Problème des
latifundia
71. 1. La
propriété et les autres formes de pouvoir privé sur les biens extérieurs
contribuent à l'expression de la personne et lui donnent l'occasion d'exercer
sa responsabilité dans la société et l'économie. Il est donc très
important de favoriser l'accession des individus et des groupes à un certain
pouvoir sur les biens extérieurs.
2. La propriété privée ou un
certain pouvoir sur les biens extérieurs assurent à chacun une zone
indispensable d'autonomie personnelle et familiale; il faut les regarder comme
un prolongement de la liberté humaine. Enfin, en stimulant l'exercice de la
responsabilité, ils constituent l'une des conditions des libertés
civiles13.
3. Les formes d'un tel pouvoir ou
propriété sont aujourd'hui variées; et leur diversité ne cesse de s'amplifier. Toutes
cependant demeurent, à côté des fonds sociaux, des droits et des services
garantis par la société, une source de sécurité non négligeable. Et ceci n'est
pas vrai des seules propriétés matérielles, mais aussi des biens immatériels,
comme les capacités professionnelles.
4. La légitimité de la propriété privée ne fait toutefois pas obstacle à
celle de divers modes de propriétés publiques, à condition que le transfert des
biens au domaine public soit effectué par la seule autorité compétente selon
les exigences du bien commun, dans les limites de celui-ci et au prix d'une
indemnisation équitable. L'Etat a,
par ailleurs, compétence pour empêcher qu'on abuse de la propriété privée contrairement
au bien commun14.
5. De par sa nature même, la
propriété privée a aussi un caractère social, fondé dans la loi de commune
destination des biens15. Là où ce caractère social n'est pas respecté,
la propriété peut devenir une occasion fréquente de convoitises et de graves
désordres: prétexte est ainsi donné à ceux qui contestent le droit même de
propriété.
6. Dans plusieurs régions
économiquement moins développées, il existe des domaines ruraux étendus et même
immenses, médiocrement cultivés ou mis en réserve à des fins de spéculation,
alors que la majorité de la population est dépourvue de terres ou n'en détient
qu'une quantité dérisoire et que, d'autre part, l'accroissement de la
production agricole présente un caractère d'urgence évident. Souvent,
ceux qui sont employés par les propriétaires de ces grands domaines, ou en
cultivent des parcelles louées, ne reçoivent que des salaires ou des revenus
indignes de l'homme; ils ne disposent pas de logement décent et sont exploités
par des intermédiaires. Dépourvus de toute sécurité, ils vivent dans une
dépendance personnelle telle qu'elle leur interdit presque toute possibilité
d'initiative et de responsabilité, toute promotion culturelle, toute
participation à la vie sociale et politique. Des réformes s'imposent donc,
visant, selon les cas, à accroître les revenus, à améliorer les conditions de
travail et la sécurité de l'emploi, à favoriser l'initiative, et même à
répartir les propriétés insuffisamment cultivées au bénéfice d'hommes capables
de les faire valoir. En l'occurrence, les ressources et les instruments
indispensables doivent leur être assurés, en particulier les moyens d'éducation
et la possibilité d'une juste organisation de type coopératif. Chaque fois que
le bien commun exigera l'expropriation, l'indemnisation devra s'apprécier selon
l'équité, compte tenu de toutes les circonstances.
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