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Pius PP. X Pascendi dominici gregis IntraText CT - Lecture du Texte |
40. Certains d'entre les modernistes, adonnés aux études historiques, paraissent redouter très fort qu'on les prenne pour des philosophes; de philosophie ils n'en savent pas le premier mot. Astuce profonde. Ce qu'ils craignent, c'est qu'on ne les soupçonne d'apporter en histoire des idées toutes faites, de provenance philosophique, qu'on ne les tienne pas pour assez objectifs, comme on dit aujourd'hui. Et pourtant, que leur histoire, que leur critique soient pure oeuvre de philosophie, que leurs conclusions historico-critiques viennent en droite ligne de leurs principes philosophiques, rien de plus facile à démontrer.
Leurs trois premières lois sont contenues dans trois principes philosophiques déjà vus: savoir, le principe de l'agnosticisme, le principe de la transfiguration des choses par la foi, le principe, enfin, que Nous avons cru pouvoir nommer de défiguration. De par l'agnosticisme, l'histoire, non plus que la science, ne roule que sur des phénomènes. Conclusion: Dieu, toute intervention de Dieu dans les choses humaines, doivent être renvoyées à la foi, comme de son ressort exclusif. Que s'il se présente une chose où le divin et l'humain se mélangent, Jésus-Christ, par exemple, l'Eglise, les sacrements, il y aura donc à scinder ce composé et à en dissocier les éléments: l'humain restera à l'histoire, le divin ira à la foi. De là, fort courante chez les modernistes, la distinction du Christ de l'histoire et du Christ de la foi, de l'Eglise de l'histoire et de l'Eglise de la foi, des sacrements de l'histoire et des sacrements de la foi, et ainsi de suite. Puis, tel qu'il apparaît dans les documents, cet élément humain retenu pour l'histoire a été lui-même transfiguré manifestement par la foi, c'est-à-dire élevé au-dessus des conditions historiques. Il faut donc en éliminer encore toutes les adjonctions que la foi y a faites, et les renvoyer à la foi elle-même et à l'histoire de la foi; ainsi, en ce qui regarde Jésus-Christ: tout ce qui dépasse l'homme selon sa condition naturelle et selon la conception que s'en fait la psychologie, l'homme aussi de telle région et de telle époque. Enfin, au nom du troisième principe philosophique, les choses mêmes qui ne dépassent pas la sphère historique sont passées au crible: tout ce qui, au jugement des modernistes, n'est pas dans la logique des faits, comme ils disent, tout ce qui n'est pas assorti aux personnes, est encore écarté de l'histoire et renvoyé à la foi. Ainsi ils prétendent que notre Seigneur n'a jamais proféré de parole qui ne pût être comprise des multitudes qui l'environnaient. D'où ils infèrent que toutes les allégories que l'on rencontre dans ses discours doivent être rayées de son histoire réelle, et transférées à la foi. Demande-t-on peut-être au nom de quel critérium s'opèrent de tels discernements ? Mais c'est en étudiant le caractère de l'homme, sa condition sociale, son éducation, l'ensemble des circonstances où se déroulent ses actes: toutes choses, si Nous l'entendons bien, qui se résolvent en un critérium purement subjectif. Car voici le procédé: ils cherchent à se revêtir de la personnalité de Jésus-Christ, puis tout ce qu'ils eussent fait eux-mêmes en semblables conjonctures, ils n'hésitent pas à le lui attribuer. Ainsi, absolument a priori, et au nom de certains principes philosophiques qu'ils affectent d'ignorer mais qui sont les bases de leur système, ils dénient au Christ de l'histoire réelle la divinité, comme à ses actes tout caractère divin; quant à l'homme, il n'a fait ni dit que ce qu'ils lui permettent, eux, en se reportant aux temps où il a vécu, de faire ou de dire.