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Quintus Septimius Florens Tertullianus
De la pudicité

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XXII. -- ABUS DE POUVOIR DES MARTYRS -- INCONSÉQUENCE DES PSYCHIQUES

[1] Mais ce pouvoir, voici que tu le reverses aussi sur tes martyrs. Quelqu'un a-t-il été, après entente préalable, chargé de chaînes encore douces dans telle prison purement nominale, comme on en voit maintenant, aussi tôt les adultères le circonviennent, aussitôt les fornicateurs vont le trouver; les supplications retentissent autour de lui ; c'est, de la part des hommes les plus souillés, un déluge de larmes, et personne n'achète plus volontiers l'entrée de la prison que ceux qui n'ont plus droit à l'entrée de l'Eglise. [2] Dans les ténèbres, ordinaire abri de leur débauche, des hommes, des femmes, sont violentés, et demandent la paix à ces gens qui sont en péril de la leur.

D'autres ont recours aux mines et ils reviennent, avec le droit de participer à la communion, de ces lieux où déjà un autre martyre serait nécessaire pour les péchés nouvellement commis après le martyre.

[3] Qui, en effet, vit ici-bas dans la chair sans commettre de fautes ? Qui peut s'intituler martyr, tant qu'il habite ce monde, tant qu'il intrigue, monnaie en main, tant qu'il est assujetti au médecin et à l'usurier? Supposons que déjà le glaive soit suspendu sur sa tête, que ses membres soient étendus sur le gibet ; supposons qu'attaché au poteau, il soit déjà livré au lion ; que, fixé sur la roue, déjà on approche de lui la flamme : au milieu même, dis-je, de la certitude et de la possession du martyre, qu'est ce qui permet à un homme de pardonner des fautes réservées à Dieu, des fautes que Dieu a condamnées saris admettre d'excuse, et que les apôtres (martyrs eux-mêmes, je suppose !) n'ont pas crues non plus susceptibles de pardon ? [4] Car enfin Paul avait déjà combattu contre les bêtes à Éphèse quand il porta une sentence de mort contre l'incestueux. Qu'il suffise au martyr d'avoir expié ses propres péchés. Il n'appartient qu'à un ingrat ou à un orgueilleux de répandre aussi sur les autres ce qu'il n'a obtenu qu'à grand'peine. Qui peut racheter la mort d'autrui par la sienne, sinon le seul Fils de Dieu ? Car, au milieu même de sa passion, il délivra le larron. Il était venu, pur lui-même de tout péché et parfaitement saint, afin de mourir pour les pécheurs. [5] Toi qui te fais son émule en pardonnant les péchés, si tu es toi-même sans péché, alors souffre pour moi. Mais si tu es un pécheur, comment l'huile de ta petite lampe pourra-t-elle nous suffire, à toi et à moi ?

[6] Je tiens aussi maintenant un moyen de reconnaître la présence du Christ. Si le Christ est dans le martyr pour que le martyr absolve les adultères et les fornicateurs, qu'il publie les secrets des cœurs, afin de pouvoir ainsi pardonner les fautes : et alors, c'est bien le Christ. [7] Voilà en effet comment Notre Seigneur Jésus-Christ a manifesté sa puissance : « Quelles mauvaises pensées roulez-vous dans vos cœurs ? Lequel est le plus facile, de dire au paralytique : Tes péchés te sont remis ; ou : Lève-toi et marche ? Afin donc que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés, je te dis, paralytique : Lève-toi et marche. » [8] Si le Seigneur a été si soucieux de prouver sa puissance qu'il a révélé leurs pensées et ordonné ainsi la guérison pour ne pas être cru incapable de remettre les péchés, il ne m'est point permis de croire que la même puissance réside dans quelqu'un, sans en voir les mêmes preuves. [9] Mais en demandant au martyr de pardonner aux adultères etaux fornicateurs, tu confesses toi-même que des crimes de cette sorte ne peuvent être effacés que par un martyre personnel, toi qui présumes le même effet du martyre d'autrui. Le martyre aussi sera, ce me semble, un second baptême. [10] Car il est dit : «J'ai encore un second baptême. » Voilà pourquoi de la blessure ouverte au flanc du Seigneur, il découla de l'eau et du sang, matières de l'un et l'autre baptême. Je puis donc délivrer un autre que moi-même par le premier baptême, si je le puis par le second.

[11] Soyons logiques jusqu'au bout. Toute autorité, tout système qui rend la paix ecclésiastique à l'adultère et au fornicateur, devra également se montrer facile à l'homicide et à l'idolâtre pénitents, à l'apostat (cela va de soi), et naturellement aussi à celui que l'étreinte de la torture a vaincu dans le combat du martyre. [12] Il serait indigne de Dieu et de sa miséricorde, qui préfère à la mort du pécheur son repentir, que ceux qui ont failli dans le rut des passions rentrent plus facilement dans l'Eglise que ceux qui sont tombés en combattant. L'indignation nous force à parler. Rappelleras-tu plus volontiers des corps souillés que des corps sanglants ? [13] Quelle est la pénitence la plus digne de pitié, celle qui prosterne à terre une chair chatouillée de désirs, ou une chair déchirée ? Quel est le pardon le plus équitable, celui qu'imploré le pécheur volontaire, ou le pécheur malgré lui? Personne n'est contraint à apostasier volontairement ; mais personne ne fornique sans y consentir. [14] Rien ne force à la débauche, sinon la débauche même; on ne peut l'imposer comme il plaît. Au contraire, pour arracher un reniement, quelle ingéniosité chez les bourreaux, quelle variété dans les supplices ! Quel est le plus authentique apostat, celui qui a perdu le Christ dans les tourments, ou dans les délices ? Celui qui, en le perdant, a souffert, ou celui qui, en le perdant, a joui ? [15] Du moins ces cicatrices que grave le combat chrétien, dignes d'envie auprès du Christ parce qu'elles ont souhaité de vaincre, ne laissent pas d'être glorieuses, parce que c'est faute de pouvoir vaincre qu'elles ont cédé. Le diable lui-même en soupire de dépit, malgré leur misère qui, du moins, demeure chaste, malgré l'affliction de leur pénitence qui, du moins, n'a pas à rougir devant le Seigneur pour son pardon. Mais sera-t-il pardonné une fois encore à ceux qui ont renié d'une manière indigne ? Est-ce pour eux seuls que la chair est faible ? Nulle chair n'est pourtant si vigoureuse que celle qui fait échec à l'esprit.

 




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