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Blaise Pascal Discours sur les passions de l'amour IntraText CT - Lecture du Texte |
La beauté est partagée en mille différentes manières. Le sujet le plus propre pour la soutenir, c'est une femme. Quand elle a de l'esprit, elle l'anime et la relève merveilleusement. Si une femme veut plaire, et qu'elle possède les avantages de la beauté, ou du moins une partie, elle y réussira ; et même, si les hommes y prenoient tant soit peu garde, quoiqu'elle n'y tâchât point, elle s'en feroit aimer. Il y a une place d'attente dans leur coeur, elle s'y logeroit.
L'homme est né pour le plaisir : il le sent, il n'en faut point d'autre preuve. Il suit donc sa raison en se donnant au plaisir. Mais bien souvent il sent la passion dans son coeur sans savoir par où elle a commencé.
Un plaisir vrai ou faux peut remplir également l'esprit. Car qu'importe que ce plaisir soit faux, pourvu que l'on soit persuadé qu'il est vrai ?
A force de parler d'amour, on devient amoureux. Il n'y a rien si aisé. C'est la passion la plus naturelle à l'homme.
L'amour n'a point d'âge ; il est toujours naissant. Les poëtes nous l'on dit : c'est pour cela qu'ils nous le présentent comme un enfant. Mais sans lui rien demander, nous le sentons.
L'amour donne de l'esprit, il se soutient par l'esprit. Il faut de l'adresse pour aimer. L'on épuise tous les jours les manières de plaire ; cependant il faut plaire, et l'on plaît.
Nous avons une source d'amour-propre qui nous représente à nous-mêmes comme pouvant remplir plusieurs places au dehors : c'est ce qui est cause que nous sommes bien aises d'être aimés. Comme on le souhaite avec ardeur, on le remarque bien vite et on le reconnoît dans les yeux de la personne qui aime. Car les yeux sont les interprètes du coeur ; mais il n'y a que celui qui y a intérêt qui entend leur langage.
L'homme seul est quelque chose d'imparfait ; il faut qu'il trouve un second pour être heureux. Il le cherche bien souvent dans l'égalité de la condition, à cause que la liberté et que l'occasion de se manifester s'y rencontrent plus aisément. Néanmoins l'on va quelquefois bien au-dessus, et l'on sent le feu s'agrandir, quoiqu'on n'ose pas le dire à celle qui l'a causé.