Formes et racines de
l'athéisme.
19 § 1.
L'aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de
l'homme à communier avec Dieu. Cette invitation que Dieu adresse à l'homme de
dialoguer avec Lui commence avec l'existence humaine. Car, si l'homme existe,
c'est que Dieu l'a créé par amour et, par amour, ne cesse de lui donner l'être;
et l'homme ne vit pleinement selon la vérité que s'il reconnaît librement cet
amour et s'abandonne à son Créateur. Mais beaucoup de nos contemporains
ne perçoivent pas du tout ou même rejettent explicitement le rapport intime et
vital qui unit l'homme à Dieu : à tel point que l'athéisme compte parmi les
faits les plus graves de ce temps et doit être soumis à un examen très
attentif.
§ 2. On désigne sous
le nom d'athéisme des phénomènes entre eux très divers. En effet, tandis que
certains athées nient Dieu expressément, d'autres pensent que l'homme ne peut
absolument rien affirmer de Lui. D'autres
encore traitent le problème de Dieu de telle façon que ce problème semble dénué
de sens. Beaucoup, outrepassant indûment les limites des sciences
positives, ou bien prétendent que la seule raison scientifique explique tout,
ou bien, à l'inverse, ne reconnaissent comme définitive absolument aucune
vérité. Certains font un tel cas de l'homme que la foi en Dieu s'en trouve
comme énervée, plus préoccupés qu'ils sont, semble-t-il, d'affirmer l'homme que
de nier Dieu.
D'autres se représentent Dieu
sous un jour tel que, en Le repoussant, ils refusent un Dieu qui n'est en
aucune façon celui de l'Evangile. D'autres n'abordent même pas le problème de
Dieu : ils paraissent étrangers à toute inquiétude religieuse et ne voient pas
pourquoi ils se soucieraient encore de religion. L'athéisme, en outre, naît
souvent, soit d'une protestation révoltée contre le mal dans le monde, soit du
fait que l'on attribue à tort à certains idéaux humains un tel caractère
d'absolu qu'on en vient à les prendre pour Dieu. La civilisation moderne elle
même, non certes par son essence même, mais parce quelle se trouve trop engagée
dans les réalités terrestres, peut rendre souvent plus difficile l'approche de
Dieu.
§ 3. Certes, ceux
qui délibérément s'efforcent d'éliminer Dieu de leur coeur et d'écarter les
problèmes religieux, en ne suivant pas le « dictamen » de leur conscience, ne
sont pas exempts de faute. Mais les croyants eux-mêmes portent souvent à cet égard
une certaine responsabilité. Car l'athéisme, considéré dans son ensemble, ne
trouve pas son origine en lui-même; il la trouve en diverses causes, parmi
lesquelles il faut compter une réaction critique en face des religions et
spécialement, en certaines régions, en face de la religion chrétienne.
C'est pourquoi, dans cette genèse de l'athéisme, les croyants peuvent avoir
une part qui n'est pas mince, dans la mesure où, par la négligence dans l'éducation
de leur foi, par des présentations trompeuses de la doctrine et aussi par des
défaillances de leur vie religieuse, morale et sociale, on peut dire d'eux
qu'ils voilent l'authentique visage de Dieu et de la religion plus qu'ils ne le
révèlent.
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