors qu'il a adopté ainsi les nations, tandis que les Juifs se jouent de sa patience !
[8] Mais les Psychiques tiennent à ce que Dieu, juge incorruptible, préfère le repentir à la mort de ce pécheur, qui, lui, a préféré la mort au repentir. Dès lors, chaque péché nous serait un titre de plus. [9] Eh bien donc, funambule de la pudeur, de la chasteté, et de toute pureté sexuelle, toi qui t'avances d'un pas mesuré sur le fil si ténu d'une discipline comme celle-là, loin de la vraie route, cherchant à établir l'équilibre entre la chair et l'esprit, modérant l'instinct par la foi, mêlant la crainte à l'audace des regards : [10] qui te donne cette sécurité dans ta démarche ? Continues, si tu peux et si tu veux, tant que tu te sens sûr de toi-même et que tu crois marcher sur un terrain solide. Car si quelque vacillation de la chair, quelque distraction de l'âme, quelque fuite momentanée du regard te fait perdre ton aplomb, Dieu est bon. [11] C'est aux siens et non aux païens qu'il ouvre les bras ; une seconde fois la pénitence te tirera d'affaire ; d'adultère, tu deviendras encore une fois chrétien.
Voilà ce que tu me dis, ô très complaisant interprète de Dieu. Je me rendrais à tes avis, si le livre du Pasteur, qui est le seul à aimer les adultères, avait mérité de prendre place parmi les documents divins ; s'il n'était relégué par toutes les Églises, même par les vôtres, parmi les pièces apocryphes et falsifiées, adultère lui-même, et par suite protecteur de ses pareils. [12] C'est de lui, du reste, que tu reçois l'initiation : peut-être te couvriras-tu de l'autorité de ce pasteur que tu représentes sur le calice, profanateur lui-même du sacrement chrétien, je dirais volontiers idole d'ivresse, asile de l'adultère qui viendra après que tu auras bu à ce calice, d'où tu n'absorbes rien plus volontiers que la brebis de la seconde pénitence. [13] Mais moi, je m'abreuve aux écrits de ce Pasteur que nul ne peut corrompre : ce sont eux qui m'offrent Jean avec le bain et le devoir de la pénitence : « Faites, me dit-il, de dignes fruits de pénitence, et ne dites pas : Nous avons Abraham pour père » (de peur sans doute qu'ils ne se prévalent, pour se donner l'agrément d'une nouvelle faute, du crédit paternel), « car Dieu peut de ces pierres susciter des enfants à Abraham ». [14] Ainsi il nous suit comme gens qui ne pèchent que jusqu'à ce terme, faisant le digne fruit de la pénitence : car quel fruit doit porter la pénitence, sinon une réforme effective ? Si c'est plutôt le pardon qui est le fruit de la pénitence, encore ne peut-il aller sans la cessation de la faute. Ainsi le renoncement au péché est la racine du pardon, afin que le pardon soit le fruit de la pénitence.