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Pierre Corneille
L'illusion comique

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  • ACTE II
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SCÈNE IV

MATAMORE.
Eh bien ! Dès qu'il m'a vu, comme a-t-il pris la fuite ?
M'a-t-il bien su quitter la place au même instant ?

ISABELLE.
Ce n'est pas honte à lui, les rois en font autant,
Du moins si ce grand bruit qui court de vos merveilles
N'a trompé mon esprit en frappant mes oreilles.

MATAMORE.
Vous le pouvez bien croire, et pour le témoigner,
Choisissez en quels lieux il vous plaît de régner :
Ce bras tout aussitôt vous conquête un empire ;
J'en jure par lui-même, et cela c'est tout dire.

ISABELLE.
Ne prodiguez pas tant ce bras toujours vainqueur ;
Je ne veux point régner que dessus votre coeur :
Toute l'ambition que me donne ma flamme,
C'est d'avoir pour sujets les désirs de votre âme.

MATAMORE.
Ils vous sont tous acquis, et pour vous faire voir
Que vous avez sur eux un absolu pouvoir,
Je n'écouterai plus cette humeur de conquête ;
Et laissant tous les rois leurs couronnes en tête,
J'en prendrai seulement deux ou trois pour valets,
Qui viendront à genoux vous rendre mes poulets.

ISABELLE.
L'éclat de tels suivants attirerait l'envie
Sur le rare bonheur où je coule ma vie ;
Le commerce discret de nos affections
N'a besoin que de lui pour ces commissions.

MATAMORE.
Vous avez, Dieu me sauve ! un esprit à ma mode ;
Vous trouvez, comme moi, la grandeur incommode.
Les sceptres les plus beaux n'ont rien pour moi d'exquis :
Je les rends aussitôt que je les ai conquis,
Et me suis vu charmer quantité de princesses,
Sans que jamais mon coeur les voulût pour maîtresses.

ISABELLE.
Certes en ce point seul je manque un peu de foi.
Que vous ayez quitté des princesses pour moi !
Que vous leur refusiez un coeur dont je dispose !

MATAMORE.
Je crois que la Montagne en saura quelque chose.
Viens çà, lorsqu'en la Chine, en ce fameux tournoi,
Je donnai dans la vue aux deux filles du roi,
Que te dit-on en cour de cette jalousie
Dont pour moi toutes deux eurent l'âme saisie ?

CLINDOR.
Par vos mépris enfin l'une et l'autre mourut.
J'étais lors en Egypte, où le bruit en courut ;
Et ce fut en ce temps que la peur de vos armes
Fit nager le grand Caire en un fleuve de larmes.
Vous veniez d'assommer dix géants en un jour ;
Vous aviez désolé les pays d'alentour,
Rasé quinze châteaux, aplani deux montagnes,
Fait passer par le feu villes, bourgs et campagnes,
Et défait, vers Damas, cent mille combattants.

MATAMORE.
Que tu remarques bien et les lieux et les temps !
Je l'avais oublié.

ISABELLE.
Des faits si pleins de gloire
Vous peuvent-ils ainsi sortir de la mémoire ?

MATAMORE.
Trop pleine de lauriers remportés sur les rois,
Je ne la charge point de ces menus exploits.




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