La communauté politique et
l'Eglise
76. 1. Surtout là où existe une société de type
pluraliste, il est d'une haute importance que l'on ait une vue juste des
rapports entre la communauté politique et l'Eglise; et que l'on distingue
nettement entre les actions que les fidèles, isolément ou en groupe, posent en
leur nom propre comme citoyens, guidés par leur conscience chrétienne, et les
actions qu'ils mènent au nom de l'Eglise, en union avec leurs pasteurs.
2. L'Eglise qui, en raison de sa
charge et de sa compétence, ne se confond d'aucune manière avec la communauté
politique et n'est liée à aucun système politique, est à la fois le signe et la
sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine.
3. Sur le .terrain qui leur est
propre, la communauté politique et l'Eglise sont indépendantes l'une de l'autre
et autonomes. Mais toutes deux, quoique à des titres divers, sont au
service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles
exerceront d'autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu'elles
rechercheront davantage entre elles une saine coopération, en tenant également
compte des circonstances de temps et de lieu. L'homme, en effet, n'est pas
limité aux seuls horizons terrestres, mais, vivant dans l'histoire humaine, il
conserve intégralement sa vocation éternelle. Quant à l'Eglise, fondée dans l'amour du Rédempteur, elle contribue à
étendre le règne de la justice et de la charité à l'intérieur de chaque nation et
entre les nations. En prêchant la vérité de l'Evangile, en éclairant tous les
secteurs de l'activité humaine par sa doctrine et par le témoignage que rendent
des chrétiens, l'Eglise respecte et promeut aussi la liberté politique et la
responsabilité des citoyens.
4. Lorsque les Apôtres, leurs
successeurs et les coopérateurs de ceux-ci, sont envoyés pour annoncer aux
hommes le Christ sauveur du monde, leur apostolat prend appui sur la puissance
de Dieu qui, très souvent, manifeste la force de l'Evangile dans la faiblesse
des témoins. Il faut en effet que tous ceux qui se vouent au ministère de la
Parole divine utilisent les voies et les moyens propres à l'Evangile qui, sur
bien des points, sont autres que ceux de la cité terrestre.
5. Certes, les choses d'ici-bas
et celles qui, dans la condition humaine, dépassent ce monde, sont étroitement
liées, et l'Eglise elle-même se sert d'instruments temporels dans la mesure où
sa propre mission le demande. Mais elle ne place pas son espoir dans les
privilèges offerts par le pouvoir civil. Bien plus, elle renoncera à l'exercice
de certains droits légitimement acquis s'il est reconnu que leur usage peut
faire douter de la pureté de son témoignage ou si des circonstances nouvelles
exigent d'autres dispositions. Mais il est juste qu'elle puisse partout et
toujours prêcher la foi avec une authentique liberté, enseigner sa doctrine
sociale, accomplir sans entraves sa mission parmi les hommes, porter un
jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine politique, quand
les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l'exigent, en
utilisant tous les moyens, et ceux-là seulement, qui sont conformes à
l'Evangile et en harmonie avec le bien de tous, selon la diversité des temps et
des situations.
6. Par son attachement et sa
fidélité à l'Evangile, par l'accomplissement de sa mission dans le monde,
l'Eglise, à qui il appartient de favoriser et d'élever tout ce qui se trouve de
vrai, de bon, de beau dans la communauté humaine9 renforce la paix entre
les hommes pour la gloire de Dieu10.
|