ACTE IV
SCÈNE PREMIÈRE
AUGUSTE,
EUPHORBE, POLYCLÈTE, GARDES
AUGUSTE
Tout ce que tu me dis, Euphorbe, est incroyable.
EUPHORBE
Seigneur, le récit même en paraît effroyable :
On ne conçoit qu'à peine une telle fureur,
Et la seule pensée en fait frémir d'horreur.
AUGUSTE
Quoi ! mes plus chers amis ! quoi
! Cinna ! quoi ! Maxime !
Les deux que j'honorais d'une si haute estime,
À qui j'ouvrais mon coeur, et dont j'avais fait choix
Pour les plus importants et plus nobles emplois !
Après qu'entre leurs mains j'ai remis mon empire,
Pour m'arracher le jour l'un et l'autre conspire !
Maxime a vu sa faute, il m'en fait avertir,
Et montre un coeur touché d'un juste repentir ;
Mais Cinna !
EUPHORBE
Cinna seul dans sa rage s'obstine,
Et contre vos bontés d'autant plus se mutine ;
Lui seul combat encor les vertueux efforts
Que sur les conjurés fait ce juste remords,
Et malgré les frayeurs à leurs regrets mêlées,
Il tâche à raffermir leurs âmes ébranlées.
AUGUSTE
Lui seul les encourage, et lui seul les séduit !
Ô le plus déloyal que la terre ait produit !
Ô trahison conçue au sein d'une furie !
Ô trop sensible coup d'une main si chérie !
Cinna, tu me trahis ! Polyclète, écoutez.
(Il lui parle à l'oreille.)
POLYCLÈTE
Tous vos ordres, seigneur, seront exécutés.
AUGUSTE
Qu'Éraste en même temps aille dire à Maxime
Qu'il vienne recevoir le pardon de son crime.
(Polyclère rentre.)
EUPHORBE
Il l'a trop jugé grand pour ne pas s'en punir.
À peine du palais il a pu revenir,
Que, les yeux égarés, et le regard farouche,
Le coeur gros de soupirs, les sanglots à la bouche,
Il déteste sa vie et ce complot maudit,
M'en apprend l'ordre entier tel que je vous l'ai dit ;
Et m'ayant commandé que je vous avertisse,
Il ajoute : « Dis-lui que je me fais justice,
Que je n'ignore point ce que j'ai mérité. »
Puis soudain dans le Tibre il s'est précipité ;
Et l'eau grosse et rapide, et la nuit assez noire,
M'ont dérobé la fin de sa tragique histoire.
AUGUSTE
Sous ce pressant remords il a trop succombé,
Et s'est à mes bontés lui-même dérobé ;
Il n'est crime envers moi qu'un repentir n'efface.
Mais puisqu'il a voulu renoncer à ma grâce,
Allez pourvoir au reste, et faites qu'on ait soin
De tenir en lieu sûr ce fidèle témoin.
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